Plus de 99 % des communications Internet intercontinentales s’effectuent par des fibres optiques intégrées dans des câbles qui tapissent le fond des océans du monde.

La Terre c’est surtout la mer. On le sait depuis l’école primaire mais on l’oublie un peu trop. C’est en substance ce que rappelait l’émission Affaires Etrangères de France Culture intitulée le monde des océans ; enjeux méconnues. Parmi ceux-ci et non des moindres : immigration, ressources naturelles, transport, communication et espionnage. « Le rythme de la mondialisation s’accélère sur l’eau et sous l’eau », commente en introduction Christine Ockrent, avec la multiplication des containers (les vrais cette fois NDLR) et les câbles sous-marins ».

31 20 000 clouds1En octobre dernier, l’incident intervenu en Algérie nous le rappelait de manière exemplaire. Le pays a été quasi déconnecté de l’Internet mondial suite à la rupture du câble sous-marin SMWE4 reliant la ville d’Annaba à Marseille. Des liaisons ont pu toutefois être conservées 31 20 000 clouds2grâce à un autre câble qui relie l’Algérie à Palma mais de capacités moindres. Suite à cette rupture, Algérie Télécom (AT) a perdu plus de 80 % de ses capacités de trafic à l’international. Il a fallu plus d’une semaine pour réparer car c’est une opération relativement complexe. Il faut d’abord retrouver les deux bouts du câble avant de procéder à leur raccordement. C’est le bateau du consortium international Mediterranean Cable Maintenance Agreement (Mecma) qui a réalisé les travaux. Une coupure semblable était déjà intervenue en 2009.

Le fautif : un navire panaméen, le Paovasa-Ace dont l’ancre avait provoqué le sectionnement du câble et dont le commandant est d’origine chinoise. L’Algérie compte environ 10 millions d’abonnés à Internet et AT s’est engagée à les dédommager à hauteur du nombre de journées perdues représentant une perte de 100 millions de dinars par jour. L’affaire a été portée devant les tribunaux et elle poursuit son concours. La thèse du sabotage est largement retenue mais si elle n’a pas encore été prouvée.

Les différentes liaisons du SMWE4

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Cette affaire montre à quel point l’Internet dont on a trop souvent une vision éthérée, surtout depuis l’introduction de la terminologie du cloud on de l’infonuagique dépend très largement des liaisons physiques posés dans les fonds marins.

La pose d’un câble (Source Wikimedia)

 

La mondialisation, c’est les containers plus la fibre optique

« Le monde digital est sous-marin, rappelle l’animatrice de l’émission, et on ne s’en rend pas compte ». C’est à la fois un enjeu de transport des données mais aussi de cybersécurité. « 99 % des communications intercontinentales de l’Internet passent par les câbles sous-marins en fibre optique », précise Cyrille Coutansais, Directeur de recherches du Centre d’Études Stratégiques de la Marine (CESM). Une situation que n’est pas vraiment nouvelle mais qui a pris une nouvelle dimension étant donné l’importance du numérique dans les économies d’aujourd’hui.

C’est en 1851, entre le cap Gris-Nez, en France, et le cap Southerland, en Angleterre, qu’un câble à quatre conducteurs renforcé à 8 tonnes, posé par le remorqueur Blazzer fonctionnera pendant plus de quarante ans. Il est considéré comme le premier câble commercial sous-marin télégraphique. Ce réseau télégraphique a d’ailleurs joué un rôle majeur pendant la Première et Seconde guerre mondiale.

Aujourd’hui, on évalue à 270 le nombre de câble déposés dans les abysses (voir la carte interactive des câbles sous-marins réalisée par société d’études TeleGeography). Le million de kilomètres de câbles (environ 25 fois le tour de la Terre) a été dépassé en 2012.

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Une des évolutions de cette infrastructure sous-marine est que l’on observe une certaine « privatisation » de l’activité. Un peu comme dans les satellites avec l’arrivée de l’acteur Space X qui entend bouleverser le marché. Dans le numérique, ce sont les grands acteurs de l’Internet et du cloud, en particulier les GAFA qui procède aussi à l’installation de leurs propres câbles pour relier leur réseau de data center qui couvrent la planète.

« Sur la pose de câbles, poursuit Cyrille Coutansais, la France est plutôt bien placée puisque Alcatel Lucent (via sa filiale Alcatel-Lucent Submarine Networks et qui serait exclu de l’acquisition d’Alcatel-Lucent par Nokia) est numéro un mondial et Orange Marine, numéro 3 ». Le bateau « Ile-de-Sein » d’ASN vient tout juste de partir en mission pour la pose du « Sea-Me-We 5 », un réseau piloté par une quinzaine d’opérateurs télécom et qui s’étend sur plus de 20 000 km pour aller de la France à Singapour en passant par la Méditerranée, la mer Rouge et l’océan Indien.