Encore cette année, le CES a été le royaume de tous les paradoxes : géants contre minuscules, présents contre absents, vrais contre faux-semblants … mais les batailles du futur sont en cours…

Le CES, c’est quoi ?

Salon gigantesque de 3 800 exposants répartis sur 3 lieux géographiques différents, le CES rassemble plus de 180 000 personnes venues du monde entier dans un lieu aussi improbable que Las Vegas, mais très utile pour sa capacité hôtelière – moins pour la passion du jeu. Dans CES, il y a le mot Consumer. Cependant les produits/services/innovations/concepts présentés s’adressent à des professionnels et ce même si les cibles naturelles restent le grand public. Derrière le mot « Electronics » se cache cet alliage gagnant des temps modernes : la fusion du « hardware » et du « software ».

Le CES fête aujourd’hui ses cinquante ans. Il est devenu la Mecque de l’innovation technologique – le salon était par exemple vide en 2010, au lendemain de la crise des sub-primes.

Bref, le CES est un événement de 4 jours durant lequel on parcourt des kilomètres et des kilomètres à la recherche d’un truc innovant et unique ; bonne chance !

Le CES, c’est qui ?

Le CES, c’est le meilleur et c’est le pire : ce sont des stands pyrotechniques comme ceux des géants coréens de Samsung ou de LG mais c’est aussi 6 pages d’annuaires de stands Shenzhen + nom de complément sans que l’on comprenne totalement le pourquoi de leur présence, au final.

Ce sont aussi de merveilleux projets innovants au Parc Eureka consacré aux startups portés par des entrepreneurs passionnés : les jeunes pousses françaises y étaient nombreuses et les plus belles réussites des prochaines saisons poursuivront leur ascension dans les étages supérieurs à la lumière d’espaces plus prestigieux.

Google et Facebook ne sont pas présents au CES, si ce n’est dans les conversations, parce qu’ils ont fait fortune dans la publicité : ils déploient des écosystèmes logiciels sans s’appuyer réellement à ce jour sur des produits physiques (attendons de voir pour le Google Pixel et son succès éventuel).

Autre grand absent, Apple dont la présence naturelle et légitime est forte pour sa fameuse maitrise de l’alliage du « hardware » et du « software ». Cependant, que viendrait faire une marque à l’image si maitrisée et à l’ADN profondément grand public dans un salon professionnel qui ressemble in fine à une foire à la farfouille ?

Les tendances du moment ? Mirages et réalité

Le smartphone ne semble plus concerner grand monde, à part Huawei et quelques fabricants chinois en quête de gain de parts de marché. Même Samsung se repositionne au cœur de « l’Internet des Objets », en particulier par les objets de la maison comme le réfrigérateur – éternel fantasme du prochain hub à tout faire – ou le lave-vaisselle.

Oui, le CES est le nouveau Mondial de l’Automobile avec la voiture qui devient bien une plateforme logicielle, concernant autant les présents – les constructeurs automobiles, à l’exception des Français ! – que les absents – Google, Apple ou Uber… Les drones doivent se construire un destin et des autorisations réglementaires pour virevolter au-delà de nos oreilles dans les espaces du CES. La Réalité Virtuelle doit se construire un écosystème crédible – modèle économique, standards technologiques, contenus renversants – avant de séduire des consommateurs parce que le casque de Réalité Virtuelle n’a guère brillé sous les sapins de Noël.

Alors aujourd’hui, quelle tendance émerge ? La grande tendance de 2017 est celle des nouveaux points de contact comme Echo ou HomeKit. Ils s’appuient sur un écosystème de services capable d’être activé par de la reconnaissance vocale, de comprendre et d’anticiper ce que nous sommes et ce que nous faisons grâce à des logiques apprenantes et automatisées pour simplifier et embellir nos actions quotidiennes.

Nous sommes encore très éloignés de ces écosystèmes, sans friction et très intégrés, reposant sur l’Intelligence Artificielle. Cela étant, la kyrielle d’objets connectés vus au CES devront s’intégrer dans ces ensembles car leur dispersion n’est pas porteur de valeur ajoutée pour la simplicité de la vie du consommateur. Et puis, allons-nous devoir réellement changer chaque année notre brosse à dent, notre brosse à cheveu, notre thermomètre, notre parapluie, notre bouilloire, notre caleçon, notre paire de running connectés à chaque montée de version ? Au secours…

Quel vainqueur du CES ?

Amazon était dans la bouche de tout un chacun au CES avec sa plateforme Alexa et sa technologie de reconnaissance vocale Echo : parangon du modèle précédemment présenté et une intégration avec plus de 5 000 services à date. Paradoxalement, Amazon faisait bande à part au CES en trônant à l’écart, au centre Aria, loin de la fureur du Convention & World Trade Center mais tout le monde parlait d’Amazon Echo.

Il n’y a pas de doute qu’Amazon est l’une des entreprises du royaume CES les plus disruptives du moment, en ayant complètement bouclé son omnicanalité par une logique d’expérience globale sans friction avec Amazon Echo et Amazon Go.

Il se peut qu’Amazon devienne très rapidement la capitalisation boursière la plus importante au monde. Néanmoins, ce serait danser bien rapidement sur les corps de Google Home ou de Apple Siri ! Ce dernier s’appuie, en particulier, sur un écosystème incroyable d’objets – Mac, iPhone, iPod, iPad, CarPlay, Apple Watch, Apple TV, Air Pods… – et son milliard de consommateurs ayant activé un produit Apple. Les batailles ne déterminent pas une guerre qui s’annonce très longue mais Amazon reste par défaut le vainqueur du CES 2017.

Et la French Tech dans tout cela ?

Je le dis sans détours : formidable ! Il y avait une présence quantitative impressionnante de français, avec 36% des start-ups globales présentes au CES. Une présence hyper structurée grâce au label de la French Tech et de la dénomination Business France : cela sert parfois un Etat colbertiste ! Ainsi, la présence française était la 3ème plus importante au CES derrière les Etats-Unis qui jouaient à domicile et la Shenzhenite aiguë de la Chine. On entendait la langue de Molière partout dans l’espace Eureka !

Mais au-delà de la présence quanti, c’est la qualité qui éclaboussait la délégation française. Il suffisait d’observer de nombreux stands français ou bien de se plonger dans la documentation pour comprendre rapidement la proposition de valeur des projets ! Le modèle français prépare très bien à la fabrication de cette nouvelle génération d’entrepreneurs qui doivent maitriser ingénierie, design et marketing pour créer la prochaine vague de Samsung ou de LG.

Cependant, comment les Netatmo, les Withings, les Parrot et les centaines de jeunes pousses effrontées qui s’engouffrent dans les failles de l’innovation sauront-elles graviter, s’intégrer dans ces écosystèmes en construction dominés par les géants américains ? Réponse dans les prochaines saisons du CES.

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Pascal Malotti est directeur conseil et marketing de Valtech