La  vague de chaleur qui touche la France depuis quelques jours n’est pas sans rappeler la canicule européenne de 2003 ayant fortement touché les populations, les écosystèmes et les infrastructures. En 2015, un datacenter en Australie a cessé de fonctionner à cause de températures extérieures records – 44.5 degrés Celsius, jamais vues sur le continent en 20 ans – qui ont causé la panne de la climatisation et impacté des milliers d’utilisateurs ainsi que l’ISP local iiNet. L’hyperthermie exceptionnelle qui règne aujourd’hui dans l’hexagone et plus généralement la tendance au réchauffement climatique mondial impose de comprendre l’impact de ce phénomène sur le fonctionnement du datacenter pour bien l’anticiper.

Il est important de rappeler que le datacenter est plus que jamais au cœur de cette nouvelle économie numérique qui grandit chaque jour. Partout sur le territoire, les usages se développent (e-commerce, e-santé, e-gouvernement, ville intelligente…) générant toujours plus de données qu’il faut héberger, stocker, sécuriser et restituer 24h/24 7j/7, même en période de canicule. Les fermes de serveurs doivent donc garantir une production sans faille de ces données et pour cela anticiper tout phénomène extérieur qui pourrait mettre en péril leur fonctionnement – coupure du réseau d’énergie, effets du froid ou de la canicule sur les installations – et ce, quel que soit leur taille ou leur localisation géographique.

De l’importance du refroidissement

Il est communément admis que le refroidissement est l’un des principaux postes, si ce n’est le principal, à maîtriser dans le datacenter. Face au fort dégagement de chaleur des équipements informatiques, dont les densités thermiques peuvent varier d’un facteur 10 selon le type de matériel et les fluctuations climatiques, les opérateurs de datacenter doivent disposer des bons dispositifs et technologies de refroidissement pour assurer une résilience élevée même en période de canicule. Au-delà de certains modes de free cooling qui ne peuvent plus être utilisés en période de fortes températures car souvent basés sur la circulation de l’air extérieur pour assurer le refroidissement des infrastructures, les datacenters doivent pouvoir s’appuyer sur un système de climatisation sans faille supportant des températures extrêmes, tout en maintenant un niveau de consommation électrique raisonnable.

Assurer une parfaite maitrise de la chaine de refroidissement : quelles solutions pour éviter le gaspillage énergétique ?

La redondance est devenue une valeur d’usage des datacenters : elle permet d’assurer la continuité de services en cas de panne d’un équipement, que ce soit sur la chaîne de distribution d’énergie ou de froid. Néanmoins, en période de canicule, elle ne suffit pas à garantir totalement cette continuité de service. Pour ce faire, il est impératif d’intégrer des solutions de refroidissement conçues et dimensionnées pour accepter des températures exceptionnelles. Cela implique au préalable une analyse pertinente de l’environnement d’implantation du Datacenter, en croisant par exemple des statistiques météos sur plusieurs décennies. On ne choisira pas le même groupe de production de froid à Lille ou à Dubaï.

Cela pourra conduire à la mise en œuvre de groupes frigorifiques permettant un fonctionnement sans perte de puissance jusqu’à une température extérieure très élevée : 45°C en standard et jusqu’à 50°C extérieur de manière optionnelle. Quand bien même ces températures seraient dépassées, les groupes se placent alors à charge partielle (unloading procedure) de manière à assurer une continuité de fonctionnement. Cette baisse de la capacité individuelle des groupes n’est en général pas une difficulté, du fait de la redondance et dans la mesure où les installations ne sont que très rarement sollicitées à charge maximale.

Assurer la résilience du système de refroidissement est l’enjeu majeur du datacenter en période de canicule. Mais doit-on pour autant négliger la performance énergétique ?

Cette augmentation de la température n’est pas forcément synonyme de mauvaises performances énergétiques, même s’il est clair que les capacités de free-cooling ne sont pas ou peu disponibles pendant les périodes de canicule. Le maintien d’une installation performante, malgré les températures extérieures élevées, reste possible grâce à :

– La mise en œuvre de groupes d’eau glacée à très haute performance énergétique utilisant les dernières technologies de compresseurs centrifuges Turbocor à sustention magnétique – compresseur sans huile. Ces groupes fournissent des performances inégalées (avec des coefficients de performance 3 à 5 fois supérieurs à un système traditionnel)  quelle que  soit leur charge et même en cas de température extrême.

– L’intégration d’un système adiabatique : pulvérisation d’eau à proximité du condenseur qui permet de refroidir l’air de plusieurs degrés localement autour du groupe froid et donc de limiter la compression améliorant ainsi les performances de la machine lors des périodes de forte chaleur. Ce système adiabatique sera par ailleurs utilisé le reste de temps pour augmenter la période de fonctionnement en mode free-cooling.

– Enfin, l’urbanisation de la salle informatique avec la séparation physique des flux d’air froid et chaud au travers des solutions de confinement reste un facteur fondamental de résilience des datacenters. Au-delà du fait qu’il s’agisse du seul moyen de garantir que les serveurs fonctionnent dans les plages définies par les constructeurs, ces architectures permettent également de faire travailler ces équipements informatiques à des températures de plus en plus élevées (25 à 27°C), donc de minimiser la sollicitation des installations frigorifiques amonts qui produisent le froid, et d’en augmenter les performances.

Dans les prochaines décennies, les datacenters vont continuer à se développer partout sur la planète au fur et à mesure de la transformation de nos économies, tirées par les nouvelles promesses du numérique. Le réchauffement climatique annoncé laisse entrevoir une augmentation de la fréquence des périodes de canicules.

Les solutions développées permettent d’envisager sereinement ces phénomènes thermiques, quelle que soit la localisation géographique et quelle que soit la taille du datacenter. La modularité et la flexibilité sont désormais les nouvelles valeurs à adresser pour construire les datacenters de demain toujours aussi résilients et encore plus éco-responsables.

Le datacenter éco-responsable doit être conçu de manière modulaire, afin d‘accompagner au plus juste les besoins d’investissement, flexible pour tenir compte des évolutions permanente de l’IT et du Cloud, fait de briques standardisées pour garantir la fiabilité et intégrant du free-cooling pour limiter l’impact du refroidissement sur la consommation énergétique.

Ainsi pensé, il sera un acteur clé de la réduction de l’impact environnemental des nouveaux usages numériques.

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Damien Giroud est Directeur France Solutions Datacenters  Schneider Electric