Les technologies numériques offrent une opportunité, celle de changer la manière de travailler pour redonner à l’humain toute sa place et sa valeur ajoutée dans l’entreprise. Trop souvent en effet, l’hétérogénéité et la complexité d’usage des différentes briques technologiques utilisées dans les entreprises, telles que les Tableaux Blancs Interactifs, la visioconférence, les vidéoprojecteurs connectés ou les applications sociales et métiers, constituent un frein à la concentration, la créativité et à la productivité des collaborateurs.

L’arrivée en entreprise de technologies et d’Apps adoptées à titre privé par les collaborateurs a contribué à amplifier le phénomène en bouleversant profondément les rapports de forces de gouvernance du système d’information.

La dualité de l’employé augmenté par le numérique génère de nouveaux challenges aux DSI. Auparavant en effet, les directions informatiques étaient seules responsables du choix et du rythme des évolutions technologiques. Petit à petit, depuis l’apparition de plateformes collaboratives au début des années 2000 jusqu’aux extraordinaires capacités des smartphones et des tablettes aujourd’hui, ce sont les utilisateurs qui imposent, au moins pour partie, à la direction informatique non seulement le rythme d’adoption des technologies mais aussi les orientations elles-mêmes. A cela s’ajoute, depuis quelques années maintenant, la pression grandissante des clients, friands de toute innovation technologique permettant de leur simplifier la vie.

Face à ces remises en cause de leur monopole de décision, les directions informatiques éprouvent des difficultés à reprendre l’offensive, tant elles sont mises en situation de « rattraper » le retard supposé (ou réel) des entreprises en matière d’innovations technologiques. Cette posture d’éternel retardataire, qui altère profondément la capacité d’initiative lorsqu’elle ne remet pas en cause la légitimité de la DSI, vient du fait que le problème de base est mal posé.

De la même manière qu’il ne peut y avoir d’expérience client réussie sans expérience utilisateur interne également réussie, il ne peut y avoir d’évolution des manières de travailler et de collaborer dans l’entreprise tant que celles-ci n’ont pas d’abord transformé les modes de travail de la DSI elle-même. Le rôle du directeur des systèmes d’information (DSI), aussi stratégique que celui du directeur financier ou de la relation client, est souvent décrit comme devant être celui d’un chef d’orchestre. Mais si la métaphore est plaisante, son sens profond semble largement échapper aux directions informatiques des entreprises.

Il s’agit ici de revenir aux fondamentaux. Tout comme le rôle du Directeur des ressources humaines est de s’assurer que tous les collaborateurs de l’entreprise poursuivent le même objectif de faire croître ensemble la valeur de l’entreprise, le rôle du DSI n’est-il pas, au bout du compte, de veiller à ce que toutes les technologies exploitées ou exploitables dans le cadre de l’activité contribuent à l’accroissement de valeur ? Si, comme nous l’évoquions dans une précédente tribune, l’introduction d’une nouvelle technologie ne suffit plus à accélérer le business.

Si l’innovation est aujourd’hui beaucoup plus l’art de combiner les technologies entre elles et de les adapter aux usages. Alors il faut reconnaître que le rôle du DSI a profondément changé. Il n’est plus là pour définir et gérer une infrastructure numérique mais pour réussir l’intégration intelligente des technologies au service du business et de la simplicité d’usage. Le terme n’existe pas encore, mais il y a fort à parier que d’ici quelques années, le directeur des systèmes d’information se verra rebaptiser Directeur de l’Intégration Intelligente (DII) des technologies (Smart Integration Office – SIO), pour refléter plus fidèlement son nouveau rôle. Souvenons-nous, c’est ainsi que le Directeur du Personnel est devenu, au fil des années, Directeur des Ressources Humaines, voyant au passage se développer ses responsabilités et son importance stratégique pour l’entreprise.

Beaucoup a déjà été écrit et le sera encore sur la nécessité d’établir une collaboration renforcée entre la DSI et de nouveaux décideurs spécialistes des services numériques ou de la transformation digitale des organisations (Chief Digital Officer – CDO). La multiplication des échanges avec l’ensemble des métiers de l’entreprise est un élément clé pour penser de manière transversale l’intégration des technologies, et contribuer ainsi à la réinvention des modes de travail à l’ère numérique.

Mais il reste à la DSI à déterminer et à mettre en avant sa contribution spécifique à cette réflexion d’ensemble. Tout le monde comprend en effet que l’apport de la DSI ne peut pas se limiter à la seule mise en œuvre de décisions prises par d’autres, et au seul arbitrage budgétaire des priorités. Pour jouer ce rôle moteur, le DSI doit pouvoir continuer à s’appuyer sur ce qui fait sa spécificité dans l’entreprise, sa capacité à fixer un cap, à concilier les attentes pour constituer un ensemble transverse, cohérent et performant tant du point de vue technique qu’économique. N’oublions pas l’axiome qui doit guider l’action de tous dans l’entreprise, la création de valeur !

Encore une fois, il s’agit de revenir aux fondamentaux, à ce qu’a été le rôle du DSI depuis l’origine, faciliter et accélérer l’accès à, et l’échange de, l’information. Ce même paradigme est encore au cœur de la transformation numérique des entreprises, lorsque celle-ci vise l’amélioration de la collaboration et des échanges entre les collaborateurs et avec les clients ou partenaires. En se plaçant du point de vue de ces utilisateurs, tout l’enjeu pour la DSI est de trouver les moyens de réduire la distance, physique ou virtuelle, qui sépare les parties prenantes de l’échange. La distance est à la fois une mesure physique et une notion relative.

Appliquée à la collaboration en entreprise, elle se calcule en combinant le délai et la difficulté d’accès à la situation d’échange proprement dite. Cette approche conduit à une analyse transversale de tous les outils de collaboration, depuis le voyage professionnel jusqu’au partage de ressources sur le cloud ou à la possibilité d’imprimer et de capturer l’information là où l’on se trouve. La formation des utilisateurs ne suffit pas, à elle seule, à la réduction de cette distance, tant les technologies évoluent rapidement. C’est pour cette raison notamment que la compétence particulière de la DSI peut et doit ici s’exprimer à nouveau pleinement.

Sa compréhension des technologies permet à la DSI d’imaginer et de mettre en œuvre, pour chaque situation de collaboration, la combinaison idéale de média, d’intégration et de processus digitalisés qui permet cette réduction d’effort pour accroître la collaboration entre les individus. En adoptant cette perspective, la DSI s’assure aussi d’une contribution sans précédent et reconnue par tous à la production de valeur de l’entreprise. Par une approche innovante sur les moyens et les façons de travailler (Workstyle Innovation) générant une réduction d’effort collaborateur ou client, la DSI reprend toute sa légitimité au service de l’accélération du business. Les effets de son action sont plus que jamais directement mesurables en matière de productivité, de maîtrise des affaires et de satisfaction client.

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Jean-Pierre Blanger est Solutions & Services Manager, Ricoh France