Un intégrateur de solutions raconte comment il s’est laissé prendre par les sirènes du Cloud et ce qu’il en a retiré comme enseignements après avoir dépensé 200.000 € sans résultat tangible.

Appelons-le Edouard Nenez (il ne tient pas à être identifié). Dirigeant d’un intégrateur de solutions d’une dizaine de personnes spécialisé dans la gestion documentaire, il décide il y a deux ans de se diversifier en lançant une activité d’intégrateur de solutions cloud. Appliquant à la lettre les conseils des experts qui recommandent de différencier les équipes dédiées au Cloud de celles s’occupant du business traditionnel, il recrute un commercial, un technicien et une personne au marketing.

Il relaye notamment les offres SaaS de Microsoft, IBM et Oodrive avec un focus sur Sharepoint Online pour la mise en place de solutions de GED et collaboratives, et propose des offres de serveur virtuel et de sauvegarde externalisée. Mais après un an et 200 K€ dépensés, l’activité n’a pas décollé avec seulement 40 K€ de revenus générés. Il décide d’arrêter les frais en se séparant de son commercial et de son technicien. Mais garde sa ressource marketing qu’il réintègre sur son business traditionnel. De l’aventure il en a tiré plusieurs leçons :

–       Les mentalités ne sont prêtes…

« J’avais pensé que l’adoption du Cloud serait plus rapide dans les PME. En réalité, il subsiste des freins importants. Ainsi la question de la sécurité demeure très sensible avec des interrogations comme « où seront mes données ? », « ne vont-elles pas être interceptées ? » et « ne vais-je pas en être dépossédé ? ».

Mais le frein majeur vient probablement des équipes IT internes des clients qui se sentent menacées par l’avènement du Cloud. Elles se demandent ce qu’elles vont devenir si elles n’ont plus à gérer de matériel et de réseaux. Elles n’ont pas vu le rôle d’interface avec les métiers qu’elles pouvaient jouer. »

–       …Une activité pure cloud est difficile à rentabiliser

« J’ai surestimé la rentabilité du Cloud. D’abord, on gagne beaucoup moins sur les licences. Même sur le moyen terme, on ne s’y retrouve pas. Les prix sont trop bas. En général il faut 8 à 10 ans pour récupérer sur un produit SaaS la marge que l’on aurait faite sur le produit équivalent sur site. Ensuite, on ne vend quasiment plus de matériel puisque tout est hébergé.

De même, les services d’intégration sont réduits à la portion congrue. Il y a certes la migration des données mais, sur ce plan là aussi on perd, puisqu’on ne la fait qu’une seule fois, là où on gère une montée de version tous les trois ou quatre ans pour les logiciels sur site.

Il reste les éventuels paramétrages et personnalisations autour de la solution, leur maintenance ainsi que le support. Mais il est très difficile de facturer autant pour le support que pour la souscription du logiciel. Quand cette souscription, par exemple pour un serveur Sharepoint, revient à peine à 45 € par utilisateur et par an, cela ne fait pas grand-chose.

Même avec les services de migration, la formation, il est difficile d’amortir ne serait-ce que les coûts de commercialisation. D’autant que rien n’empêche un concurrent de chasser vos clients lors du renouvellement de leur contrat en cassant les prix. Du coup, c’est vous qui supportez l’essentiel de l’effort commercial – qui, soit-dit en passant, est le même pour capter un client dans le cloud que pour une solution sur site – mais c’est un autre qui profite du revenu récurrent. »

–       Il est plus judicieux d’adosser le cloud à une activité traditionnelle

« Aujourd’hui, le cloud n’a pas disparu de notre offre mais ce n’est plus un business à part entière. C’est devenu une alternative aux solutions sur site que l’on propose en fonction des besoins des clients et de leur budget. On a investit sur des certifications pour que nos consultants soient en mesure d’assurer la formation des utilisateurs de Sharepoint Online et son intégration à nos solutions de gestion documentaire. »

Revenant sur la question de l’acceptation du Cloud, Edouard Nenez remarque cependant que les choses sont en train de changer : des clients prospectés il y a deux ans commencent à se montrer intéressés. Mais cela reste limité aux clients « les plus innovants et les plus agiles ». « Le Cloud a ses avantages mais ce n’est pas une solution miracle. Tout ne va pas se transformer en cloud », conclut-il.

 

 

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