A l’heure de la digitalisation, la France voit son modèle social sans cesse remis en question par de grandes problématiques (uberisation, économie des plateformes). A l’image, des prouesses technologiques et managériales présentées par les grands du Net et surtout les NATU, le modèle économique français doit se réinventer en s’inspirant de ces modèles de réussite nouvelle génération. Il n’existe pas de recette miracle, pour se réinventer il faut faire table rase en remettant en question les pratiques d’avant et en adoptant les méthodes qui sont les fondements de cette nouvelle ère digitale.

Le monopole des sociétés de services

Dès les années 1990, l’informatique de l’État a été confiée à des mastodontes du Conseil appliquant à la lettre un business model bien installé : celui du trust « ICE », qui désigne un regroupement d’Intégrateurs, de Constructeurs, et d’Éditeurs middleware. Au fur et à mesure des années, ces approches traditionnelles sont restées bien ancrées dans certaines entreprises, qu’elles soient publiques ou privées. L’État s’est vu se débattre avec des projets informatiques qui ont abouti le plus souvent à de cuisants échecs (RSI, Pôle Emploi, Louvois, etc.).

Ce modèle a réussi à verrouiller complètement le marché de l’informatique d’entreprise. En injectant de la complexité programmée dans leurs logiciels, ces acteurs ont créé un contexte de dépendance technologique (tant en termes de compétences que d’expertises). Leur modèle économique était de s’assurer une « rente logicielle », à savoir des revenus réguliers sur le long terme.

Ils ont su tirer habilement parti des failles dissimulées dans les règles des marchés publics, qui se sont traduites par une organisation en silo et un manque de communication des responsables décisionnaires : ceux qui achètent des logiciels ne sont pas les mêmes que ceux qui achètent du hardware ou des services.

L’informatique à l’écoute des besoins utilisateurs

L’année 1995 a vu l’arrivée d’une informatique alternative, adoptée par de nouveaux acteurs comme Amazon, Google, eBay, PayPal, LinkedIn, etc. Plutôt que de suivre les modèles traditionnels de construction d’un système d’information, ils se sont lancés dans le développement de leurs propres technologies afin de ne dépendre d’aucun tiers, tout en relevant le défi de gérer des logiciels utilisés de manière gratuite par des milliards d’usagers en même temps. Ces acteurs ont réussi à adapter les technologies, les outils et le hardware au besoin réel, ce qui a permis de réduire les coûts des logiciels et de la même manière du matériel, ce qu’on appelle un Logiciel Frugal.

L’utilisation de ces technologies transparentes a eu pour conséquence d’augmenter la passion et la motivation des experts pointus et aide les jeunes ingénieurs et développeurs à monter en compétences rapidement grâce à une vraie source d’inspiration. Ces changements ont bousculé le marché des technologies en mettant en danger les ICE ces dernières années.

Ces modèles économiques, qui sont devenus la norme, créent de nouvelles contraintes comme de nouvelles opportunités. Plutôt que d’acheter des prestations logicielles et de faire héberger ses données sur des plateformes étrangères, la France doit créer elle-même des logiciels et des solutions informatiques. Ces dernières vont alors réellement gérer la complexité fonctionnelle et la sécurité d’informatisation générée par l’action des institutions et des collectivités. La complexité fonctionnelle des processus et les exigences de sécurité doivent être informatisées en étant respectées. Ainsi, les logiciels doivent être isomorphes à cette complexité existante.

L’humain au centre de la révolution numérique étatique

Le business model des sociétés de conseil est ainsi dépassé. Au même titre que leurs clients, victimes de l' »uberisation » de la société, elles sont dans l’obligation d’effectuer une transformation numérique en profondeur. En effet, leur philosophie de service ne correspond plus à la demande et aux besoins de l’écosystème qui recherche de plus en plus d’agilité et de flexibilité.

Les sociétés de conseil traditionnelles ont tendance à momifier de plus en plus le service informatique avec des procédures et ajoutent des couches de complexité au lieu de simplifier la tâche du DSI. Ce dernier devient ainsi victime de ses propres initiatives de changement, n’ayant plus qu’un rôle de maintenance et de pérennité auprès des outils déployés au lieu d’être l’initiateur de nouveaux services qui participeraient fortement à la réussite de l’entreprise.

Afin d’atteindre la révolution numérique, une des pistes consiste à cesser de placer les processus métier au centre de la décision et à les remplacer par de l’humain. Ainsi, créer des équipes composées de passionnés, de personnes qui sont dévoués au service public et de la même manière qui ont pris en compte l’évolution des GAFA jusqu’à leur obsolescence. Une équipe dont l’objectif commun serait la réponse aux besoins des utilisateurs finaux (agents de l’État, contribuables, etc.), ce qui permettrait d’aboutir à des résultats concrets et effectifs.

La France a su pendant des années avec des sociétés comme la SNCF, Areva, GDF créer des technologies déployées dans un premier temps sur le marché local à titre d’expérimentation, avant d’être reprises par le reste du monde.

L’Hexagone dispose aujourd’hui de tous les atouts en main pour atteindre ces objectifs. Pour y parvenir, il doit permettre aux entreprises d’innover et d’aller vers la simplicité d’action afin d’offrir le maximum d’agilité et de flexibilité et offrir son savoir-faire aux pays du monde entier

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Habib Guergachi est CEO de Zengularity