Dans un monde où les appareils mobiles sont désormais plus nombreux que les êtres humains, il est facile d’oublier que nous avons vécu sans smartphones il y a à peine quinze ans. De la 1G à la 4G, chaque nouvelle génération de réseaux mobiles a battu des records de vitesse et permis de nouveaux usages qui ont eu d’énormes répercussions sur nos vies personnelles et professionnelles. Aujourd’hui, l’industrie est en pleine effervescence à propos de l’arrivée de la 5G, prévue entre 2017 et 2020. Avec des vitesses allant jusqu’à 10 Gbit/s et une latence ultra-faible d’environ 1 milliseconde (50 fois plus rapide que la 4G), ce réseau nouvelle génération est extrêmement prometteur en termes d’applications : villes intelligentes (Smart City), voitures sans conducteur, chirurgie à distance, révolution de l’Internet des Objets…

Il n’est guère surprenant qu’à l’instar des Jeux Olympiques, une course à l’échelle mondiale se déroule dans le monde technologique afin d’être le premier à définir la norme à venir. Les défis à relever sont multiples. Ils tournent principalement autour de l’harmonisation du spectre radioélectrique, de la conception d’antenne et des tests de bout en bout des équipements.

Un bref aperçu des défis à relever

La 5G va susciter une harmonisation radicale du spectre radioélectrique.

Tout d’abord, rappelez-vous que les données sont transmises par ondes radio. Les ondes radio sont divisées en bandes de fréquences différentes, chaque bande étant réservée à un type de communication différent : les signaux de navigation aéronautique et maritime, la radiodiffusion télévisuelle, les données mobiles, l’usage militaire, etc. Quand de nouveaux protocoles sont développés, les fréquences radio (RF) qui peuvent leur être attribuées se limitent à celles encore disponibles. Trouver un nouvel espace et coordonner l’utilisation de cet espace exigeront des négociations complexes.

Ensuite, des applications telles que le transport sans conducteur ou la chirurgie à distance exigent une connexion sans faille. La 5G devra garantir une expérience sans aucune interruption, à chaque fois, comme si la capacité existante était illimitée. Plusieurs réseaux fournissent actuellement de la connectivité pour les appareils sans fil des utilisateurs finaux : cellulaire, Wi-Fi, liaison point à point et M2M en sont quelques exemples. A priori, la 5G intégrera différents protocoles ainsi que des bandes de fréquences diverses, de manière à offrir à l’utilisateur final la connexion « sans faille » et la bande passante optimisée tant attendues.

Et puis, la 5G va devoir tenir compte de l’augmentation du débit de données. De nombreuses technologies sont en cours d’évaluation pour assurer cela. De même que pour la coordination des protocoles, les réseaux 5G ne seront pas basés sur une technologie unique mais sur une combinaison de plusieurs. Ces technologies devront travailler en parallèle, voire ensemble, de manière optimale, pour permettre le déploiement du large éventail d’applications passionnantes à venir.

Parmi ces technologies, on note celles utilisant les ondes millimétriques (MMW) et le Massive MIMO. Les ondes millimétriques permettent une grande vitesse et un haut débit de transmission des données, mais la connexion est de courte portée et de point à point. Le Massive MIMO (Multiple-Input-Multiple-Output) pourrait être une alternative viable. Cette technologie consiste en un système doté d’un grand nombre d’antennes qui créent des faisceaux localisés vers chaque appareil, d’où des gains importants de capacité et de densité du trafic. Les principes physiques de base de cette technologie sont déjà éprouvés et des expériences sont en cours.

L’industrie de la mesure mise à l’épreuve

Le mix de technologies requis pour mettre en œuvre la 5G met à l’épreuve l’industrie de mesure d’antenne, qui va devoir très rapidement emboîter le pas et proposer des solutions flexibles, capables de gérer la profusion de nouveaux dispositifs à évaluer. Au-delà de tester chaque nouvelle technologie, elle devra également tester les différentes combinaisons de technologies, d’éléments de réseau et de protocoles pour assurer leur bonne interopérabilité.

Reprenons l’exemple des ondes millimétriques et des Massive MIMO mentionné plus haut. Pour les acteurs de la 5G qui veulent bénéficier de vitesses élevées et de la grande capacité du spectre des ondes millimétriques, il faudra des systèmes capables de fournir des mesures dans les bandes d’ondes millimétriques. Il n’en existe qu’une petite poignée à l’heure actuelle. Comme la majorité des larges bandes passantes disponibles du spectre RF sont dans les bandes de fréquences plus élevées (jusqu’à 100 GHz), un défi clé réside dans la conception d’antennes adéquates. Ceux qui parviendront à relever ce double challenge auront gagné une avance considérable.

Le système MIMO demande à ce que l’algorithme de bande de base réponde aux caractéristiques du canal RF. Comme cette bande de base est divisée entre l’émetteur et le récepteur et que ces deux éléments sont susceptibles de provenir de fournisseurs différents (le fournisseur d’infrastructure d’une part et le vendeur du terminal d’autre part), la liste complète et détaillée des paramètres requis pour l’algorithme doit être spécifié dans les documents de normes technologiques. Pour le Massive MIMO, le cahier des charges risque d’être très complexe et hyper détaillé pour garantir une entière interopérabilité.

Un autre défi dans ce domaine concerne les antennes sans connecteurs. D’autant plus que les grands réseaux d’antennes nécessaires au Massive MIMO seront conçus pour être compacts, afin de maintenir des coûts raisonnables et garantir un déploiement efficace. Il est donc peu probable qu’on y trouve des connecteurs RF ou des ports de test pour y raccorder des équipements de mesure. La taille miniature des antennes à ondes millimétriques rencontre aussi cette difficulté. La suite logique attendue est donc d’avoir à mener des tests actifs ou « Over The Air » (OTA) qui permettront de tester les dispositifs de bout en bout, la partie antennaire, la chaîne RF et l’électronique embarqué.

De manière générale, ces tests s’avèrent ardus et vont nécessiter une instrumentation très précise ainsi que des solutions de test flexibles des émetteurs-récepteurs d’ondes millimétriques et/ou de Massive MIMO. Des systèmes de test plus complexes seront nécessaires. Ils devront s’adapter à des bandes de fréquences diverses. En parallèle, la simulation de signaux se propageant par trajets multiples via des simulateurs d’environnement électromagnétique augmentera en importance, ainsi que les exigences techniques et les capacités requises de ces équipements.

Enfin, est-il nécessaire de rappeler que la course à la norme 5G est une course contre la montre ? Tous ces tests complexes doivent être menés en un minimum de temps.

Les Jeux Olympiques de la 5G

Les grands événements sportifs mondiaux sont des moments clé pour mener des tests pilotes et déploiements technologiques à grande échelle.

En 2018, les Jeux Olympiques d’hiver en Corée du Sud et la Coupe du Monde à Moscou sont deux occasions idéales de lancer des pilotes 5G en grandeur nature.

En 2020, les Jeux Olympiques d’été au Japon devraient donner lieu à des démonstrations 5G en direct, avec un possible déploiement commercial à la clé.

A ce stade, il est encore impossible de savoir quel pays, quelle entreprise ou consortium de sociétés, va remporter la course de la 5G, mais une chose est sûre : la victoire dépendra non seulement de la vitesse d’innovation, mais aussi de celle des systèmes de tests et mesure. Il s’agit là d’un défi complexe que l’industrie est prête à relever avec enthousiasme.

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Nicolas Gross est directeur des applications chez Microwave Vision Group (MVG)