Célébrant ses 40 ans d’existence, l’Idate présente l’édition 2017 de son Digiworld qui constitue la bible des évolutions des technologies Internet, télécoms et télévision.

Dans l’exercice toujours difficile de prédire l’avenir, d’autant plus difficile dans notre secteur étant donné la vitesse des évolutions, l’Idate imagine 4 scénarions qui, tient à rappeler François Barrault, Président de l’Idate, constituent des réflexions de référence que des prévisions.

Ces quatre scénarios impliquent des chaînes de valeur recomposées : service client premium dans un scénario « Club », technologies de pointe modulaires dans un scénario « Tech », optimisation forcenée des coûts dans un scénario « Low Cost », cocon ultra-sécurisé dans un scénario « Shield » détaille Vincent Bonneau, Directeur du pôle innovation d’IDATE DigiWorld.

Ces quatre scénarios prennent en compte deux grandes incertitudes. La première concerne l’existence d’acteurs durablement rentables, se positionnant uniquement comme des purs fournisseurs de solutions technologiques (les pelles et les pioches de la ruée vers l’or). La seconde est liée à l’intensité de l’usage des données personnelles et donc, indirectement à la capacité à valoriser auprès de sa auprès de sa base de clients une offre diversifiée de produits et de services par des recommandations.

Dans le scénario club, l’écosystème est dominé par quelques grands acteurs qui internalisent les développements technologiques majeurs et les infrastructures associées pour gagner en rapidité et en rentabilité. Dans cette catégorie, on trouve des sociétés comme Amazon, Darty ou Tencent.

Dans le scénario Tech, les utilisateurs profitent d’un environnement d’innovations avec une approche très ouverte appliquée à toutes les composants du secteur numérique grâce à une multitude de standards et à une pression du grand public en faveurs d’offres ouvertes. Les exemples de cette vision Lego sont bitcoin ou BitTorrent.

Dans tous les domaines le coût est une donnée importante, c’est pourquoi l’Idate envisage un scénario low cost dans lequel les nouvelles solutions sont essentiellement adoptées pour répondre à des recherches d’optimisation des coûts. Les modèles sont Uber, Netflix et Iliad.

Enfin de plus en plus, la sécurité joue un rôle majeur dans le comportement des utilisateurs d’où le quatrième scénario dit Shield dans lequel ils s’en remettent à un petit nombre d’acteurs jugés capables de les protéger. Exemples de cette approche, Apple, American Express et Securitas sont cités par l’Idate.


Thierry Breton : mettre l’accent sur les investissements

L’investissement dans le numérique et les technologies est une obligation pour toute entreprise qui souhaite réussir. Tel est le mot d’ordre de Thierry Breton en introduction de la conférence Digiworld de l’Idate. Le Pdg d’Atos a rappelé le rôle particulier que joue sa compagnie en France et même en Europe où elle reste le dernier fabricant de supercalculateurs. Il a rappelé aussi qu’Atos travaillait activement au développement de la prochaine génération avec l’ordinateur quantique. Nous avons encore deux générations de processeurs classiques pour arriver à 5nm et nous serons devant le mur de la physique et de la loi de Moore. On sait simuler des ordinateurs quantiques sur des ordinateurs traditionnelles permettant de se préparer (outils logiciels, algorithmes) lorsque la technologie sera prête.


Points saillants de ce Digiworld

Le taux de croissance global de l’ensemble des marchés du numérique est très stable. Autour de 4 % depuis trois ans. Mais toujours en dessous de 1 % par rapport à la croissance de l’économie générale. Cela explique que de nombreux marchés sont sous pression.

– C’est le cas sur le marché des infrastructures (équipements réseaux et services IT), mais avec quand même un bon niveau d’investissement des telcos et des entreprises, pour un total qui représente 35 % des revenus globaux du DigiWorld. Côté équipements de réseaux, les opérateurs accroissent leurs investissements de plus de 5 % par an depuis 2010, avec un retour des investissements dans le fixe (haut débit). Et on observe une légère accélération des investissements pour les services IT grâce aux applications verticales, au basculement vers le SaaS et le cloud, et la montée en puissance de l’IA.

– Côté marchés des services et des contenus : les choses vont un peu mieux en 2016 pour les services télécoms. Ils ont beaucoup souffert depuis cinq ans, surtout en Europe. Les services mobiles sont enfin revenus en croissance positive après cinq années de recul. Ce sont les services OTT (Over-the-top content) qui continuent de tirer la croissance avec encore +18 % en 2016. À ce rythme, ils vont bientôt atteindre le seuil des 10 % du marché total. Ce qui est déjà le cas pour la zone Europe, où les services OTT viennent de passer le seuil des 10 %.

– Les mauvaises nouvelles viennent plutôt des terminaux, avec seulement 2 % de croissance en 2016, loin des taux de croissance du passé ! Les ventes de smartphones semblent parvenir à un palier : seul le renforcement des segments de milieu de gamme continue heureusement de tirer le marché vers le haut en valeur. Les ventes de PC reculent depuis plusieurs années ; et, c’est nouveau, les ventes de tablettes leur emboîtent le pas aujourd’hui, brutalement.


Jean-Charles Decaux : la révolution des usages

Ce qui compte c’est la révolution des usages grâce à la technologie plutôt que la révolution technologie, considère Jean-Charles Decaux. Le Pdg de la société éponyme rappelle sa solution de partage de vélos étaient disponible dès 1999 mais il a fallu attendre 2003 pour signer le premier contrat car les esprits n’étaient pas prêts. La société qui se présente comme le spécialiste du mobilier urbain ne semble pas particulièrement liée à la révolution numérique et pourtant c’est la donnée qui est au cœur de sa réflexion et qui guide ses investissements. Dès qu’un particulier sort de son domicile, il peut être potentiellement un client de Decaux. La société explique qu’elle a perdu le contrat avec Paris car la Ville a changé de modèle économique. Le modèle Decaux est basé sur la publicité et ne coûte rien à la ville et donc au contribuable. Dans le nouveau modèle, La Ville de Paris est prête à investir. La différence est que désormais le Velib a fait son trou, qu’il est totalement accepté et fait désormais partie du paysage.


Du côté des marchés

Les dynamiques régionales ont connu des mouvements divers depuis notre dernière édition, mais confirment l’accélération des pays émergents quand les économies les plus avancées n’enregistrent qu’un léger mieux.

– Le moteur nord-américain ralentit. Hors les services OTT, tous les autres segments de marché décelèrent. La TV en raison de la forte baisse de la Pay TV, du phénomène de cord-cutting et de la migration vers le multiple play. Les terminaux ont également connu une baisse brutale. Ainsi que les services télécoms qui ralentissent depuis deux ans, sous la pression de la concurrence.

– La Chine est entrée dans une nouvelle phase, avec un taux de croissance de seulement 3 % en 2016, quand le taux de croissance de l’économie générale est de plus de 7 %. Preuve sans doute que la Chine n’est plus tout à fait un émergent ?

– La bonne nouvelle vient de l’Europe qui poursuit son redressement avec une croissance de 3 %, proche de celle de l’Amérique du Nord. Souvenons-nous que nous étions à 0 % en 2013. Mais il reste que nous ne rattrapons pas notre retard. Et, c’est historique, l’Europe est passée sous la barre des 25 % (un quart seulement) du marché mondial l’an dernier.