Après qu’HP vient de publier des résultats 2013, un juge fédéral ouvre la voix pour une action judiciaire à propos du rachat de l’éditeur britannique de logiciels Autonomy.

« We diagnosed the problems facing the company, laid the foundation to fix them and put in plan to restore HP to growth », écrivait Meg Whitman, sans doute imprudemment, dans le rapport annuel 2012 alors qu’elle venait de prendre les rênes de l’entreprise quelques semaines plus tôt. Elle ajoutait « we have more work to do on the multi-year journey ahead of us » poursuivait-elle dans sa lettre aux actionnaires. Sur l’exercice fiscal 2013 clos le 31 octobre, HP a réalisé un chiffre d’affaires de 112 milliards de dollars contre 120 milliards en 2012, une baisse significative de plus de 9 %. Si toutes les activités sont touchées, certaines comme le logiciel résiste mieux, le problème est qu’il représente moins de 4 % de l’activité.

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Plus préoccupant, cette stagnation du chiffre d’affaires depuis 2008, le début de la crise financière, n’est pas sans rappeler celle d’IBM. D’autant plus qu’HP comme Big Blue s’est lancé dans une course aux acquisitions extrêmement active. Depuis le rachat de Mercury Interactive, HP a procédé au rachat de 30 entreprises et déboursé pour ce qui est connu (seule la moitié des transactions a fait l’objet d’une publication financière) plus de 40 milliards de dollars.

Les rachats d’HP depuis celui de Mercury

November 7, 2006 Mercury Interactive Computer software $4.5 billion
Knightsbridge Solutions Information management
Bitfone Corp. Computer software
Bristol Technology Computer software
Polyserve Computer software
Tabblo Inc. Computer software
Arteis Computer software
SPI Dynamic Inc. Computer software
July 23, 2007 Opsware Computer software $1.6 billion
Neoware Thin client $214 million
MacDermid ColorSpan Inc. Printer manufacturer
Atos Origin Middle East Group Information technology consulting
February 2008 EYP Mission Critical Facilities Inc. Information technology consulting
March 2008 NUR Macroprinters Ltd Printer $457 million
March 26, 2008 Exstream Software Computer software $371 million
TOWER Software Computer software $101.529 million
Colubris Networks Wireless networking
August 26, 2008 Electronic Data Systems Information technology consulting $13.9 billion
LeftHand Networks Inc. Data storage $360 million
August 4, 2009 IBRIX, Inc. Computer software
April 12, 2010 3Com Computer networking $2.7 billion
June 24, 2010 Melodeo Computer software $30 million
July 1, 2010 Palm, Inc. Smartphone Manufacturer $1.2 billion
August 26, 2010 Stratavia Computer Software
September 27, 2010 3PAR Data Storage $2.35 billion
September 22, 2010 Fortify Software Computer Software
October 22, 2010 ArcSight Corporate Computer Security management $1.5 billion
March 22, 2011 Vertica Systems, Inc. Enterprise Database Software $350 million
October 3, 2011 Autonomy Corporation Information Management $11 billion
December 7, 2011 Hiflex Information Management

Croissance et instabilité

La stratégie de diversification et de croissance à tout va lancée par Carly Fiorina a fait d’HP le numéro Un mondial de l’informatique – si l’on met Apple de côté qui a réalisé un chiffre d’affaires de 170 mds $ en 2013 – mais l’a aussi fait entrer dans une zone d’instabilité. Le cours de l’action est retourné dans les eaux profondes dans lesquelles il était retombé après l’explosion de la bulle Internet. Quant au management de l’entreprise, les dirigeants se sont succédé et ont dû quitter l’entreprise dans des conditions délicates. Pour sa part, Meg Whitman a repris le flambeau après Leo Apotheker a, elle, après avoir essuyé une cuisante défaite aux élections de gouverneur de Californie face au démocrate Jerry Brown ;  cela malgré une débauche financière de 180 millions de dollars tirés de sa fortune propre.

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La transformation engagée par HP il y a quelques années vers les services et le logiciel, à l’instar d’IBM, a trouvé ses limites sur le logiciel qui reste assez marginal chez HP alors que chez IBM, il représente 25 % du chiffre d’affaires et constitué l’activité dont la contribution aux profits est la plus importante avec 45 % des bénéfices avant impôts. HP est largement plus dépendant qu’IBM de la vente de matériels – PC, serveurs, équipements de réseaux et imprimantes – qui dégagent des marges relativement faibles. Sauf peut-être les imprimantes qui génèrent de juteux revenus grâce aux consommables.

Autonomy  : affaire à suivre

L’affaire Autonomy est une bombe à retardement qui va peut-être exploser. Petit retour en arrière. En août 2011, HP rachète l’éditeur britannique Autonomy, une affaire initiée par Leo Apotheker et signée par Meg Whitman. En novembre 2012, HP déclare qu’il a fait l’objet d’une escroquerie et écrit une provision de 8,8 milliards de dollars, soit environ 85 % du prix d’achat. Suite à cette annonce, l’action perd 20 % de sa valeur.

Un groupe d’actionnaires mené par le fonds de pension hollandais PGGM, qui a perdu 35 M$ dans cet effondrement, engage une class action contre HP estimant que les dirigeants de l’entreprise n’avaient pas pris en compte certains éléments avant le rachat pour reconnaître ensuite que l’éditeur britannique avait été largement surévalué. Ce rachat n’avait d’ailleurs pas fait l’unanimité au sein d’HP, notamment la directrice financière Catherine Lesjak avait exprimé son opposition au conseil d’administration.

Le juge Charles Broyer a donc décidé que les actionnaires peuvent poursuivre leur action (Pour accéder à la déclaration du juge) ; en particulier basée sur le fait qu’un membre du comité directeur d’Autonomy avait alerté HP en mai 2012 sur les pratiques comptables douteuses d’Autonomy. Meg Whitman avait immédiatement fait procéder à une investigation par le cabinet PwC mais n’avait exprimé aucune préoccupation lors des communications financières qui ont suivi. Dans le rapport annuel 2012 déposé à la SEC, HP fait toujours état d’un « juste valeur pour Autonomy ». Suite à cette décision du juge, Meg Whitman va donc devoir rendre des comptes.