Le mouvement des Anonymes lance une offensive sur le terrain virtuel en détruisant les sites de recrutement et de propagande de Daesh. Une voie qui doit être amplifiée..

La discours de François Hollande suite aux tragiques évènements du vendredi 13 novembre propose une liste importante de mesures mais ne donnait sans doute pas la place nécessaire à la cyberguerre, pourtant un des terrains favoris de ceux qui sont à la tête de Daesh (EI). Et pourtant le Cyber était bien présenté comme la 5e dimension de la guerre aux côtés de la Terre, la Mer, l’Air et l’Espace lors du 1er Colloque Cyberdéfense (La Cyberdéfense tient son 1er colloque) qui s’est tenu à Paris en septembre dernier en présence du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian et son homologue britannique Michael Fallon. Or si l’on considère l’ennemi d’aujourd’hui, on voit bien que les dimensions de la Mer, de l’Air et de l’Espace sont absentes des cordes de l’arc de Daesh. D’où l’importance considérable que l’on doit accorder à cette composante et que les djihadistes maîtrisent parfaitement.

Le groupe des Anonymes a publié une série de vidéos sur YouTube dans lesquelles il explique qu’il a déclaré la guerre sur le terrain du Cyber. Objectifs : supprimer tous les sites, blogs, réseaux sociaux de Daesh et tous leurs soutiens officiels ou non.

Ils ont repris leur message de janvier dernier :

ISIS[1]: We will hunt you, Take down your sites, accounts, emails, and expose you.
From now on, no safe place for you online…
You will be treated like a virus, and we are the cure…
We own the internet…
We are Anonymous; we are Legion; we do not forgive, we do not forget, Expect us.

Dans un article récent intitulé Digital Counterinsurgency, How to Marginalize the Islamic State Online publié par le magazine Foreign Affairs, Jaren Cohen, Director of Google Ideas and Adviser to the Executive Chair of Alphabet) explique toute l’importance de la guerre dans le cyber-espace, sorte de la guerre des ondes d’avant mais avec la grande différence que le ticket d’entrée est tellement bas que tout le monde peut y participer. Le cyber-espace est pour l’EI un moyen efficace de faire de la propagande pour recruter des combattants ou pour rester en contact ses affidés. Et sur ce point, l’EI est particulièrement efficace puisque selon un article de l’ICSR[2] de janvier dernier, le territoire qu’il contrôle abrite aujourd’hui le plus grand nombre de combattants étrangers, environ 20 000 personnes dont un quart sont venus des pays occidentaux. Une partie importante de ces illuminés est entré en contact avec l’EI via Internet.

Le Digital jour un autre rôle important de démobilisation psychologique. Peu avant l’attaque de la ville de Mosul en Irak, explique Jared Cohen, l’EI a lancé une campagne de terreur sur Internet avec différentes formes de contenus plus horribles les unes que les autres (textes, images, vidéos…). Une campagne visant à réduire la résistance locale. Cette offensive psychologique aurait porté ses fruits.

Pour être efficace, la première étape consiste à bien connaître ses ennemis et ses forces, une tâche particulièrement importante sur Internet. A la fin 2014, un rapport du Think Tank Brookings intitulé The ISIS Twitter Census[3] se focalise particulièrement sur Twitter, un réseau social qui serait particulièrement actionné par l’EI, 46 000 comptes qui soutenaient ouvertement l’EI avaient été dénombrés. Mais les auteurs estiment que le nombre pourraient être assez largement et atteindre 70 000 comptes. Avec une photographie détaillé sur ces différents médias : langues utilisées, nombre de followers (entre 500 et 2000), nombre de messages publiées, durée de vie (voir encadré ci-dessous)… Evidemment, comme tout recensement, il doit être actualisé en permanence car dans ce domaine la situation évolue très rapidement.

Au-delà de Twitter, l’EI est un grand utilisateur de l’ensemble des outils à disposition sur le Web : chat rooms privés, messages électroniques chiffrés, utilisation des apps tels que WhatsApp, Kik, Wickr, Zell, Telegram, sans oublier Facebook, YouTube et les maisons de production de contenu Al-Furqaan Foundation et Al-Hayat Media Center qui seraient financés par l’EI. Jared Cohen décrit une l’organisation de l’EI sur le Net en 4 niveaux allant du groupe central qui donnent les ordres et fournis les ressources pour produire du contenu à tout une panoplie de systèmes automatiques qui permettent de démultiplier et de diffuser les mes contenus au plus grand nombre possible.

Un des objectifs que doit poursuivre les autorités compétentes et auxquelles les Anonymes entendent apporter une contribution (Il se trouve qu’en l’occurrence c’est pour la bonne cause mais le problème est que les Anonymes sont incontrôlables et choisissent leurs combats qui ne sont parfois pas toujours aussi clairs) doit être de couper l’organisation de ses troupes, de ses cellules dormantes et de ses sympathisants actuels ou à venir. L’idée est de les marginaliser et de réduire ainsi leurs capacités d’action. Une initiative que Jared Cohen compare à celle prise dans le cas des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Paradoxalement, la présence physique sur un vaste territoire et son contrôle donne à l’EI renforce ses capacités d’action sur le cyber-espace. On le voit, plus que jamais, physique et virtuel sont étroitement imbriqués.

 


Photographie des comptes Twitter de l’EI par la Brookings Institution

  • Best estimate of total number of overt ISIS supporter accounts onTwitter: 46,000
  • Maximum estimate of ISIS supporter accounts on Twitter: 90,000
  • Number of accounts analyzed for demographics information: 20,000
  • Estimated percentage of overt ISIS supporters in demographics dataset: 93.2 percent (+/- 2.54 percent)
  • Period over which data was collected: October 4 through November 27, 2014, with some seed data collected in late September 2014
  • Top Locations of Accounts: “Islamic State,” Syria, Iraq, Saudi Arabia
  • Most common year accounts were created: 2014
  • Most common month accounts were created: September 2014
  • Number of accounts detected using bots and deceptive spam tactics: 6,216 using bot or spam technology for some tweets; 3,301 accounts were excluded from the Demographics Dataset for primarily sending bot or spam content
  • Average number of tweets per day per user: 7.3 over lifetime of account, 15.5 over last 200 tweets by user
  • Average number of tweets per user (Over lifetime of the Account): 2,219
  • Average number of followers: 1,004
  • Smartphone usage: 69 percent Android, 30 percent iPhone,1 percent Blackberry

 

 

 

[1] ISI est l’acronyme anglais pour Islamic State of Iraq and Syria
[2][2] International Centre for the Study of Radicalisation and Political Violence
[3] The ISIS Twitter census: Defining and describing the population of ISIS supporters on Twitter