Index Ventures est intervenu à deux reprises dans Datadog (Series A et C), une startup spécialisée dans le moniroting du cloud as a service. Morgenthaler Ventures investit dans NuoDB, une startup qui développe une base de données pour le cloud. Retour sur deux approches et deux expériences.

Index Ventures a un profil un peu différent de la plupart des firmes de VC de Côte Ouest. Elle s’est d’abord créée à Genève en 1996 avant d’ouvrir un bureau à Londres puis à San Francisco en 2012. C’est donc elle aussi une nouvelle venue dans la Silicon Valley même si elle a évidemment investi dans des entreprises de la baie de San Francisco. Doté d’un fonds de 1,5 milliard de dollars, la firme investit dans des entreprises dans lequelles elle perçoit de très grandes opportunités. Au total, près de 150 startups réparties 50/50 en Europe et aux Etats-Unis.

Après une maîtrise d’économie et de biologie à l’université de Chicago, et une première expérience dans une firme de capital risque, Shardul Shah (à gauche sur la photo) a rejoint Index Ventures en 2008. Il a déjà à son actif quelques belles réalisations parmi lesquelles on peut mentionner Outbrain, Adallom, Lacoon (rachetée par CheckPoint), Koality (Docker), Moleskine (MSK), Squarespace, Dropbox, Centrify, Stack Exchange, Erply, Zend, Ariad Micromet (Biogen). Il réalise un à deux investissements par an, des opérations qui nécessitent évidemment une attention toute particulière.

Pourquoi a-t-il mené les deux tours de financement (Series A et C) dans la société Datadog, un éditeur de plate-forme de monitoring du cloud proposé as a service, dans laquelle il siège au conseil d’administration ? « Tout d’abord, dans ce domaine où l’on compte assez peu d’acteurs, les co-fondateurs ont développé une réelle vision, explique-t-il. Ensuite c’est un produit qui fonctionne ». Datadog est donc considérée comme une société très prometteuse. Comment perçoit-il la relation entre l’investisseur et la société dans laquelle il a engagé ses fonds et dont il espère un jour en retirer un profit substantiel ? « Il y a grosso modo deux manières d’opérer, considère-t-il : effectuer un contrôle relativement étroit ou jouer un rôle d’influenceur. Pour ma part, je préfère la seconde option afin d’établir une réelle relation de confiance avec les dirigeants de l’entreprise ».

Parmi les différentes options de sortie de l’entreprise sur laquelle le VC a investi, on peut mentionner l’introduction en bourse, le rachat par une autre entreprise, le rachat de participation par un autre VC (lorsque l’investissement arrive à son terme) et l’hypothèse la moins favorable, la faillite. Si l’on exclut cette dernière option, qui constitue la principale crainte de tout VC, Shardul Shah n’indique pas de préférences. Le retour sur investissement est évidemment l’objectif principal. Parmi les regrets dans des opportunités qui ont été ratées, Shardul Shah mentionne Airbnb qui trône aujourd’hui sur le podium des licornes. On comprend aisément que cette occasion ratée suscite un certain dépit.

Trois raisons pour NuoDB : le cloud, le cloud et le cloud

Gary Morgenthaler (à droite sur la photo), lui, navigue dans les bases de données depuis une quarantaine d’années. Il a participé au développement d’Ingres – l’un des quatre grands des bases de données (The big four) des années 80 avec Oracle, Informix (racheté par IBM) et Sybase (racheté par SAP) – dont il a été CEO et président du Conseil d’administration. « En 1980, lorsque nous avons développé Ingres, les bases de données manipulaient des données simples : numériques, alphanumériques, chaînes de caractères… Une décennie plus tard, l’informatique est devenue graphique et il a fallu prendre en compte des objets plus complexes : images, photos… C’est ce qui nous a poussé à concevoir la base Illustra Information Technologies (rachetée en 1996 par Informix) que nous considérions à l’époque comme la première base de données universelle ».

Gary Morgenthaler a investi dans plusieurs entreprises d’horizon différents (Nominum, Blatena Networks, Nuance, OneChip Photonics, Overture Networks) dont la plus connue est sans doute Siri, rachetée par Apple et au cœur de l’assistant numérique personnel des terminaux de la firme à la pomme. « Lorsqu’il s’agit de bases de données, je souhaitais m’engager un projet de véritable rupture et c’est ce qui m’a pas poussé vers NuoDB (anciennement Numbus), fondée en 2010 avec comme objectif de développer une base de données dont l’architecture soit conçue pour le cloud (pas seulement accessible depuis le cloud). J’ai analysé beaucoup d’entreprises dans le domaine du NoSQL mais je reste convaincu que lorsqu’il s’agit de garantir que vos données sont correctes, le modèle SQL est le meilleur ». Il est vrai qu’en termes de marché, les bases NoSQL ne pèsent pas encore très lourd face aux 40 milliards que représente le marché des bases de données relationnelles estimé à 40 milliards de dollars et en croissance de 10 % par an.

Gary Morgenthaler est un investisseur, certes, mais il parle de bases de données comme d’autres passionnés parleront de voitures. Et il semble capable d’en admirer l’architecture comme d’autres pourront être séduit par la beauté d’une cathédrale. Conçu spécialement pour le cloud, NuoDB offre une vue unique sur une base de données distribuées, y compris les données. Le projet réunissait des caractéristiques a priori difficiles à concilier : possibilité de scale-out, très haute performance, temps de latence faible et distribution des transactions. Et comme toujours la passion pousse à l’ambition. « Nous voulons créer le prochain grand éditeur de logiciel » , déclare-t-il en toute simplicité. L’idée du « The next big thing » est assez courant dans le domaine du logiciel. Quel avenir pour NuoDB ? « Pour l’heure, nous souhaitons rester indépendant même si nous vivons dans un mode économique et toute chose à un prix ». NuoDB a quelques bonnes fées qui se penchent sur elle : Le groupe de ses investisseurs compte trois des quatre CEO des big four.