Au terme d’une investigation de 5 ans, La Commission européenne devrait aujourd’hui mettre en cause Google pour abus de position dominante.

C’est la plus importante enquête entreprise par la Commission européenne depuis celle de Microsoft. Une affaire qui avait durer plus de 10 ans et qui s’était soldée par une amende d’un demi-million d’euros. Selon le Wall Street Journal (Europe to Pull Trigger on Google Antitrust Charges), la commissaire à la concurrence Margrethe Vestager aurait pris sa décision hier en accord avec la président de la commission européen Jean-Claude Juncker. L’enjeu est encore plus important que pour Microsoft et l’amende pourrait s’élever à quelque 6 milliards de dollars. La Commsion transmettra les élements du dossier aujourd’hui suite à quoi le géant du Net aura dix semaines pour apporter ses réponses. Mais elle pourra faire appel et engager une démarche qui pourrait durer des années.

« Comme nous l’avons toujours dit, cette affaire concerne les intérêts fondamentaux des consommateurs européens, qui tout comme les intérêts plus larges de l’Union, figurent parmi les préoccupations majeures du Parlement Européen », expliquait en novembre dernier L’Icomp (Initiative pour un marché concurrentiel équilibré), qui regroupe les opposants à Google (e-commerçants, éditeurs web ou de contenus, Microsoft, Mappy, etc. « Si l’information du Financial Times est avérée, ceci constitue un développement considérable », affirmait l’association interrogée par le Figaro. Rappelons que Google concentre 90 % des recherches sur Internet, une proportion supérieure à ce qu’elle est aux Etats-Unis.

L’accusation européenne indique que Google utilise sa position dominante pour favoriser ses propres services annexes dans les domaines des voyages, du commerce électronique et de la cartographie plutôt que d’aiguiller les internautes équitablement sur tous les services existants. On se souvient des arguments avancés contre Microsoft selon lesquelles le géant du logiciel favorisait son propre navigateur.

Cette nouvelle salve ne surprendra pas grand monde car la FTC, le gendarme des télécoms américain avait lui-même enquêté et était arrivé à des conclusion similaires (Google : histoire d’un arroseur arroseur) et avait pointé quatre domaines particuliers d’abus de position dominante : la recherche sur Internet, la copie illégale de contenus, les campagnes publicitaires et les opérations particulières. C’est ce qu’indique un rapport de 160 pages publié en 2012 par la FTC et dont elle a transmis par erreur une version intermédiaire au Wall Street Journal (Inside the U.S. Antitrust Probe of Google) incluant des observations affligeantes pour le géant du Web.

Ce rapport a établi que les pratiques de Google étaient anticoncurrentielles et que le géant de l’Internet abusait de sa position dominante sur le Web. Il indique que « ces pratiques ont causé et continueront a causé un réel préjudice aux consommateurs et à l’innovation sur les marchés de la publicité et de la recherche en ligne ». Le rapport conseillait d’engager une poursuite judiciaire sur trois activités de l’entreprise, ce qui aura conduit à la plus importante affaire judiciaire depuis le cas Microsoft en 1990. Mais la FTC a décidé en 2013 de classer l’affaire sans suite après avoir eu la garantie que Google changerait ses pratiques, ce qui souligne le Wall Street Journal est assez inhabituel pour la FTC.

Certes la FTC est une organisation indépendante mais Google bénéficie du soutien de l’exécutif américain qui voit dans Google et les GAFA un vecteur de sa suprémacie, voire de son hégémonie sur Internet et sur l’économie en général. D’ailleurs, Barack Obama avait assez mal réagi lorsque la possibilité d’une initiative européenne contre Google prenait corps et n’avait pas hésité à accuser l’Union européenne de faire preuve d’opportunisme dans sa lutte sur le respect de la vie privée ou de pratiques anticoncurrentielles. « Nous dominons l’Internet, Nos entreprises l’ont créé, l’ont étendu, l’ont perfectionné à un niveau auquel l’Europe ne peut pas concurrencer », avait asséné le président américain. Aux Etats-Unis, des actions pour démanteler des entreprises pour pratiques anticoncurrentielles ont été lancées mais n’ont pas toutes abouti, loin de là (Google peut-il être démantelé ?).

Alors que cette initiative européenne intervient en raison de la trop grande puissance de Google, les entreprises européennes des télécoms doivent, elles, rassembler leur force – Nokia et Alcatel-Lucent vont bien fusionner – pour peser assez lourd sur le marché international.