Quels vont être les effets de la nouvelle vague de l’automatisation sur l’emploi ? Les opinions sur le sujet sont variées et souvent contradictoires. Le cabinet McKinsey apporte une nouvelle pierre à l’édifice.

« Nous vivons une époque de progrès extraordinaire des technologies numériques », affirment l’économiste Erik Brynjolfsson et le consultant Andrew McAfee dans leur livre Le deuxième âge de la machine[1]. Pour qui a suivi les évolutions technologiques des dernières décennies, l’affirmation apparaitrait presque comme une évidence. « Les transformations provoquées par les technologies numériques seront bénéfiques » poursuivent les auteurs. Une idée fondamentalement optimiste sur laquelle on peut s’interroger mais qui est modéré par une troisième selon laquelle « la numérisation va en effet produire de nouveaux défis, parfois problématiques ».  Une des conséquences majeures de cette numérisation qui inclut le phénomène d’automatisation généralisée est évidemment l’emploi et la disparition de nombreuses fonctions ou métiers.

Le mouvement n’est pas nouveau mais subi clairement une accélération. « Le numérique dévore le monde » écrivait il y a quelques années Marc Andreessen[1] dans un article du Wall Street Journal. « Si tu fais deux jours de suite la même chose, le troisième jour un logiciel le fera à ta place », expliquait Daniel Cohen, Directeur du département d’économie de l’École normale supérieure, en présentant son livre Le Monde est clos et le désir infini.

Amazon est un exemple significatif de cette évolution vers une plus de robotisation qui modifie les rapports entre hommes et machines. Peu d’entreprises ne portent autant d’attention à la robotisation, une initiative qu’elle a engagée en 2014 et qui a commencé avec l’acquisition de la société Kiva Systems rebaptisé aujourd’hui Amazon Robotics. Les entrepôts d’Amazon emploient aujourd’hui 125 000 salariés mais plus de 100 000 robots. Et la firme de Jeff Bezos indique qu’elle allait ouvrir un deuxième siège en Amérique du Nord avec la création de 50 000 emplois.

Aujourd’hui l’automatisation prend une nouvelle dimension avec la diffusion de l’intelligence artificielle et du machine learning qui vont permettre au « machine » de faire mieux que l’homme dans de certains domaines et aider l’homme à faire mieux dans d’autres.

Pour analyser en détail cette évolution de fond, le cabinet McKinsey a mené une étude dans 46 pays développés ou en voie de développement couvrant environ 80 % des emplois (Human + machine: A new era of automation in manufacturing). Selon le cabinet de conseil, 63 % des heures travaillées dans des activités liées au manufacturing sont automatisables (478 milliards d’heures travaillées sur les 749 milliards analysées). Ce qui représenterait 236 millions sur les 372 millions d’emplois observés pouvant être supprimés ou réorientés. Et le cabinet d’enfoncer le clou : alors que le secteur du manufacturing est déjà fortement automatisé, le potentiel pour aller encore plus loin est important, à la fois dans les usines et dans les chaînes d’approvisionnement. Selon McKinsey, le manufacturing vient en deuxième position en termes de potentiel d’automatisation derrière le secteur des services d’hébergement et de restauration. Le cabinet considère que les technologies les plus récentes dépassent les limites liées à la robotisation traditionnelle. MacKinsey analyse également les possibilités d’automatisation dans les différentes tâches effectuées dans les activités humaines (voir schéma ci-dessous). Avec des taux d’automatisation très variables mais qui peuvent être extrêmement importantes pour certaines tâches.

Au final concluent les auteurs de l’article, peu d’emplois (évalués à 5 %) peuvent être totalement automatisées. C’est plus dans l’assistance que l’automatisation va se développer : 60 % des emplois ont 30 % ou plus de leurs tâches qui peuvent être automatisées.

[1] Le deuxième âge de la machine – Travail et prospérité à l’heure de la révolution technologique – Odile Jacob – 2016