Après avoir été voté assez facilement par l’Assemblée nationale, le projet de loi relatif au renseignement a été examiné par la commission des lois du Sénat et a fait l’objet de 145 amendements. Les modifications introduites par la commission des lois poursuivent trois objectifs principaux.

1. Les services de renseignement doivent disposer d’un cadre légal qui délimite clairement leurs pouvoirs.
Les activités des services de renseignement s’exercent dans le respect du principe de légalité, sous le contrôle du Conseil d’Etat. Les missions des services sont conduites dans le respect des prérogatives de l’autorité judiciaire en matière criminelle et délictuelle.

Le monde carcéral ne saurait être laissé à l’écart des problématiques du renseignement. La commission des lois a prévu que l’administration pénitentiaire pouvait demander aux services de renseignement d’intervenir en prison et recevoir communication des informations recueillies.

2. Les techniques de recueil de renseignement doivent être encadrées
Un principe : plus les techniques sont intrusives, plus les garanties apportées par le législateur doivent être rigoureuses.

Concernant la procédure d’autorisation, la commission a :
– mieux défini la qualité des personnes pouvant être délégataires du Premier ministre du pouvoir d’autorisation de mise en œuvre d’une technique
– prévu un régime spécifique de motivation pour les demandes de renouvellement d’une technique ;
– clarifié les procédures d’urgence afin que leur mise en œuvre s’accompagne de garanties permettant l’effectivité des contrôles de la CNCTR ;
– fixé un régime de conservation des renseignements collectés incontestable en prévoyant que la durée s’apprécie à compter du recueil de ces renseignements et non de leur première exploitation.

S’agissant des techniques elles-mêmes, la commission a apporté les modifications suivantes :
– clarifié les conditions d’accès aux données de connexion.
– limité le champ des données de connexion pouvant être obtenues grâce aux IMSI catcher aux seuls numéros IMSI et IMEI ;
– consolidé le régime des interceptions de sécurité en définissant mieux les conditions dans lesquelles l’entourage d’une personne surveillée peut également faire l’objet d’une interception ;
– mieux encadré le dispositif dit de « l’algorithme » avec une nouvelle définition plus restrictive et plus précise : ce sont des traitements automatisés détectant des connexions, afin de viser le contenant et non le contenu, faisant apparaitre une menace terroriste.
– renforcé les garanties applicables à la technique permettant aux agents des services de s’introduire dans les lieux privés pour y capter des sons ou des images ou des données informatiques, technique qui ne peut être utilisée que s’il ne peut être recouru à d’autres techniques légales (principe de subsidiarité).

3. Le contrôle s’exerce à deux niveaux par une nouvelle AAI – la CNCTR – et par le Conseil d’État, juge de l’excès de pouvoir.

Les pouvoirs de la CNCTR ont été renforcés par l’Assemblée nationale. La commission des lois a adopté de nouvelles garanties pour mieux assurer son indépendance et l’efficacité de son contrôle. La commission a jugé utile de revenir à une commission composée de neuf membres, et non de treize, pour assurer l’efficacité de son mode de fonctionnement et revu des éléments visant à assurer à son indépendance et à garantir l’efficacité des contrôles.

Le Conseil d’Etat, gardien ultime

Le Conseil d’État doit être le gardien ultime de la légalité de cette police administrative. Le juge pourra être saisi. Il est normal que ce soit le juge administratif, juge naturel de l’administration. Les affaires seront portées – non pas devant une juridiction d’exception – mais devant le Conseil d’État statuant dans une formation spécialisée.

Il aura alors tous les pouvoirs du juge de l’excès de pouvoir (annuler l’autorisation, faire détruire les données irrégulièrement collectés), plus celui d’indemniser le requérant. Enfin, il pourra saisir le parquet en cas d’infraction en sollicitant la déclassification des documents protégés par le secret de la défense nationale.

Ce juge sera saisi par la CNCTR ou une personne ayant intérêt à agir et il aura accès à l’ensemble des pièces du dossier, y compris celles protégées par le secret de la défense nationale.