Alors que l’Afdel rejette une vision anti-industrielle du numérique, Syntec Numérique Syntec Numérique souhaite que ce rapport soit suivi d’actions concrètes pour favoriser la croissance de l’ensemble de l’écosystème numérique

L’Afdel, qui rappelle sa contribution à la consultation du Conseil national du numérique, ne peut que réagir négativement au pourtant très riche rapport du CNNum qui, au-delà de la reconnaissance positive de la nécessité de construire un écosystème entrepreneurial plus favorable (Innovation Act européen, CIR et numérique), émet des propositions parfois dogmatiques (logiciel libre) et souvent anxiogènes (plateformes, données personnelles) sur le numérique, et dans tous les cas éloignées des réalités du marché. La régulation ou l’inventivité réglementaire ne peut tenir lieu de politique industrielle du numérique en France. L’exclusion des éditeurs de logiciels de la commande publique au profit des projets de développement spécifiques est une atteinte inacceptable au principe de neutralité technologique. L’Afdel souhaite que l’Etat s’appuie au contraire sur les PME et les start-ups du numérique, quel que soit leur modèle,  pour se numériser.

L’Afdel s’étonne que la grande consultation à laquelle elle a participé n’ait pas pris davantage en compte la représentative des organisations professionnelles, comme elle l’avait publiquement souhaité. L’Afdel s’interroge de ce fait sur la légitimité du Conseil national du numérique à parler d’une seule voix pour l’écosystème numérique. Elle note en particulier que le point de vue des industriels, isolés dans la composition actuelle du Conseil national numérique, est insuffisamment pris en compte.

Jamal Labed, Président de l’Afdel, précise que les entreprises qu’elle représente « attendent donc du Gouvernement qu’il opère une sélection avisée de ces propositions afin que le projet de loi numérique soit une loi de soutien à l’économie numérique et non l’inverse ». L’Afdel appelle également le Gouvernement à respecter le cadre européen d’élaboration des règlementations ou  de régulation, comme le ministre de l’Economie l’a lui-même rappelé publiquement à plusieurs reprises.

REGULATION DES PLATES-FORMES : ATTENTION A UNE STIGMATISATION ELOIGNEE DES REALITES D’APPLICATION (P.56)

La focalisation du Rapport Ambition numérique sur les plateformes Internet dénote une vision défensive du numérique. Si les droits des utilisateurs doivent être garantis, l’enjeu repose avant tout sur une application effective du droit de la concurrence et de la consommation existants. Il s’agit surtout de doter les autorités compétentes d’une expertise numérique, et d’une capacité d’action efficace. Les propositions – pour le moins iconoclastes – d’encadrement des algorithmes et de création d’une agence de notation de la loyauté au niveau français interpellent. Les attaques proférées à l’encontre des algorithmes (dont les principes de fonctionnement devraient être dévoilés selon le CNNum) relèvent une vision anxiogène de l’innovation numérique qui repose précisément et fondamentalement sur les algorithmes (big data).  La régulation ne peut tenir lieu de politique industrielle en France. Elle ne doit pas porter atteinte à la liberté d’entreprendre et d’innover et les industriels souhaitent surtout que la France se dote d’un cadre plus favorable à l’entreprenariat numérique à l’image de certains dispositifs de la Loi Macron (ex. actionnariat salarié).

NEUTRALITE D’INTERNET : LE « OUI MAIS » DU CNNum (P.38)

L’Afdel s’inquiète des propositions du CNNum qui en creux renvoient dos à dos neutralité des réseaux et loyauté des plateformes et pourraient ainsi conduire à affaiblir la neutralité du net. Si le CNNum affiche objectivement son attachement à la neutralité du net, sa recommandation en faveur de « l’exception des services gérés » et… d’une fiscalité internationale équitable (P. 41),  revendication régulière des FAI, représente une entorse au principe de neutralité tel que retenu par le Parlement européen. En effet, au-delà d’applications professionnelles critiques (santé, sécurité), les services gérés sont des services également offerts dans le cadre de l’internet dit de Best effort (TV, vidéo, voix sur IP etc.). De fait, les interfaces utilisateurs des services des FAI constituent aussi de véritables plateformes  – au sens du CNnum – proposant des services tiers. En outre l’absence de possibilité pour le régulateur sectoriel de mesurer précisément la qualité de service, comme le relève à juste titre le Rapport, et donc d’évaluer le niveau de Best effort,  impose de considérer la neutralité d’Internet comme principe « prophylactique » au bénéfice des utilisateurs.

LOGICIEL LIBRE DANS L’ADMINISTRATION: LA RELANCE DES GUERRES DE RELIGION

En réservant l’effet levier de la commande publique aux sociétés de service en logiciel libre qui en assurent le développement spécifique et la maintenance, le CNNUM conforte l’erreur historique française qui explique la faiblesse du nombre d’éditeurs français de taille mondiale (Dassault Systèmes est le seul acteur français du Top 20).  Cette situation est d’autant plus alarmante que cette proposition semble être retenue par le gouvernement. Favoriser le logiciel libre exclusivement dans la commande publique, c’est en effet écarter 90% des éditeurs de logiciels français de la commande publique sur la base de considérations dogmatiques et soutenir des développements spécifiques généralement réalisés offshore par de  grands groupes internationaux. « Comment l’Etat pourrait-il défendre un Small business act français ou européen et en même temps écarter 90% des PME ou Start ups du secteur sur la base de leur modèle économique ? » dénonce Jamal Labed, Président de l’Afdel. L’Afdel appelle l’Etat au respect de la neutralité de la commande publique et à abandonner les oppositions stériles afin que les critères d’innovation soient privilégiés dans l’achat public, sans distinction de modèle. L’Afdel regrette une vision anachronique, qui ne prend pas en compte les modes de consommation actuels de logiciels avec le Cloud. A ce titre, le développement annoncé d’une messagerie française, voire d’une suite bureautique nationale nous ramènerait au Plan Calcul !

UNE REMISE EN CAUSE DU CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE POUR LE NUMERIQUE (P. 68)

Incidemment, mais en cohérence avec son souhait d’exclure les éditeurs de la commande publique, le rapport propose de façon inédite une mise en coupe réglée de la propriété intellectuelle du logiciel en proposant de généraliser les possibilités de rétro-ingénierie du code source (c’est à dire la possibilité de casser les protections du code source par ses propres moyens) aujourd’hui limitées par le code de la propriété intellectuelle à des cas spécifique de sécurité. L’Afdel y voit une atteinte directe à la propriété intellectuelle des industriels du logiciel qui est un ressort essentiel de leur capacité à innover et à financer l’innovation.

 

DONNEES PERSONNELLES : UNE VISION DECONNECTEE DES ATTENTES DES UTILISATEURS

– Si le rapport est attentif à protéger les libertés publiques sur Internet (vie privée et surveillance, refus du blocage administratif des sites web, droit d’expression) gage d’une confiance numérique indispensable, il porte une vision déconnectée des attentes des utilisateurs en matière de données personnelles. Ainsi, l’idée d’un droit à l’autodétermination informationnelle (P. 48), qui renvoie à une réglementation allemande des années 50, semble également iconoclaste compte tenu de la reconnaissance, depuis déjà longtemps du droit fondamental de protection de la vie privée (droit fondamental européen), qui s’exprime en France dans le droit d’accès, d’effacement, d’opposition (etc.) de la loi de 1978… Souhaite-t-on créer de nouveaux droits sans effet ou préfère-t-on veiller à l’application des droits existants s’interroge donc l’Afdel ?

– Le droit à la portabilité des données procède également d’une conception floue de la « donnée » car la donnée personnelle appartient toujours à l’utilisateur.   C’est l’édition originale de ces données qui est indubitablement liée au service numérique, généralement proposé gratuitement car financé soit pas la publicité, soit par l’exploitation à des fins de marketing de ces données anonymisées. Le CNNum souhaite-t-il remettre en cause les modèles d’affaires d’Internet ?

– L’Afdel s’inquiète à ce titre de nombreuses propositions en matière de données personnelles qui ne tiennent pas compte des discussions en cours au niveau européen et appelle plutôt au renforcement des pouvoirs de la CNIL (par ailleurs proposé dans le rapport, mais sans en faire un axe prioritaire).

L’Afdel appelle donc le gouvernement à opérer une sélection avisée de ces propositions et se tient à disposition des pouvoirs publics sur le sujet.

Syntec Numérique souhaite que ce rapport soit suivi d’actions concrètes pour favoriser la croissance de l’ensemble de l’écosystème numérique

Après neuf mois de concertation, le Conseil national du numérique (CNNum) a remis hier son rapport « Ambition numérique » qui présente 70 propositions pour faire de la France une République numérique. Syntec Numérique tient à saluer le travail de grande ampleur accompli par le Conseil national du numérique, qui a compilé en une forme inédite de concertation près de 18 000 contributions sur 26 sujets.

La chambre professionnelle souhaite que ce rapport fasse date et se traduise par des actions concrètes, car il représente une synthèse remarquable des questions autour du numérique. Si Syntec Numérique ne partage pas tous ses points de vue, ce rapport reprend certaines idées défendues par le syndicat depuis de nombreuses années.

Protéger les données personnelles, dans un cadre européen

Le CNNum a choisi d’affirmer le droit fondamental à l’autodétermination informationnelle, notamment en favorisant la maîtrise et l’usage de leurs données par les individus. Syntec Numérique appelle néanmoins à attendre l’adoption du règlement européen de protection des données personnelles. Le CNNum recommande également de conforter la place du juge en matière de blocage des sites, ce pour quoi Syntec Numérique a toujours plaidé.

Accélérer l’effort de formation

En matière d’éducation et de formation, le CNNum appelle à instaurer une meilleure interaction entre entreprises et monde académique, en ouvrant la formation à l’innovation, en diversifiant le recrutement. Le CNNum réaffirme aussi les grandes lignes du rapport Jules Ferry, qui recommandait notamment d’installer une  culture de l’innovation au cœur du système éducatif, au-delà d’une politique d’équipement. Cela fait écho au plan national de formation à 360 degrés, présenté par Syntec Numérique en janvier 2014.

Syntec Numérique se félicite de la volonté « d’ajuster les dispositifs fiscaux aux besoins des innovateurs », mais souhaite cependant rappeler, qu’en matière d’innovation et de R&D, les manuels d’Oslo et de Frascati doivent rester la référence, afin de permettre aux entreprises de disposer d’un cadre global.

Aider les entreprises du secteur numérique à grandir

Le CNNum partage l’analyse de Syntec Numérique sur le besoin de diversifier les modes de financement des entreprises, en proposant de reconcevoir la structure du financement de l’économie de l’innovation. Il répond également à la demande de la chambre professionnelle d’intensifier la stratégie d’attractivité numérique française auprès d’acteurs internationaux et pour faciliter le développement à l’international des entreprises innovantes.

Protéger la neutralité technologique de l’achat public

Cependant, Syntec Numérique s’inquiète de la volonté affichée de remettre en cause la neutralité technologique de l’achat public. L’ouverture forcée des codes sources est une demande inacceptable en matière de propriété intellectuelle. Syntec Numérique tient à rappeler que l’utilisation de la rétro-ingénierie, hors cas d’interopérabilité, peut être sanctionnée pénalement sur le fondement de la fraude informatique. Plus encore, c’est une atteinte à la titularité des droits d’auteur.

Selon Guy Mamou-Mani, président de Syntec Numérique, « Ce rapport et le soutien politique qui l’accompagne sont d’excellents signes pour notre secteur. Il contient des propositions fortes et intéressantes, dont certaines doivent se traduire concrètement le plus rapidement possible. Il faut rester cependant attentif à ne pas enfermer les entreprises françaises dans un corset au moment même où certains sujets, comme la protection des données personnelles, sont discutés à Bruxelles ».