Numéro Un des PC, numéro trois des serveurs en quête de la première place, le fabricant chinois est-il en passe de devenir le leader mondial des matériels informatiques ?

Initié il y a plusieurs mois, le transfert de l’activité des serveurs x86 d’IBM à Lenovo est effectif depuis le 1er octobre. Cet accord permet pendant un temps à IBM de se fournir en serveurs x86 d’entrée de gamme sans avoir à se soucier de les fabriquer – le mythe de la fabless company – tout en permettant à Lenovo de se lancer à la conquête des marchés de volume à destination des PME.

Selon les termes de l’accord qui vient d’être finalisé Lenovo acquiert les System x, serveur BladeCenter et Flex System et les switches, les systèmes intégrés Flex, les serveurs NeXtScale et iDataPlex et les logiciels associés, les composants réseaux pour les serveurs lames et les opérations de maintenance ainsi que tous les brevets associés. IBM garde ses systèmes System z – ses systèmes historiques – les Power Systems, les systèmes de stockage, les serveurs Flex basés sur les microprocesseurs Power et les appliances Pure Applications et PureData.

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Toujours dans le cadre de ce partenariat, Lenovo sera OEM pour IBM pour l’ensemble des serveurs et revendra les produits du catalogue stockage et logiciel d’IBM incluant les Storwize d’entrée et de milieu de gamme, les systèmes de bandes LTO et les logiciels tels que Smart Cloud software, General Parallel File System et les solutions Platform Computing. Ce transfert inclut également 6500 salariés d’IBM – développement des produits, fabrication et marketing et support – qui vont désormais recevoir leur feuille de paie du constructeur chinois. Avec cette acquisition, Lenovo passe de la sixième place à la troisième place sur le marché des serveurs derrière HP et Dell passant de 2 à 14 % de parts de marché des serveurs x86 estimé à 42 milliards de dollars. Le marché x86 représente environ 84 % du marché global des serveurs. On ne voit pas vraiment ce qui pourrait arrêter Lenovo pour poursuivre son ascension et dépasser à terme HP et Dell.

Le montant de l’acquisition a été fixé à 2,1 milliards de dollars dont 1,8 milliards en numéraire et 300 millions en actions, un peu moins que les 2,3 milliards définis en janvier 2014. Cette différence est liée à une réévaluation des stocks au 1er octobre. Cette acquisition est présentée par Lenovo comme le prolongement de l’opération réalisée en 2005 où IBM cédait sa division PC au constructeur chinois. D’un côté, un fournisseur qui souhaite se désengager de ce qu’il appelle les « commodities » et de la fabrication des matériels en général pour se concentrer sur des activités dites à plus forte valeur ajoutée et de l’autre un constructeur qui construit patiemment une position parmi les tout premiers fournisseurs de matériels informatiques, sinon le premier.

En début d’année, Lenovo procédait aussi à l’acquisition de Motorola – acheté par erreur quelques temps plus tôt par Google – et renforçait ainsi significativement sa position sur le marché des smartphones certes avec une part de marché globale encore modeste de 5,4 % mais avec de fortes ambitions. Sa stratégie dans les mobiles a été plutôt chaotique puisqu’il a vendu cette activité en 2008 pour concentrer ses efforts sur les PC avant de la racheter un an plus tard avec des objectifs de long terme. En 2012, Lenovo investissait quelque 800 M$ pour la construction d’une unité de fabrication et de R&D à Wuhan en Chine.

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Ces différentes initiatives donnent à Lenovo une place unique avec une forte présence sur les PC, les tablettes, les serveurs, les systèmes de stockage et les smartphones. Cette ascension est loin d’être terminée pour ce constructeur créé il y a seulement 30 ans sous le nom de Legend, qui avait commencé sans succès par l’importation de télévision, puis développé des cartes électroniques permettant aux PC d’IBM de produire des caractères chinois. La société se rebaptisait Lenevo en 2003 pour prendre son envol international.

Maintenant si l’ascension de Lenovo ne fait pas trop de doute, c’est le désengagement d’IBM de l’activité serveur restante – les mainframes system z et les Power System (ex System i et System p). IBM dément toute cession de ces deux activités comme il faisait aussi énergiquement il y a quelques années pour les System x. Mais la cession de fabrication de sa division Microelectronics, les difficultés sur le front de l’écosystème Power malgré l’ouverture avec l’initiative OpenPower, le désintérêt grandissant pour toutes activités de fabrication de matériel et le prolongement d’une tendance qui ne se dément pas depuis une vingtaine d’années pousse à la conclusion qu’IBM pourrait nouer pour les Power System un accord comparable à celui signé avec Lenovo. D’ailleurs, IBM, lui-même, utilise moins les microprocesseurs Power pour construire ses supercalculateurs. Si l’on analyse le palmarès Top500 qui réunit les 500 supercalculateurs de la planète : en 2004, Ils équipaient 45 systèmes sur les 227 qu’IBM plaçait dans ce classement et seulement 13 sur 176 en 2014. Quant aux mainframes, dont la disparition est à terme inexorable,  ils resteront un peu plus longtemps au catalogue car ils génèrent encore une importante activité en ventes de logiciels et services associés, d’autant plus juteuse qu’IBM est largement dominant sur ce marché.

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