La transformation numérique des entreprises représente aujourd’hui un gisement de croissance et de compétitivité pour la France. Tendance affirmée puisque les entreprises en prennent peu à peu conscience. Mais agissent-elles pour autant ?

Le numérique représente aujourd’hui environ 110 milliards d’euros dans le PIB aujourd’hui et le potentiel de création de valeur des technologies du numérique d’ici 2025 dans notre pays atteindra dans les 1000 milliards d’euros (source : Etude McKinsey). Il n’est donc plus question de considérer le digital comme une problématique fictive voire une question facultative…

Paradoxalement, la situation économique française est particulièrement atone avec un taux de croissance nul, un taux de chômage qui augmente et des investissements aux entreprises qui diminuent. Les conséquences ? Une situation économique en retrait par rapport au Royaume-Uni ou encore à l’Allemagne avec des entreprises françaises à la traîne en matière de transformation digitale. Un constat néanmoins concernant certains groupes français qui sont bien placés au niveau mondial et qui ont véritablement besoin d’opérer un virage en matière de transformation digitale. Ils doivent plus que tout faire face à leurs concurrents mondiaux qui eux-mêmes évoluent.

D’un point de vue plus européen, la France a des atouts indéniables dans les secteurs d’infrastructure, de l’énergie, de l’aéronautique, des industries de défense par exemple où elle bénéficie d’une position de leader mondial. Mais pour autant, elle n’arrive pas encore à dégager de la croissance ; ceci s’explique probablement par un problème structurel autour d’une certaine rigidité sociale du pays, une peur du changement, ce qui tue l’esprit entrepreneurial « dans l’œuf » par rapport à d’autres pays européens notamment à l’Angleterre ou encore aux Etats-Unis.

Si seulement 36% des entreprises françaises ont formalisé une stratégie digitale, comparée à ses voisins, le retard s’affiche clairement. Pourtant d’un point de vue consommation et intérêt pour le digital, les français sont loin d’être en retard voire ils sont en avance. En effet, le phénomène de « consumérisation des technologies » ou encore BYOD (Bring your own device) vient appuyer cette tendance : le salarié français a le réflexe d’emmener avec lui sur son lieu de travail les technologies quotidiennes qu’il utilise à son domicile. Ce phénomène est plus lent à s’installer en France qu’ailleurs. Un réel paradoxe s’instaure entre l’entreprise qui veut aller dans le digital et souhaite entreprendre une transformation numérique mais qui pour autant n’entame pas de changement.

Beaucoup d’entreprises en sont encore aux prémices en matière de transformation globale. Ces projets naissent finalement des modifications d’usage des utilisateurs (ce qui nous ramène entre parenthèse au français utilisateur à son domicile). Certains secteurs comme les banques sont plus avancés, notamment avec l’arrivée des tablettes. Il faut souvent changer tous les applicatifs. Il ne s’agit pas simplement d’acheter sur un site e-commerce comme dans le B to C, il faut du temps pour concevoir les applications qui vont modifier les usages et ainsi changer totalement une façon de travailler, la faire adopter aux utilisateurs, et les former…Ces projets demandent beaucoup de temps puisqu’il s’agit de la refonte du point d’accès de l’utilisateur au système d’information. Les enjeux sont beaucoup plus complexes que de faire l’usage domestique d’une tablette, il y a de vrais enjeux sociaux et de sécurité.

Serait-ce finalement notre culture française qui ne serait pas digitale ?

La France met toujours plus de temps à adopter les nouvelles technologies que les pays voisins. Pourtant une fois celle-ci en place les résultats sont plus que bons (par exemple avec le Wifi où la France était clairement en retard et aujourd’hui positionnée comme leader). Il est donc primordial que les mentalités évoluent, la France n’aura d’autre choix que de s’adapter ; les entreprises sont de plus en plus internationales et les cadres se déplacent, partagent des documents à distance, et ne peuvent de toute façon pas travailler avec différents outils d’un pays à l’autre. Nous n’accusons pas un retard catastrophique, nous devons maintenir le rythme, accepter le changement et surtout tout mettre en œuvre pour réussir la mutation qui nous attend.

En France comme en Europe, que faut-il faire pour y parvenir ?

Côté France, il y a surtout une véritable éducation à faire sur le marché, expliquer aux clients en quoi une stratégie digitale va leur permettre de développer leur business et de se différencier. L’augmentation brute potentielle du résultat opérationnel pour une entreprise qui réussit sa mutation va jusque 40%,*impact non-négligeable pour démontrer le poids de ce phénomène. Notre rôle après la prise de conscience sera d’aider les clients à isoler les projets les plus prometteurs, une phase conséquente de conseils s’imposera afin de les aider à choisir les projets qui leur permettront de dégager cette différenciation et acquérir un avantage compétitif certain. Outre-Manche, il serait judicieux de suggérer des aides fiscales pour l’investissement en technologies ou bien une attitude plus raisonnable sur les impôts pour les entreprises françaises qui sont très taxées par rapport aux autres pays. Le manque de fonds destinés à l’investissement est un des freins majeurs de l’économie française.

Les points essentiels pour réussir sa transformation digitale résident dans l’accompagnement et le conseil dès la conception de chaque projet. Par ailleurs, embaucher et former les salariés sont des points clés pour mettre en face de chaque projet les compétences adéquates et optimales, trouver des sponsors, des ambassadeurs dans l’organisation. Tous ces paramètres permettront également de faire évoluer les mentalités et répondre ainsi de manière concrète à cette transformation au cœur des préoccupations des entreprises.

 

*McKinsey France

______________
Didier Lejeune est Directeur Général France du groupe SCC.