Monsieur le président,
Alors que vous vous installez au Palais de L’Elysée et que vos équipes finalisent la préparation des législatives, souffrez de considérer quelques idées permettant de stimuler la nécessaire transformation numérique de notre service public.

Si la réduction du nombre de fonctionnaires est un souci partagé dans de nombreuses cases de l’échiquier politique français, elle doit être mise en œuvre sans obérer la qualité du service. Cela ne sera possible que par une transformation des modes d’organisation et l’obtention d’une meilleure productivité, donc par l’innovation et un usage plus étendu du numérique.

La tâche peut sembler considérable ; elle n’est pas insurmontable.

Qu’avons-nous aujourd’hui ? La sphère publique est enfermée dans un carcan procédural et contractuel, qui la maintient à l’écart des principales innovations disponibles sur le marché. Au niveau des appels d’offres, complexité du processus et contrats léonins inadaptés aux nouvelles technologiques sont de plus soumis à l’obligation d’un cloud souverain. Il faut non seulement une infrastructure informatique dédiée à la France, mais aussi maintenir les données sur le territoire national.

Voilà des contraintes qui rebutent à la fois les start-ups d’origine française ou internationale. Or, toutes pourraient apporter beaucoup d’idées novatrices.

Nous ne demandons ni une préférence nationale, ni un « Small Business Act » à la française. En revanche, nous souhaitons disposer de l’opportunité de proposer des services et des solutions pour l’Etat français, ses collectivités, ses EPICs, à un coût et des conditions contractuelles supportables par nos capacités et nos investisseurs.

Inspirons-nous de l’initiative G-Cloud de nos voisins britanniques. Ce cadre juridique et contractuel offre aux acteurs de la sphère digitale de contracter avec l’Etat anglais. Le G-Cloud britannique est compatible avec les impératifs de l’Union Européenne et les capacités des start-ups. Socle commun pour tous les acteurs publics et privés du numérique, il définit les termes essentiels qui gouverneront les deux parties pour la fourniture de service SAAS (Software as a Service), PAAS (Platform as a Service), IAAS (Infrastructure as a Service) et SCS (Specialist Cloud Services). Le G-Cloud prévoit des possibilités d’amendement et de flexibilité car le propre de l’innovation est de souvent créer des situations qui n’ont pas été prévues à l’avance. De fait, ce cadre en est à sa neuvième version. Il est révisé tous les ans. Il permet aux start-ups de nouer une relation commerciale avec toutes les entités publiques, en fonctionnant à partir de bons de commande. Pragmatisme et simplicité sont les deux moteurs de sa gouvernance.

En France, il est urgent d’adapter l’ensemble des procédures et contrats qui dictent les relations entre service public et start-ups afin qu’ensemble, nous puissions mettre en marche la transformation du service public si longtemps retardée. Chez Anaplan, nous trouverions étonnant de ne pas pouvoir contracter avec l’Etat français alors que nous avons pu le faire avec les Nations Unies.

Enfin, il est indispensable que l’Etat français accepte de définir comme « souverain » un cloud européen, tout en demandant des prestations et garanties de sécurité strictes. Imposer une présence des données dans un pays, implique pour une start-up d’avoir des centres de données dans tous les pays, ce qui n’est pas économiquement envisageable.
De plus, dans le numérique, laisser les frontières autour des données en exception aux biens, aux personnes et aux services, revient à empêcher des graines de champions de donner toutes leurs promesses. Et à l’Etat français de se priver de compétences reconnues ailleurs.
Il y a des choix raisonnables à faire. N’attendons pas.

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Laurent Lefouet est directeur Europe, Moyen-Orient et Afrique, Anaplan