Les chiffres diffèrent selon les études mais une chose est sûre : l’automatisation et la robotisation sont en marche, notamment dans le secteur de l’assurance. Alors que les initiatives se multiplient, l’erreur serait d’adopter une démarche axée sur la performance économique et le court terme. Alors que, compte tenu des inévitables conséquences économiques et sociales de cette révolution, il est crucial de privilégier celle de la valeur, apportée aux clients comme aux salariés.

Assurances et IA : de quels usages parle-t-on ?

2016 a été marquée par de gros progrès dans le domaine de l’intelligence artificielle. 2017 sera l’année de la mise en œuvre des premières solutions, grâce à une démocratisation des technologies et la promesse d’une amélioration de la performance. Le secteur de l’assurance n’échappe pas à la règle et connaît ses premières expérimentations. Ainsi, IBM Watson Explorer AI est déployé ou en cours de déploiement chez Fukoku Mutual Life Insurance ou au Crédit Mutuel, tandis qu’Allianz France a créé une nouvelle direction Big Data-Intelligence Artificielle. Ces initiatives suscitent des inquiétudes sur la menace qu’elles font peser en termes de suppressions d’emplois.

Concrètement, où en sommes-nous ? La majorité des annonces et initiatives portent à ce stade sur le back-office : création des contrats, calcul des cotisations, remboursement des sinistres… Ou concernent les nouvelles formes d’assurance, adaptées à l’économie collaborative, qui nécessitent de mettre en place des micro-contrats sur des durées limitées ou des contrats liés à l’utilisation et non à la possession. Dans ce cas, l’automatisation maximale, de la souscription aux sinistres, contribue à réduire les tâches répétitives et les coûts de gestion.

La relation client pourrait aussi s’appuyer, à terme, sur l’intelligence artificielle. Si des expérimentations ont déjà lieu dans de nombreux secteurs, il n’est cependant pas certain que les assurés adhèrent à ces nouvelles formes d’échanges lorsqu’il s’agit de sujets aussi sensibles que leurs assurances et à plus forte raison de la gestion de leurs sinistres. Sans compter que l’utilisation des robots dans la relation client reste assez éloignée de l’esprit mutualiste défendu par un grand nombre d’acteurs du secteur.

Derrière les usages assurantiels, quelles technologies ?

En matière d’assurance, les deux principaux types d’usages de l’intelligence artificielle envisageables concernent donc les usages transactionnels (back-office) et ceux liés directement à la relation client. Pour ces derniers, Watson d’IBM fait déjà beaucoup parler de lui. Ce programme, dont le but est de répondre à des questions formulées en langage naturel, intègre de plus en plus de langues et, surtout continue d’évoluer vers de nouveaux usages, tels que le calcul de montants de sinistres (au Japon).

De leur côté, les chatbots (ou agents conversationnels) connaissent leurs premières expérimentations dans le secteur de l’assurance en matière de relation client ou de commercialisation des produits, souvent au stade de qualification du contact, afin de diriger ce dernier vers la personne la plus appropriée pour répondre à ses attentes.

La blockchain fait, quant à elle, office de tiers de confiance automatisé. Et ouvre ainsi la voie à une diminution des coûts de structure, tout en fiabilisant et en accélérant les processus de décision. À terme, la blockchain pourra permettre la création de systèmes d’assurance quasi-autonomes et auto-régulés.

Tandis que la RPA (Robotic Process Automation), dont le rôle consiste à automatiser les tâches transactionnelles répétitives basées sur des règles définies, font leur entrée dans les secteurs assurantiels hautement réglementés et exigeants en matière de piste d’audit, de conformité (loi Hamon, Solva2…), de sécurité et de qualité des données.

Enfin, les robo-advisors sont conçus pour assurer la gestion de portefeuilles en ligne avec une faible intervention humaine. Basés sur des algorithmes et sur l’étude de big data, le robot réalise des achats et ventes en fonction d’un niveau de risque fixé par l’épargnant.

L’intelligence artificielle au service de la valeur métier

De nombreuses Fintechs et autres Assurtech se sont d’ores et déjà positionnées sur ces sujets, ainsi que certains assureurs précurseurs. Mais, dans un contexte de forte concurrence, les initiatives autour de l’intelligence artificielle sont bien souvent guidées par des « impératifs » d’amélioration de la performance, de diminution des coûts de gestion et d’attractivité des tarifs. Cette approche de la technologie pour la technologie, ou de la technologie pour la performance court-termiste, constitue un frein au développement d’usages à réelle valeur ajoutée et de nouvelles offres plus proches des attentes des assurés sur le long terme. En effet, tout comme la géolocalisation il y a quelques années, l’IA ne délivrera pleinement son potentiel que si la création de valeur et les bénéfices sont au rendez-vous pour les utilisateurs (clients, partenaires, collaborateurs).

Dans le domaine de l’assurance, l’intelligence artificielle pourrait ainsi trouver toute sa place en matière de prévention, ce qui donnerait une image positive de l’utilisation de ces technologies, tout en contribuant à réduire le coût des sinistres.

En interne, le principe est le même : plutôt que remplacer les salariés par un « logiciel », pourquoi ne pas utiliser, au contraire, les technologies d’intelligence artificielle pour assister les collaborateurs dans leur quotidien ? Par exemple, la mise en place de systèmes d’analyse cognitive d’une conversation entre un chargé de clientèle et son interlocuteur afin de capter les informations, les mettre automatiquement à jour dans le SI, et proposer en direct une offre adaptée à ce dernier. L’impact sur le temps et la qualité de la réponse apportée au client serait alors très positif tout en conservant une relation client humaine, sans doute encore particulièrement appréciée pour quelques années encore…

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Johan COTE est directeur du développement secteur assurance, Hardis Group