Avec la 5G arrive une nouvelle vision du réseau, de son organisation, de son déploiement, de ses contraintes techniques et aussi de sa gestion. Il s’agit d’une nouvelle architecture de communication universelle (voix/données/services)  d’autant plus complexe qu’elle innove en s’appuyant sur l’existant fixe et mobile. Elle est conçue pour mettre en œuvre le concept de « réseau à la demande », où les différentes parties ainsi que les fonctions du réseau devront être disponibles partout, pour tout le monde et pour tous les usages numériques selon les besoins. Il devra offrir une capacité immédiate de rendre opérationnelle ou « provisionner » la plupart des fonctions et ressources du réseau ou la réduire à moins d’une demi-journée pour les fonctions sollicitant des ressources spécifiques complexes et/ou intelligentes de calcul, de stockage, de réactivité ou de bande passante.

La base de cette vision comporte 3 piliers que sont :

– la mobilité avec la généralisation des smartphones qui permettent les communications vocales et la mise en œuvre d’applications et de services numériques, audio et vidéo multiples et variés, en temps réel, à n’importe quel endroit de la planète, en mode fixe ou mobile ;

– ensuite les objets connectés qui vont démultiplier la charge du réseau en ajoutant des milliards d’objets connectés capables de générer et transférer de l’information avec des exigences de basse consommation, de réactivité (latence) plus ou moins fortes, de stockage et d’analyse ;

– et enfin l’imbrication entre des usages personnels et professionnels, nécessitant une gestion adaptée des charges et des données offrant une parfaite sécurité et fiabilité quelque soient les usages fixes ou mobiles.

L’objectif est aussi de permettre à l’écosystème de développer des business modèles durables… sachant que ces notions restent plutôt vagues et se préciseront ultérieurement à différents niveaux au fur et à mesure. Nous sommes désormais très loin d’un réseau vocal commuté géré de façon plus ou moins mécanique, ou de ses extensions.

La latence, l’assurance du temps réel

La réalisation du réseau 5G conduit à définir une architecture qui respectera un certain nombre de caractéristiques techniques de base qui sont d’ores et déjà l’objet d’innovations technologiques en cours de développement chez les opérateurs, les constructeurs, les fabricants de semi-conducteurs et un assez grand nombre de startups. Au niveau des caractéristiques techniques du réseau, l’objectif d’une latence très basse (égale ou inférieure à 5 millisecondes) est l’assurance d’étendre la portée de l’utilisation du réseau à des nouveaux usages comme la réalité virtuelle ou augmentée, la conduite assistée ou autonome, la télémédecine, etc.

Pour la réalité augmentée, par exemple, une démonstration au dernier CES de Las Vegas sur les stands de Intel et Ericsson montrait qu’il est possible avec la 5G de faire de l’immersion à distance en live dans des évènements (sport, concerts, manifestations dans des endroits restreints). Plusieurs caméras filmaient simultanément un évènement en 360° et renvoyaient un flux vidéo en temps réel permettant à l’utilisateur de voir l’évènement à volonté sous tous les angles comme s’il était sur place, sur son smartphone muni d’un simple cardboard de réalité virtuelle.  Un organisateur d’évènement pourrait ainsi vendre 2 ou 3 fois le nombre de places dont il dispose… ! A noter que les prototypes des terminaux 5G utilisés (au départ et à l’arrivée) faisaient chacun la taille d’une belle armoire et qu’ils délivraient un débit supérieur à 10Gbps. La Station de base n’était pas montrée mais la fréquence utilisée pour les transmissions était de 28 GHz… La latence sera aussi un aspect technique crucial si la 5G est choisie pour assurer les communications dites V2V (Vehicule to Vehicule) et V2I (Vehicule to Infrastructure) dans la conduite des voitures autonomes, mais les échanges se feront sur une plus faible quantité d’information et à courte distance. Les Etats Unis semblent se diriger vers la mise en place d’un réseau spécifique basé sur le protocole 802.11p à la fréquence 5.9Ghz  (voir article sur la voiture autonome), proche des spécifications techniques de la 5G.

La Consommation électrique, une véritable disruption

C’est avec la mobilité que les opérateurs téléphoniques ont commencé à se préoccuper de la consommation électrique des terminaux. Certains fabricants de composants et de processeurs comme Intel qui traditionnellement n’y portaient qu’une attention limitée sont maintenant obligés de reconsidérer leurs technologies sous peine de perdre leur leadership. Par exemple, Soitec, un fabricant Français créateur de la technologie silicium HD SOI, voit maintenant son procédé  utilisé par beaucoup de fabricants de processeurs dont Apple, Intel, Sony, Qualcomm parce qu’il permet de réaliser des processeurs à plus faible consommation sans perte de puissance. Après avoir failli disparaitre malgré une technologie innovante, Soitec a récemment signé un accord avec GlobalFoundries (ex fonderie de AMD) qui pourrait devenir la première fonderie indépendante de semi-conducteurs dans le monde, rivalisant avec Intel.

Cette préoccupation de basse consommation est devenue un enjeu clé de la 5G, pour des raisons fonctionnelles liées à la mobilité, aux objets connectés qui, souvent passifs, doivent fonctionner sans possibilité d’être rechargés et enfin à cause de la consommation globale du trafic généré par les installations et les milliards d’appareils qui composeront le réseau 5G dans le monde entier.  Le réseau ne peut plus être organisé de façon pyramidale. Il doit être organisé de façon plus modulaire et géré de façon distribuée par cellules de différentes tailles, dotées d’une certaine intelligence et parfois de ressources locales (Pico cells, nano cells, femto cells, cellules fixes ou mobiles, etc.) permettant de rapprocher des données de leurs utilisateurs.

A L’image d’un réseau routier complexe, il s’agit d’un réseau  composé d’une multitude de réseaux hybrides fixes et mobiles, ramifiés et alimentés en données par des serveurs et des voies à très haut débit. Ils doivent être capables d’optimiser localement le trafic des données en fonction des demandes et des besoins et il sera géré de façon à ce que chaque point d’accès ait le potentiel de bénéficier de l’ensemble des capacités du réseau.

Cloud,  Virtualisation et Gestion programmable de la mobilité

Depuis plusieurs années, les opérateurs se sont penchés sur la gestion de leurs réseaux, de plus en plus imbriqués avec Internet et ont développé une vaste palette d’outils et de modes de gestion qu’on appelle aujourd’hui le Cloud, hier le client serveur, avant-hier le time sharing. Un très récent document préparé par une trentaine d’opérateurs fait le point sur la manière dont la 5G sera organisée et gérée grâce à la virtualisation des fonctions de réseau ou NFV (Network Functions Virtualisation).

Ce document est le fruit du travail du groupe  NFV ISG (Industry Specification Group) mis en place en 2012 sous le couvert de l’ETSI (un organisme de standardisation européen) regroupant 290 organismes du secteur dont 38 opérateurs.  Jusqu’à présent, l’enrichissement des réseaux s’est fait par adjonctions successives de « Network Appliances » offrant des fonctions qui répondent à des besoins spécifiques plus ou moins locaux (Routeurs, CDN, Firewall, RAN, BRAS, Session Border Controlers, NAT, etc..).

Cela a conduit à des réseaux fragmentés par des matériels spécifiques et propriétaires, des sites hétérogènes offrant des fonctionnalités différentes dont la mise en œuvre peut varier. Ces networks appliances propriétaires rencontrent souvent des problèmes de mise à jour, de scalabilité et d’interopérabilité lorsque la demande monte en puissance ou que s’expriment de nouveaux besoins.

L’objectif de la NFV est de transformer l’architecture du réseau en utilisant les techniques de virtualisation du monde de l’IT pour consolider de nombreux équipements de réseau vers des serveurs, switches ou systèmes de stockages standards, modulaires, capables de monter en puissance et qui pourraient être placés dans les data center, les nœuds de réseau, ou en périphérie du réseau près des utilisateurs. Ceci peut être réalisé en implémentant les fonctions de réseau dans du logiciel qui est opéré par des serveurs standards de l’industrie, ces serveurs étant installés à divers points du réseau, à la demande, de façon quasi instantanée.

Le document détaille les caractéristiques clés de NFV à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de la 5G dont la « cloudification » de la conception des fonctions du réseau dont le stockage des données, la « Cloudification des RAN (radio Access Network) », le « Network Slicing », le « Edge Computing » ou la gestion de la mobilité (MEC) joue un rôle important, la gestion des services de bout en bout, la gestion des services multiples (où le roaming est important), la sécurité, etc.. Ce document pourra servir comme une sorte de guide de référence pour découvrir chez les constructeurs leurs différentes avancées vers la 5G.