C’est en 2010 que la CFDT décide de se doter d’une DSI baptisée Service des Systèmes d’information[1] à laquelle elle confère deux missions principales : fournir l’énergie informatique hautement disponible aux 350 permanents de la confédération (PC, réseaux, bureautique, applications métier…) et amener l’IT au niveau stratégique. Avant cette étape, le service informatique était une simple unité rattachée aux services financiers qui s’attachait principalement à faire fonctionner l’infrastructure. C’est donc un changement majeur de conception qui donne à l’IT une dimension importante. L’IT est désormais être intégrée à la vision stratégie de l’organisation avec une double mission : mettre en œuvre des intentions de l’organisation et apporter en permanence un éclairage sur les tendances de fond des technologies afin d’anticiper sur les utilisations possibles et souhaitables.

C’est à ce moment charnière que Patrice Salsa est recruté comme Responsable du SI avec une feuille de route précise incluant différentes missions dont la création d’une équipe – aujourd’hui une dizaine de personnes – l’externalisation de la gestion de l’infrastructure placée en infogérance, la mise en place d’un service de maîtrise d’œuvre et de gestion de projet, l’industrialisation des process de mise en production des applications.

 La CFDT en un coup d’œil
Comme son appellation l’indique, la CFDT (Confédération française démocratique du travail) est une confédération interprofessionnelle qui regroupe quelque 1100 entités, syndicats français de salariés et unions territoriales de retraités répartis dans 15 fédérations professionnelles. La CFDT est aussi organisée selon un maillage territorial. En flux dans l’année, la CFDT fait état de quelque 4000 utilisateurs bénévoles participant à la gestion, de plus de 800 000 adhérents et de 50 000 militants. Elle est la première confédération interprofessionnelle par le nombre d’adhérents, la seconde par son audience électorale tant aux élections professionnelles2 qu’aux élections prud’homales3. La CFDT est une organisation éclatée, décentralisée et pyramidale.

CFDT 2Le grand projet attribué à la DSI découle de la résolution votée au Congrès de Tours de 2010 qui indiquait que pour les quatre à venir la CFDT devait replacer l’adhérent au cœur de son action, réaffirmer le syndicat comme unité de contact et de gestion de l’adhérent et développer des services à l’adhérent. « Ces trois idées centrales trouvaient une traduction au niveau de l’IT et définissaient donc le cadre dans lequel j’allais devoir mener mon action », explique Patrick Salsa. A partir de ce moment-là, tout part de la problématique de l’adhérent. Est reconnu adhérent toute personne qui paie sa cotisation[2].

Mener ces changements nécessitait évidemment la mise en place de nouveaux outils de suivi et de gestion de services à la carte. Et en amont, de disposer d’une base d’adhérents fiable, précise et facilement accessible. Ce qui a conduit à l’analyse d’un existant déjà ancien dans lequel la gestion de l’adhérent était outillée à partir de la gestion de sa cotisation. Il existait deux systèmes : un en central qui s’occupait de collecter les cotisations et de le ventiler selon nos règles internes et une application installée dans chaque syndicat destinée à recueillir les informations. Les données étaient donc collectées localement par les syndicats et consolidées au niveau national par le biais d’une sorte d’EAI (Enterprise Application Integration) développé sur mesure. L’application de ventilation de la cotisation avait, lui, été développé par Unilog (devenu Logica puis CGI) en Javascript. Après une phase d’expérimentation, la généralisation au niveau national de ces nouveaux services à partir d’un numéro unique a été décidée au Congrès de Marseille en 2014. Avec une prise en charge immédiate de la question ou de transfert et de suivi vers son syndicat, le tout avec des fonctions de reporting.

CFDT 3 » Ce système était très limité et ne permettait pas de construire le fichier adhérents parce qu’il s’appuyait sur des outils qui n’avaient pas été conçus dans ce but de collecte de données et avaient été développés avec des technologies différentes «  poursuit Patrice Salsa. D’où un modèle de données hétérogène. La première étape était donc la définition d’un nouveau modèle unifié de données pour l’ensemble de l’organisation avec une définition commune et partagée par tous de la description de l’adhérent et de ses attributs (informations personnelles, professionnelles, de cotisations, syndicales, formation, responsabilité au sein de la CFDT). Ce nouveau modèle de données devait être évolutif, fournir des données dont la qualité est garantie et à accès partagé en mode temps réel. La base de données adhérents devait s’inscrire dans un référentiel décrivant l’organisation de la Confédération. Avec comme caractéristique d’être produite par les différents niveaux de l’organisation, du syndicat jusqu’à la structure centrale, sachant que c’est le syndicat qui est en contact direct avec l’adhérent et collecte les données de base. « Tous ces éléments nous ont donc conduit à la définition d’un SI totalement nouveau à isométrie fonctionnelle et pouvant embarquer de nouveaux services », poursuit Patrice Salsa.

Avec l’aide du cabinet Conseil Neoxia, la DSI de la CFDT a construit un SI basé sur une architecture orientée services (SOA). Après avoir cherché en vain une solution globale sur étagère, elle a fait développer toute la partie back et de front-office incluant les règles de gestion et les règles métier et fait appel à des produits du marché pour les applications transversales. Ce qui inclut notamment :
– Le logiciel de MDM EBX d’Orchestra pour la gestion de la qualité des données ;
– Le logiciel d’éditique (édition des données au sens large) bdoc de Business Document pour la composition, la production, la personnalisation, la diffusion multicanal et l’archivage de tous documents dans tous types de formats (pdf, word, mail, données structurées…) ;
– Le moteur de gestion des processus métier (BPM) Bonita BMP de BonitaSoft ;
– Le bus de données ESB (Enterprise Service Bus) open source FuseSource de JBoss (aujourd’hui appartenant à Red Hat) ;
– Le logiciel Coheris Suite de Coheris pour prendre en charge toute la partie décisionnelle.
– Des bases de données SQL Server de Microsoft.

CFDT

L’origine française de presque tous les produits n’était pas un choix a priori mais le résultat d’une liste d’exigences (API normalisées, gestion de web services, support du SSO, scalabilité, licensing, haute disponibilité…) et d’une matrice de compatibilité. Avec des choix techniques comme par exemple des développements exclusivement en Javascript ce qui excluait par exemple des produits de l’univers .Net de Microsoft.

Pour le développement en Javascript de l’application de base de gestion des adhérents, baptisée Gasel, la CFDT a fait appel dans un premier temps à deux entreprises – Closer IT et Neoxia – qui ont intégré une usine à développement dans le cadre d’un framework Eclipse. « C’est phase a été un demi-succès, reconnait Patrice Salsa, nous conduisant à ne garder que la seconde société ». L’application Gasel a été mise en service partiel au mois de mai, avec un trimestre de retard et a suivi un démarrage assez lent avec des problèmes de performances, de données, de cohérence fonctionnelle… Il a fallu environ une année à la DSI pour combler ces faiblesses et se présenter en juin 2014 au Congrès de Marseille avec suffisamment de recul. Un audit réalisé à ce moment-là a permis de déceler une certaine faiblesse au niveau de la maîtrise d’ouvrage. Une prestation de maîtrise d’ouvrage a donc été contractualisée à ce moment-là en externe mais avec un succès relatif. Il y a eu alors une prise de conscience qui a conduit l’organisation de créer en interne une maîtrise d’ouvrage en interne, une opération plus complexe que la création de la DSI quelques années auparavant.

L’avis du partenaire Neoxia
CFDT 1« Certes la CFDT est différente d’une entreprise classique, mais le projet de refonte du SI que nous avons mené est comparable à n’importe quel autre projet », explique Gilles Mergoil, Président de Neoxia, cabinet de conseil en SI et membre du pôle Systematic. La structure des permanents (350 personnes) correspond à une PME mais le SI mis en place pour l’ensemble de la Confédération (1100 syndicats, 4000 utilisateurs) est plus celui d’une ETI, voire d’un grand compte.
Neoxia se présente comme un cabinet de conseil associant étroitement les visions métier et techniques et n’hésitant pas à aller vers la chose opérationnelle en s’impliquant jusqu’à la mise en œuvre. Contrairement à l’image que l’on pourrait avoir d’un syndicat où l’usage des technologies ne serait pas une priorité, l’architecture technique orientée services mise en place à la CFDT est à l’état de l’art.
Neoxia indique mettre en œuvre des méthodes Agiles[3] inspirées de Scrum[4] sans pour autant appliquer strictement son formalisme. « L’agilité relève plus de l’expérience et de la culture que de la connaissance approfondie d’une méthode particulière », considère Gilles Mergoil. S’il y a peu de règles à observer pour appliquer une méthode agile, mais elles sont très strictes et contrairement aux idées reçues, l’agilité nécessite un très haut niveau d’exigence et une forte capacité à faire des choix ». Pour ce projet, Neoxia, a mis en place un niveau élevé d’automatisation et d’industrialisation (récupération des données, mise en production des applications…).

Quelque 140 personnes – développement, spécifications, éditeurs – ont travaillé au moment le plus fort de ce projet qui représente un budget de plusieurs millions d’euros. Cette première phase a abouti et répondait à 95 % aux attentes initiales et aux besoins des utilisateurs. Une campagne dite de sécurisation a été lancée pour objectiver et mesurer les écarts entre les attentes et apporter les correctifs nécessaires. Elle doit s’achever à la mi-2015.

Parallèlement, la société Neoxia assure une TMA (Tierce maintenance applicative) conçue dans un cadre d’amélioration fonctionnelle continue. L’application est placée sous surveillance via des sondes qui fournissent des indicateurs d’activités et permettent de mesurer l’écart entre le réel et le ressenti par les utilisateurs. Cette approche très industrielle adoptée par Neoxia s’appuie sur une batterie de près de 600 tests fonctionnels très complète et utilise l’outil Quality Center d’HP. Approche qui permet à la DSI de faire de l’intégration continue en inscrivant l’application dans une vision évolutive.

Dotée de ce SI, qui constitue une socle étant finalisé, la CFDT va pouvoir se tourner vers de nouveaux chantiers incluant la mobilité qui est en cours, d’accès et de modification des données personnelles directement par les adhérents et de la mise en place d’une société de réseau social syndical collaboratif permettant aux militants d’échanger, produire, communiquer… Et ainsi de se rapprocher des pratiques des jeunes générations. Autant de nouveaux chantiers qui vont être ouverts dans le courant de l’année 2015 et qui pourront se fonder sur l’application Gasel.

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Les grandes dates de la CFDT
La CFDT a été créée en 1919 sous le nom de Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). En 1964, un congrès extraordinaire transforme la CFTC en CFDT. Une minorité (environ 10 % des effectifs), refonde aussitôt une « CFTC maintenue » dans une autre salle parisienne, le Musée social. Au congrès de 1970, la CFDT adopte de nouveaux statuts et prône l’autogestion des entreprises. En 1971, Edmond Maire est élu secrétaire général. En 1978 la CFDT s’éloigne de la CGT et entreprend un mouvement de « resyndicalisation » (ou de « recentrage sur l’action syndicale ») qui consiste notamment à prendre de la distance face aux partis politiques.
Au congrès de Strasbourg de 1988, Jean Kaspar est élu secrétaire général. En 1992, Nicole Notat est élue secrétaire générale. Elle est la première femme à occuper un tel poste dans une confédération syndicale de salariés en France. En 2002, François Chérèque, ancien secrétaire général de la fédération CFDT Santé-sociaux, est élu secrétaire général. Il est reconduit dans ses fonctions lors du congrès de 2006 et du congrès de Tours de 2010. Laurent Berger est secrétaire général depuis 2012.

 

 

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[1]
La CFDT n’utilise pas le vocabulaire des entreprises : le SSI est donc l’équivalent d’une DSI.
[2] Une cotisation, c’est 0,75 % du salaire net annuel, primes comprises pour les actifs, et 0,50 % pour les retraités.
[3] Les deux méthodes agiles désormais les plus utilisées sont : la méthode Scrum et la méthode XP Extreme programming.
[4] Scrum est un framework d’organisation de développement de produits complexes. Il est défini par ses créateurs comme un « cadre de travail permettant de répondre à des problèmes complexes et changeants tout en livrant de manière productive et créative des produits de la plus grande valeur possible »1. Scrum est considéré comme une méthode agile (source : Wikipedia)