« L’industrie n’est plus un secteur mais une attitude, une vision de l’entreprise et de la manière de la piloter. Toute activité impliquant standardisation, innovation et investissement range l’entreprise dans une logique industrielle », écrivait Gilles Le Blanc, économiste français, dans une note réalisée pour la DATAR (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale). Une phrase qui décloisonne et réunit industrie et service !

Le facteur fondamental et différenciant entre deux entreprises est moins le domaine d’activité, que le mode de gestion interne et le choix qu’elles réalisent, ou non, entre mise en oeuvre de pratiques empiriques et industrialisation des savoir-faire.

Dans un registre proche, Guy Mamou-Mani, président de Syntec Numérique, déplorait que « la seule différence avec l’industrie traditionnelle, c’est que nous produisons de l’immatériel et du coup les Français, plus particulièrement les politiques, ont du mal à nous percevoir comme tel ».

Aveu de frustration d’un secteur pourtant en croissance, omniprésent et indispensable au bon fonctionnement de l’économie, mais qui ne parvient pas à se valoriser à hauteur de ses espérances.

D’après une enquête réalisée par le cabinet Plimsoll réalisée en 2012, parmi 1000 sociétés de conseil en systèmes informatiques, seules 227 se portaient bien. Plus grave encore, 171 vendent à perte…

Mais, plutôt que de lancer l’anathème, ne devons-nous pas tirer quelques enseignements de ces constats ?

Pour le passage du modèle du café moulu à celui des capsules

A des degrés divers selon la maturité de la relation entre le prestataire et son client, le service est le plus souvent traduit et découpé en temps passés (l’emballage), plutôt qu’en activités et en résultats mesurables (le contenu). Entre autres effets pervers, ce phénomène conduit à la chasse aux volumes, plutôt qu’à la création de valeur. On se contente de moudre le temps des hommes, et de le fournir tel quel à la criée, sans autre transformation, plutôt que de vanter la qualité des actions et résultats produits. De tels mécanismes engendrent un « pari inversé », dans lequel les clients subiraient les dysfonctionnements de leurs prestataires, tandis que ces derniers ne bénéficieraient pas pour eux-mêmes de la valeur ajoutée produite pour le compte de leurs clients… magnifique paradoxe !

C’est dans cette galerie de David Hamilton que s’épanouissent, et le plus souvent survivent, des « entreprises à tout faire », qui « offrent leurs services » aux contours et engagements flous, dans une démarche mercantile et opportuniste. Halte à la course aux volumes, au négoce, il est temps d’aller plus loin, vers une 2ème transformation !

Le pari est audacieux, à la fois complexe et risqué, mais il a le mérite de remettre les choses à l’endroit.

Notons d’abord que la clarification, la matérialisation, le contrôle de ce qui n’est pas visible à l’oeil nu nécessite grande rigueur, précision et persévérance. Le service se doit d’autant plus à lui-même une attention et une gestion renforcées qu’il délivre des « biens » immatériels, donc non préhensibles.

La première décision serait d’abandonner progressivement l’idée de fournir du temps vendu au volume et moulu en jours, en heures, voire en minutes. Cela suppose une maîtrise suffisante de nos entreprises et savoir-faire pour accepter de récupérer en interne nos propres dysfonctionnements, et une confiance dans la valeur ajoutée de nos actions pour le compte de nos clients.

Ce changement nécessite de profondes mutations dans la façon de manager nos collaborateurs, de satisfaire nos clients et de gérer nos structures. Si les entreprises de services apprennent à industrialiser leurs savoir-faire pour délivrer des ensembles de « produits-services » aux contours clairs et cohérents, elles démultiplieront leurs offres, tout en apportant des réponses sur-mesure à chaque besoin, oeuvrant ainsi pour le plus grand bénéfice d’elles-mêmes et des donneurs d’ordre.

Si nous voulons faire face à nos marchés toujours plus concurrentiels, à nos clients dont le niveau d’exigence augmente de façon continue, il devient impératif, voire urgent, de passer de la vente de café moulu à la capsule, du matériau brut à la maison clé en mains, de la vente à la criée au plat cuisiné, et servi avec précaution s’il vous plaît…

C’est sur ces nouvelles fondations que les mécanismes de création de valeur et d’innovation pourront réellement opérer et que la notion de service reprendra tout son sens.

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Grégoire de Préneuf est co-fondateur de Deuzzi