Développer une stratégie nationale d’envergure relative au développement numérique de l’enseignement supérieur s’appuyant sur la plate-forme FUN, telle est l’une des recommandations du rapport que vient de voter le CESE (Conseil Economique, Social et Environnemental) (Pour lire le rapport : La pédagogie numérique – un défi pour l’enseignement supérieur).

Comme toutes les activités humaines, économiques ou non, l’enseignement, en particulier l’enseignement supérieur va être transformé en profondeur par l’arrivée du numérique. Il va en particulier redéfinir le rôle des universités. Les Etats-Unis tirent leur puissance en particulier de l’attraction que suscitent leurs universités dans le monde comme une des piliers de leur soft power. Et chaque année, ce sont les mêmes cris de lamentations ou d’orfraie que l’on entend lorsque sont publiés les classements de Shanghai. Les uns s’appesantissant sur le retard des universités, les autres faisant remarquer le manque de représentation de l’indicateur qui sert à réaliser ce classement.

Dans tous les domaines, le numérique est un élément disruptif comme l’on dit outre-Atlantique qui fait apparaitre de nouveaux acteurs qui bousculent des acteurs existants. Les exemples sont légion et certains secteurs sont particulièrement touchés. L’exemple d’Uber, une société valorisée à plus de 40 milliards de dollars seulement 5 ans après sa création qui est citée en permanence à juste titre montre combien les capacités de bouleversement du numérique.

L’enseignement n’y a pas échappé et le mouvement a été particulièrement actif aux Etats-Unis. Les universités américaines ont été les premières à se positionner. Dès 2001, le MIT annonce sa décision de publier ses cours sur Open Course Ware. Cette première percée fut suivie de plusieurs initiatives significatives : Udacity, Coursera, edX pour citer les plus marquantes. Le numérique peut modifier de fond en comble la pédagogie – c’est le sujet du rapport – On remarquera néanmoins que le numérique n’a pas modifié le paysage des universités comme il aurait pu le faire dans d’autres secteurs. Le classement reste le même et on pourrait peut-être même avancer l’idée que le numérique va renforcer les inégalités entre établissements. Certaines d’entre elles ont même joué un rôle majeur sur le développement d’une région. Le meilleur exemple étant le rôle de Stanford sur la Silicon Valley. Et là, il ne faudrait surtout pas que les universités françaises s’inspirent de ce que font leurs homologues américaines car, comme le rappelle le rapport, leurs logiques sont essentiellement guidées par des raisons économiques. Quand on connait par exemple le trésor de guerre accumulé par l’Université de Harvard[1] (33 $mds), il est évidemment difficile de rivaliser avec les mêmes armes. Et dans une telle logique, « le développement du numérique représente une opportunité économique : le numérique représente aux États-Unis un enjeu pour la réputation des établissements et la captation des étudiants par ceux-ci ».

Les Universités Numériques Thématiques, un réseau francophone d’universités virtuelles
Le développement des universités numériques thématiques (UNT) à partir de 2003 s’est inscrit dans la continuité de l’émergence du e-learning. Les UNT permettent la mise en commun en ligne et de façon collaborative, de l’ensemble des productions pédagogiques et des ressources de travail des étudiants et des 31 établissements universitaires sur une même thématique ou discipline.
L’université médicale virtuelle (UMVF) – par la suite devenue «numérique» – a été la première structure du genre. Six autres UNT ont depuis lors été créées : l’UNJF (droit), l’AUNEGE (économie et gestion), l’UVED (environnement et développement durable), l’UOH (Université ouverte des humanités), l’UNIT (sciences de l’ingénieur), et l’IUT en ligne.

« En ce qui concerne la France, poursuit le rapport, ce sont principalement les enjeux pédagogiques qui incitent les établissements français à engager leur transformation numérique ». Certes mais il ne faudrait pas s’engager dans cette dichotomie : aux universités américaines le business, aux universités françaises la pédagogie… Et en marge du titre du rapport, la pédagogie n’est pas le seul défi que pose le numérique aux universités. Qu’on le veuille ou non, l’éducation est de plus en plus mondialisé et adopte les règles du marché.

Dans une telle évolution, la tentation sera peut-être grande pour les universités sera peut-être grande de faire cavalier seul mais la seule stratégie envisageable doit être structurée et coordonnée au niveau national et « la plateforme France Universités Numérique doit constituer le vecteur principal de la stratégie et pourrait également constituer une base pour l’Europe ». Cette stratégie peut aussi s’appuyer sur les Universités Thématiques Numériques (voir encadré ci-dessous). C’est ce que n’a pas réussi la filière du tourisme avec une sorte de portail France regroupant toutes les ressources des différents acteurs et qui aurait permis de tenir tête à la foultitude des nouveaux acteurs numérique qui entend bien accaparer une partie de la valeur.

France Université Numérique
S’ils n’étaient qu’une dizaine à participer au début, ils seraient désormais au début de l’année 2015. Les disciplines représentées y sont relativement variées et la plateforme affichait 200 000 utilisateurs ayant généré 400 000 inscriptions au 1er octobre 2014. Les MOOC, au nombre de 53 au début de l’année 2015, comptent en moyenne 8 000 inscrits chacun. Le profil des utilisateurs, ainsi que cela a été évoqué, est proche de celui des autres plateformes. Beaucoup sont déjà diplômés, 63 % sont déjà en activité, 11 % en recherche d’emploi et 13 % sont retraités. Tous les participants n’ont pas le même usage, ni les mêmes attentes de la plateforme, ainsi, seuls 50 % souhaitent obtenir une attestation de suivi. Des modalités de certification sont en cours de développement, elles s’appuieront notamment sur les structures de l’AUF dans les pays francophones.

Depuis quelques années, les MOOC se sont installés dans le paysage et sont perçus par certains comme une panacée à de nombreux problèmes : pédagogie améliorée, baisse des coûts, diffusion plus large des savoirs… Mais comme le souligne le rapport, notre expérience en la matière n’est pas suffisante et les technologies sont loin d’être stabilisées. Mais parmi les premiers résultats, les MOOC ont montré leurs limites, notamment avec un taux de complétion relativement faible. Par ailleurs, les MOOC posent aussi de nombreux problèmes parmi lesquels la validation des acquis, la collaboration entre différents acteurs, des questions de protection intellectuelle.

 

Des MOOC aux SPOC ?
Les différentes catégories de MOOC peuvent être distinguées selon deux modalités :
– Les xMOOC participent essentiellement à la transmission de savoirs existants
– Les cMOOC, quant à eux par leurs caractéristiques connectivistes et participatives permettent d’associer les apprenants à la construction des enseignements.
Dans la première catégorie, on retrouve les MOOC à contenu, ce sont ceux qui retiennent l’attention des médias et qui sont développés par Coursera, eDX et Udacity. Dans la seconde catégorie, on retrouve, les SMOOC qui sont basés sur les réseaux sociaux, et les MOOC « taskbased » qui permettent de réaliser des expériences à distance.
Un autre format de cours en ligne existe également, il s’agit des SPOC. A la différence des MOOC, les SPOC sont fondés sur une participation limitée. La sélection des participants est effectuée suite à une évaluation et un paiement préalables. L’accès au cours est donc de nature privée, ce qui ne permet donc ni le passage à l’échelle d’une large communauté, ni la diffusion massive. Les SPOC semblent notamment être pertinents pour les entreprises dans le cadre de la formation de leurs salariés.

 

[1] Comment Harvard a réussi à amasser 33 G$ US

 

Experts auditionnés par le CESE

 Matthieu Cisel, Doctorant sur les MOOCs
Rémi Bachelet, Maitre de conférences Ecole Centrale Lille,
 François Germinet,Président  l’Université de Cergy-Pontoise
Emmanuel Davidenkoff, Rédacteur en chef de « L’étudiant »

 

 

 

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