Internet et l’IT en général favorisent le développement de nouveaux services basés sur de nouveaux business models. Mais ceux-ci ne sont pas sans rencontrer de fortes résistances ?

Dans son livre L’âge de l’accès publié en l’an 2000, Jeremy Rifkin avait bien synthétisé les évolutions dont on voit aujourd’hui les effets dans presque tous les secteurs de l’économie : « cette nouvelle ère voit les réseaux prendre la place des marchés et la notion d’accès se substituer à celle de propriété (…) Dans la nouvelle économie en réseau, plutôt que d’échanger des biens matériels et immatériels, les entreprises en contrôlent et en régulent l’accès (…) les marchés cèdent la place aux réseaux, vendeurs et acheteurs sont remplacés par des prestataires et des usagers. C’est peut-être là un des problèmes, tout particulièrement dans le domaine des services où presque tout le monde peut proposer des services alternatifs qui font concurrence à des entreprises établis.   

La société Airbnb (Air bed and breakfast) est un pur produit de cette nouvelle économie et en est une illustration éclatante. Airbnb a été fondée en novembre 2008 à San Francisco en Californie. Les fondateurs racontent que l’idée d’Airbnb est née de leur propre expérience. Alors que toutes les chambres d’hôtel de San Francisco étaient réservées en raison de la tenue d’un congrès de design, ils ont alors décidé d’offrir leur logement avec des services complémentaires. Jusque-là rien de très extraordinaire. Mais cet événement les a poussé les Airbnb à développer une plateforme de recherche et de réservations entre la personne qui offre son logement et le vacancier qui souhaite le louer.

Aujourd’hui, la société fait état de plus de 11 millions de clients, d’une couverture de 34 000 villes dans le monde réparties dans 192 pays. Difficile de porter un jugement définitif sur l’entreprise qui n’a pas encore publié de chiffres concernant les résultats financiers. En tous cas, tout le monde ne voit pas d’un très bon œil le développement de cette économie dite de partage. Dans le cas d’Airbnb, on peut citer les hôtels qui sont en concurrence directe, les voisins qui ne sont pas toujours contents de voir des « étrangers » s’installer à côté de chez eux, sans parler de l’Etat qui voit un manque à gagner dans la collecte d’impôt.

La dimension juridique n’est évidemment pas absente de cette nouvelle concurrence. Sur ce terrain, Airbnb vient de gagner un bataille mais la guerre est loin d’être terminée tant Internet change radicalement les règles du jeu et les termes de la concurrence. Dans le différend juridique qui opposait l’avocat général de l’Etat de New York et Airbnb, le juge vient de donner raison à cette dernière. L’avocat général demandait qu’Airbnb lui fournisse la liste des particuliers (et toutes les informations les concernant) de la ville de New York proposant des services d’hébergement car il pense que certains violent la loi (Ruling in Airbnb’s Case in New York). Rappelons qu’à New York, il est illégal de louer un appartement moins de 30 jours, une réglementation passée par le Conseil municipal en 2010 pour réguler la concurrence avec les hôtels. Le juge a considéré que cette demande d’informations n’était pas pertinente par rapport à l’enquête. Tout en déclarant victoire, Airbnb a fait profil bas en indiquant qu’elle était prête à collaborer avec la Justice et à « faire de New York un meilleur endroit à vivre, travailler et visiter ».

Taxis parisiens contre VTC et covoiturage

Cette affaire n’est pas sans rappeler celle qui sévit depuis de nombreuses années à Paris entre les taxis et les moyens de transport alternatifs (covoiturage, VTC…). Le rapport Thevenoud (Un taxi pour l’avenir, des emplois pour la France) remis en avril dernier et qui liste 30 propositions pour tenter de régler un conflit qui dure depuis de longues années montre bien combien les technologies et l’Internet vont continuer à mettre un coin entre innovation et réglementation. « Combiné avec la généralisation des smartphones, le nouveau régime[1] a  permis le développement très rapide,surtout à partir de 2012, d’une offre de VTC à bas prix. Il a engendré une concurrence entre une profession très réglementée, le taxi, et une profession totalement libre, le VTC. », explique en introduction de son rapport le Député de Saône-et-Loire. Et en début de ses propositions, le député considère que « Le taxi doit pouvoir profiter pleinement des nouvelles technologies pour investir le marché de la maraude électronique, augmenter son activité et valoriser sa licence ».  Mais si la démarche de Thomas Thevenoud souhaite trouver le bon équilibre, il semble, comme l’indique Olivier Rafal, consultant du cabinet Pierre Audoin Consultants qu’elle accorde le monopole des nouvelles technologies (géolocalisation, réservation via les apps sur mobile…) aux taxis (Digital Transformation must be on your agenda now -even if you’re French). Une démarche plutôt paradoxale puisque ces nouvelles entreprises ne sont que la conséquence directe du développement de ces mêmes nouvelles technologies.

 


[1] « En juillet 2009, sous la précédente majorité, la loi Novelli remplaçait le régime ancien de la ²grande remise² , véhicules de luxe avec chauffeur fonctionnant sur réservation préalable, par celui des voitures de tourisme avec chauffeur (VTC). Ce nouveau régime, d’inspiration libérale, était beaucoup trop souple pour prétendre garantir la sécurité des personnes. »