Santiago Madruga, EMEA General Manager Telcos et ICT, que nous avons rencontré à l’occasion de la MWC 2017, explique le rôle que joue maintenant Red Hat dans la migration des réseaux télécoms vers un monde de services avec la 5G.

Informatique News : L’utilisation d’une plateforme Open Source à base de Linux dans les réseaux télécom semblait encore incongrue il y a 15 ans. Vous êtes à MWC aujourd’hui au milieu des opérateurs. Comment en êtes-vous arrivés là ?

Santiago Madruga : Lorsque je suis entré chez Red Hat il y a 8 ans, L’opérateur Telefonica était déjà l’un des 5 plus gros clients de la société puisqu’il utilisait déjà des logiciels Open Source dans ses datacenters. Depuis 4 ans, Red Hat a cependant décidé d’investir en R&D et en engineering pour permettre à nos produits d’opérer sur les réseaux télécom qui sont de gros consommateurs de technologies informatiques. Pour atteindre cet objectif, nous avons crée une offre solide qui n’est pas seulement basée sur les ventes et du marketing, mais nous avons développé au sein de Red Hat de solides fonctions de support, d’ingénierie, de consulting.

En effet, les opérateurs téléphoniques ont des exigences spécifiques de haut niveau en termes de sécurité, de fiabilité, de continuité de service, de capacité d’évolution, de flexibilité et d’adaptation des services qu’ils proposent à leurs clients. Pour cela, nous avons utilisé et amélioré pour les telcos toutes les technologies et le support que nous avions développé pour les Datacenters car les tendances du marché montrent que la gestion des réseaux reprend beaucoup de technologies de gestion des Datacenters. Les Datacenters sont en effet intimement liés aux réseaux.

Informatique News : Quelle approche et quelles technologies avez-vous utilisées ?

Santiago Madruga : Openstack est notre principale technologie, elle est au centre de nos innovations. Red Hat est un des plus importants représentants d’Openstack dans le monde. Openstack est un framework qui a été crée en 2010 par une collaboration entre la Nasa et Rackspace. Il  utilise les technologies de stockage, de réseaux et de calcul en mode virtualisé. Il est surtout installé dans les datacenters, mais comme certaines exigences exprimées par les opérateurs sont plus critiques que celles des datacenters, cela nous a amené, pendant 4 ans, à améliorer et renforcer ces caractéristiques pour les migrer sur le cœur des réseaux. Avec Openstack, les telcos utilisent ainsi la même technologie pour leurs réseaux et leurs datacenters.

Informatique News : Quelles sont des grandes forces de Openstack, comment concurrence-t-il les systèmes propriétaires ?

Santiago Madruga : Je pense que le futur des réseaux de telcos passe par l’open source, il n’y a pas vraiment concurrence avec les systèmes propriétaires, ce sont les telcos qui sont demandeurs d’openstack. Une couche open source dans son processus même de développement apporte la liberté et l’innovation en découplant le hardware du logiciel. C’est ce qui est arrivé il y a longtemps dans les datacenters après les mainframes et Unix. Les opérateurs peuvent ainsi choisir leurs partenaires, et en changer si nécessaire, pour les différents niveaux de leur architecture en fonction du contexte qu’ils rencontrent, souvent pour gagner du temps d’installation, de l’ouverture ou de l’interopérabilité. Tout ceci est facilité par l’utilisation du logiciel plutôt que des fonctionnalités intégrées dans le hardware.

Le résultat pour eux est de gagner du temps dans la mise en oeuvre de leurs services sur le marché.  La mise en production devient moins lourde, plus efficace, non seulement sur les niveaux ou nous opérons mais à tous les niveaux de leur architecture parce que Linux, sur lequel est basé Openstack apporte la virtualisation non seulement sur les fonctions calcul, mais aussi sur le stockage et sur le réseau et toutes ces fonctions travaillent ensemble.  L’utilisation des « Containers » qui caractérise Openstack facilite la mise en œuvre de services en faisant appel à moins de ressources et les rend plus facilement adaptables, plus performants, plus évolutifs et plus facile à maintenir, ce qui finalement coûte moins cher à exploiter.

Auparavant, pour développer un nouveau service, les développeurs utilisaient des environnements de développement spécifiques. Puis pour la mise en production, ils transféraient leur code vers des environnements différents, ce qui était lourd et provoquait des erreurs. Nous avons mis en place des templates permettant un assez grand nombre de variations et de paramètres et le code généré est standard, sans modifications ou adaptations nécessaires, et il est certifié. Les développeurs peuvent développer de façon modulaire, asynchrone et distribuée et l’assemblage et les tests se font sous le même environnement.  La mise en route est instantanée. Le gain de temps est énorme et le risque d’erreurs est fortement diminué

Informatique News : Quelle est votre rôle dans le monde des telcos et comment comptez-vous évoluer en fonction de l’arrivée de la 5G ?

Santiago Madruga :  Dans le processus d’élaboration et d’évolution d’Openstack, nous contribuons bien sûr au niveau de la R&D, mais il faut ensuite transformer ces développements en produits commerciaux, les tester, les sécuriser, les stabiliser, les packager, les certifier, les supporter, les documenter : c’est ainsi que nous implémentons Openstack pour les telcos. Nous faisons aussi du consulting avec des partenaires pour s’assurer que les utilisateurs puissent pleinement bénéficier des innovations.

D’un point de vue commercial, nous avons signé récemment avec l’opérateur Français Altice (SFR) qui aura virtualisé plus de 50% de son réseau. Orange utilise aussi Openstack avec Red Hat, nous travaillons aussi avec Telefonica, Verizon aux Etats Unis. Nous sommes leaders du marché avec Openstack.  Dans une enquête réalisée l’année dernière par Heavy Reading sur 113 opérateurs, 85% d’entre eux indiquent que l’utilisation d’Openstack est essentiel à leur succès.

Plus de 60% des telcos utilisent déjà ou testent des nouveaux services avec Openstack pour la NFV. Ils citent des bénéfices comme la rapidité de mise en oeuvre des nouveaux services sur le marché, la virtualization plus rapide des datacenter et des coûts réduits de logiciels et d’exploitation. Vous savez que le monde des télécoms a entamé une large migration des infrastructures vers la 5G. Nous sommes très actif au sein de l’ETSI, l’organisme qui coordone la standardisation des réseaux vers la virtualisation des fonctions du réseau. NFV (Network Functions Virtualization) est à la fois une nouvelle organisation du réseau, son système de gestion et l’outil qui permet la création plus rapide de nouveaux services qui seront offerts et accessibles partout sur le réseau.  Dans l’ancien monde des telcos le temps qui s’écoulait entre l’idée d’un service et sa mise en œuvre sur le marché pouvait être de plusieurs mois…aujourd’hui, il peut s’agir de quelques heures…

Dans certains secteurs comme le commerce de détail ou les banques, cela maintenant peut se faire en quelques minutes. Avec Openstack, nous permettons aux telcos de développer et d’industrialiser rapidement leur nouveaux services en tenant compte de leurs contraintes, tout en conservant leur différenciation et en diminuant leurs coûts d’exploitation et de maintenance. Bien sûr, étant dans un processus open source, nous travaillons avec de nombreux partenaires qui sont experts dans leurs secteurs, mais les opérateurs contribuent aussi aux améliorations d’Openstack parce que c’est un processus en Open Source.