Les Start Up sont par essence des structures jeunes et peu expérimentées dans le domaine du recrutement. L’âge moyen des dirigeants est de 21 à 30 ans dans 41% des cas, et de 31 à 40 ans pour 35% d’entre elles[1]. Elles sont principalement composées d’anciens camarades de classe et d’anciens collaborateurs, il est donc rare qu’une ressource formée au recrutement s’y trouve. D’autant que, dans les premiers temps de sa croissance, la Start Up se développe de manière horizontale, dans le prolongement du cercle social et familial. On va au plus simple, au plus rapide, au plus proche : un « réflexe » de reproduction sociale qu’on qualifiera de grégaire ou de bourdieusien.

Il faut sortir de son immeuble !

Accompagner une Start Up, c’est exposer à ses dirigeants le fruit de l’expérience qui leur manque, quels que soient leur intelligence et leur professionnalisme. En termes de RH, cela signifie les aider à sortir de ce réflexe anthropologique. A cet égard, notre responsabilité n’est pas négligeable.

En effet, la Start Up demande généralement de l’aide pour recruter quand elle se trouve à des paliers, bien souvent entre 5 à 15 employés ; à l’origine de la démarche, soit le cercle du « réseau » est épuisé, soit la compétence requise ne s’y trouve pas. Il faut alors pousser les dirigeants des Start Up à faire leurs devoirs. C’est-à-dire à créer une fiche de poste où la rubrique « compétences » supplante la rubrique « profil ». Ce descriptif, basé sur les besoins précis de la structure, sera le juge de paix du recrutement à venir. Bien sûr, cela n’empêche pas de partager des valeurs, ni de tester la compatibilité des caractères, mais c’est le moment de sortir du réseau des amis d’amis !

En effet, expert, manager, business developer… tous ces profils existent sur le marché du travail, encore faut-il accepter de laisser entrer une certaine diversité. Un non « digital native », une personne venant d’une grosse ou moyenne structure, une personne au parcours universitaire différent, un autodidacte, etc. C’est le moment de changer de posture et de citer l’auteur de la bible des Start Up, Eric Ries, qui rappelle dans Lean Startup[2] qu’un certain nombre de matériaux indispensables pour mener à bien une entreprise sont « Out of the building » !

Et comme souvent, cela implique de pouvoir en démontrer les avantages ! La Start Up rechigne à embaucher un plus de 40 ans ? Rappelez-lui que le candidat partage les us et coutumes générationnels de ses clients ! Impossible de trouver une meilleure interface commerciale… Le nom d’un prestigieux cabinet d’audit l’ennuie ? Celui qui en sort sait néanmoins déjà que des process et des structures peuvent être bien utiles et éviter des approximations…

Moins d’affect, plus d’attractivité 

Les dirigeants de Start Up doivent surmonter deux contraintes de taille pour recruter les éléments qui les aideront à « mûrir ». La première est le prix. La Génération Y a plus encore le culte de la jeunesse que ses aînés. Et le jeune coûte moins cher. Il faut ici leur démontrer que le senior (+ 3 ans d’expérience), le cadre (+ 8 années) ne fournissent pas le même travail, et ne nécessitent pas le même encadrement qu’un junior. Il faut arbitrer alors l’investissement futur consenti, en argent ou en temps.

Mais il n’y a pas que l’argent qui contribue à attirer les talents. Certains dirigeants de Start Up, convaincus de la bienséance de leur vision, ont fini par la trouver évidente et ne mettent pas suffisamment de soin à l’entretien de leur marque employeur. Sont-ils présents sur les réseaux sociaux professionnels ? Ont-ils de bonnes relations avec leurs partenaires, leurs fournisseurs ? La Start Up ne se bat pas pour attirer les postulants à coup de place de cinéma et de vacances à prix réduits ! Mais elle doit se positionner comme une aventure visant la réussite, et afficher sa confiance, sa solidité etc. Communique-t-elle sur ses résultats ? Ses embauches ? Ses nouveaux clients ? Au-delà de la vision d’un(e) jeune dirigeant(e), c’est sa capacité à valoriser le travail de ses équipes et les avancées de sa structure qui créera du désir.

Dans Psychanalyse des contes de fées[3], Bruno Bettelheim étudie le conte Les 3 petits cochons. D’après lui, il montre aux enfants que les nouveaux arrivants (les cochons qui souhaitaient prendre leur envol) peuvent survivre s’ils acceptent de tenir compte des contingences réelles de leur environnement, à savoir la maison qui saura les protéger du loup…. Les deux premiers cochons paient cher car ils ont fantasmé la contingence, mais le troisième s’en tire avec sa maison solide et son feu dans la cheminée. Les dirigeants de Start Up, pour faire croître leur entreprise, doivent se débarrasser du fantasme de la Start Up, tout en valorisant mieux leurs rêves. Alors celle-ci deviendra un lieu de gestion du risque, et il s’y créera de belles opportunités, à commencer par celles de recrutement.

 

[1] Etude pour Statista, http://www.statista.com/chart/1900/start-up-founder-salaries-differ-significantly-with-age/

[2] Lean Startup, Eric Ries, 2008

[3] Psychanalyse des contes de fées, B. Bettelheim, Robert Laffont, 1976

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Emmanuel Stanislas est fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement spécialiste du digital et de l’IT