Etiam, Consort NT et Covalia se sont associées en 2012 pour créer un consortium industriel, le consortium ECC, avec pour ambition d’être le premier opérateur de télémédecine en France. L’union fait-elle la force en télémédecine ? Existe-t-il encore une place pour les PME ou les start-ups dans ce domaine en France ?

Tout d’abord, et avant d’en venir au futur de la télémédecine, pouvez-vous nous indiquer où en est le consortium ECC aujourd’hui ? Quels programmes sont lancés ? Quels appels d’offres remportés ?

Particularité : le consortium ECC n’est pas lié à un projet en particulier ou à un appel d’offres spécifique mais est bel et bien une démarche stratégique sur la durée pour nos trois entreprises. De fait, d’autres consortiums existent mais nous sommes le seul à perdurer sous cette forme, à travers des réponses à différents appels d’offres.

Actuellement, nous sommes sur trois projets régionaux. Le premier est celui que nous avons remporté ensemble en mars 2013. Il s’agit d’un programme de télé-AVC en région Rhône-Alpes. Cette solution est actuellement déployée dans 40 établissements et les premiers usages ont démarré en février 2014. Nous sommes actuellement dans une démarche avec la maîtrise d’ouvrage de développement de nouveaux usages et,notamment, dans le contexte médico-social pour fournir une solution de télémédecine dans les EHPAD.

Le deuxième projet, répondu uniquement avec Covalia, est un programme de télémédecine très orienté médico-social sur la région Centre. Nous voyons apparaître aujourd’hui d’autres besoins, en Télé-AVC, télé-expertise, neurochirurgie… Là aussi une quarantaine d’établissements sont équipés, avec des usages qui se développent progressivement.

La difficulté de la télémédecine, dans ce cadre, est de trouver un modèle économique pour financer les offreurs de soins qui vont être principalement des hôpitaux. L’ARS Région Centre a été récemment retenu suite à un appel à projets de télémédecine dans des structures médico-sociales. L’objectif de cet appel à projet est de financer des actes de télémédecine, sur une période de 4 ans, afin de définir des modèles économiques et d’aboutir à une codification des actes.

Le troisième chantier actuel du consortium se porte sur la région Ile-de-France. Nous l’avons remporté à l’été 2013. Il s’articule, dans un premier temps, sur 2 volets : télé-AVC, un sujet très présent en 2013 puisque la prise en charge des AVC en urgence avait été déclarée priorité nationale en 2012 ; et, d’autre part, le remplacement d’une solution de télé-expertise en neurochirurgie.

Au global, nos solutions sont disponibles dans plus de 80 établissements en France actuellement, à fin 2014, ce sont environ 170 établissements qui seront équipés.

Dans le détail, cela représente 42 établissements en Rhône-Alpes, 50 à fin 2014. En région Centre 40 établissements et une centaine à fin 2014. Et, pour l’Ile-de-France, les solutions du consortium commenceront à être déployées courant juin et devraient concerner 20 établissements en fin d’année, une centaine à terme.

Pourquoi un tel rapprochement et pas simplement des alliances au cas par cas, selon les appels d’offres ?

L’idée de s’associer en consortium est tout d’abord née de la nécessité d’une capitalisation sur les projets. Les groupements opportunistes ne nous intéressaient pas.

Nos métiers nécessitent de l’investissement en amont pour avoir des personnes compétentes sur les solutions et assurer la continuité d’engagement, chaque membre du consortium ayant réalisé des développements pour intégrer au mieux les différentes applications.

La télémédecine est devenue un marché très concurrentiel, où l’union fait la force. Il faut être capable d’y produire de réels efforts financiers et la stabilité d’un consortium comme le nôtre est évidemment un point fort. Ce consortium est également possible car nous avons tous les trois, Covalia, Etiam et Consort NT, intérêt à travailler dans la durée pour rentabiliser les investissements de chacun.

D’autre part, le consortium n’a pas d’objectif chiffré en tant que quel. Notre stratégie consiste à répondre ensemble aux différents appels d’offres régionaux en télémédecine et à se donner les moyens d’en remporter le plus possible. Ainsi, les régions Bretagne et Midi-Pyrénées ont lancé des appels d’offres auxquels nous avons également répondu via le consortium.

Pensez-vous à élargir le consortium à d’autres acteurs ? Si oui, de quel type ?

Actuellement nous sommes centrés sur les domaines téléconsultation et télé-expertise. Toutefois, la télémédecine recouvre d’autres domaines. Nous n’excluons pas la possibilité d’élargir le consortium à d’autres partenaires, d’autres compétences.

Au-delà du marché français, pensez-vous que le consortium actuel soit de taille suffisante pour aborder le marché européen ou des marchés internationaux ?

Il est important de noter qu’Etiam est déjà présent à l’international, notamment, en Allemagne, en Amérique du Nord. De notre côté, Consort NT, bien que représentant la société la plus importante du consortium (nous sommes 1 800 personnes), est une société de services française. A terme, une approche sur les pays limitrophes est envisageable. De plus, il est probable que la pratique de la télémédecine amène à proposer des solutions au-delà du périmètre national, des solutions transfrontalières. Des solutions où il faudra tenir compte de nouveaux enjeux d’interopérabilité.

Pensez-vous que l’avenir de la télémédecine en France passe par la constitution de groupes comme le consortium ECC ? Y aura-t-il encore une place pour des PME ou des start-ups sur ce marché dans les années à venir ?

Nous sommes aujourd’hui sur des plateformes régionales avec des usages et des niveaux de services attendus très élevés. Les acteurs ont désormais besoin d’une approche industrielle. Il y a eu beaucoup d’expérimentations réalisées ces dernières années en télémédecine. Aujourd’hui, cette phase est en train de s’achever et nous entrons pleinement dans une phase industrielle.

L’écosystème des sociétés qui proposent des solutions de télémédecine en France est hétérogène. La plupart des éditeurs sont de petites sociétés. Ainsi Covalia compte une vingtaine de personnes, Etiam une quarantaine.

Mettre en place et gérer des déploiements sur des dizaines d’établissements et offrir un service avec une disponibilité 24h / 24, 7 jours sur 7, à 99,9 %, nécessite donc de s’appuyer sur un acteur de taille industrielle.

Les regroupements, les alliances sont donc une nécessité. Dans chaque réponse à un appel d’offres, on trouve un intégrateur de taille industrielle. Pour Consort NT, l’apport au consortium est évident. Il a joué et joue un rôle structurant.

D’une façon globale comment voyez-vous l’évolution de la télémédecine en France ? Le marché va-t-il réellement décoller à court terme, d’ici 1 ou 2 ans, ou faut-il encore attendre ?

Comme je l’ai indiqué, nous sommes dans une nouvelle phase, nous sortons de l’expérimentation pour passer à l’industrialisation. Cependant, il subsiste des points d’interrogation.

De fait, la télémédecine, telle que nous la déployons en région Rhône-Alpes et qui consiste à réaliser des actes de télémédecine entre établissements hospitaliers, ne pose pas de problème de modèle économique, la rémunération des actes étant gérée par des conventions passées entre établissements.

Par contre, la télémédecine avec les établissements médico-sociaux reste complexe puisque les actes de télémédecine n’ont toujours pas de cotation de la part de l’Assurance maladie. Concrètement, un médecin hospitalier qui réalise une téléconsultation pour un patient résidant en maison de retraite ne sait pas se faire rémunérer. C’est d’ailleurs l’objectif de l’appel à projets qui a été lancé auprès des ARS : définir des modèles économiques.

L’avenir est encore difficilement lisible sur ce plan du médico-social. Par contre, il est évident que la télémédecine entre établissements hospitaliers est amenée à croître rapidement dans les 2 à 3 ans à venir. Une large part d’établissements est équipée en équipement d’imagerie – radiologie, scanner, IRM – mais n’a pas forcément sur place, et en permanence, les compétences pour interpréter ces images. Les besoins de télémédecine entre établissements hospitaliers sont encore très nombreux et la majeure partie n’est pas encore satisfaite.

Bien évidemment toutes les régions ne sont pas au même niveau de maturité. L’Ile-de-France a déjà un réseau d’échange d’imagerie médicale, de même que la région Bretagne, le territoire d’origine d’Etiam. D’autres régions sont très avancées. Un vrai réseau de télé-expertise doit donc s’y développer.

 

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Pascal Massu est responsable activité santé CONSORT NT.