Dans un rapport qu’il vient de publier, l’observatoire Paritaire OPIIEC évalue les besoins des entreprises et des fournisseurs en technologie open source et dresse un bilan des filières de formation (Pour consulter cette étude, cliquer ici)

Les perspectives d’utilisation future des technologies Open Source sont fortes en particulier sur les technologies liées aux infrastructures (Linux, Bases de données), mais aussi sur des technologies qui continuent leur expansion (environnement Web, e-commerce, travail collaboratif) et sur des technologies nouvelles entrantes sur des marchés à très forte croissance (cloud, mobilité, big data).

Au sein des entreprises utilisatrices, les informaticiens disposant de compétences techniques représentent en moyenne 1.2 % du nombre de salariés. Il convient, par ailleurs, de noter qu’en moyenne et en complément des informaticiens internes, les entreprises font appel à 0.5 Equivalent Temps Plein (ETP) en plus auprès de prestataires externes. Le nombre de salariés informaticiens par entreprise utilisatrice en France est donc en moyenne 1,7 % du nombre de salariés de l’entreprise.

Au sein des fournisseurs du secteur informatique et télécoms, le schéma est très différent dans la mesure où le métier de ces sociétés est précisément de proposer des prestations de services, des logiciels ou des matériels informatiques pour les entreprises utilisatrices. Au sein de ces fournisseurs, l’enquête nous montre que 77 % des salariés interviennent sur des prestations informatiques (développement et intégration, conseil IT, infrastructures et télécoms, support …).

Tous les acteurs reconnaissent aujourd’hui l’importance générale prise par les technologies open source. Près de 4 entreprises sur 5 interrogées déclarent utiliser au moins une technologie Open Source de manière intensive, régulière ou occasionnelle :
– Serveurs Web : Apache, Tomcat, openLDAP ;
– Base de données : mySQL, PostgreSQL, MariaDB, NoSQL ;
– Linux (RedHat, Suse, Debian, Ubuntu…) ;
– Messageries : Thunderbird, Zimbra, Zarafa, OBM, Bluemind… ;
– Langages orientés web: PHP, Java, Javascript, HTML5.

Toutefois, l’open source ne couvre pas encore de nombreux domaines ou environnement applicatifs :

– Dans l’informatique de gestion, le manque de compétences des équipes, la recherche d’automatisation ou la fiabilité insuffisante de certaines solutions open source ne permettent pas le déploiement massif de ces dernières

– Dans l’informatique embarquée, le manque de solutions existantes, le modèle économique retenu, les besoins de certification à remplir, la provenance des sources ou encore les problématiques de propriété intellectuelle limitent l’utilisation des technologies open source.

Open source en trois niveaux de maturité

On distingue trois catégories de technologies selon les durées d’usage :

– Les technologies Open Source matures : elles sont majoritairement liées aux infrastructures avec une utilisation depuis plus de 5 ans. On y trouve principalement Linux, les bases de données, les environnements réseaux, la sécurité, certains environnements Web mais aussi les messageries.

– Les technologies Open Source en phase d’expansion : On trouve dans cette catégorie principalement des technologies autour du e-commerce, de la gestion de contenu ou encore des frameworks ou des langages de développement

– Les technologies Open Source nouvelles entrantes : Elles sont principalement liées à de nouvelles approches ou de nouveaux usages : cloud (OpenStack, OpenNebula, CloudStack, etc.), du big data (hadoop) ou de l’orchestration ou de la supervision (KVM, Puppet, etc.)

Evaluation des compétences

Le niveau actuel des compétences tant chez les fournisseurs que chez les utilisateurs varie sensiblement selon l’environnement technologique concerné. Ainsi :

– Concernant les logiciels d’infrastructures, les solutions bureautiques ou les systèmes d’exploitation, l’ensemble des sociétés interrogées (fournisseurs et Utilisateurs) considère majoritairement que les compétences sont suffisantes ou très suffisantes

– Dans les environnements Web ou les solutions de communication, les entreprises interrogées se répartissent de manière sensiblement égales entre celles qui déclarent que leurs compétences sont suffisantes et celles qui estiment que leurs compétences ne sont pas suffisantes

– Enfin, les compétences sont majoritairement jugées insuffisantes par l’ensemble des personnes interrogés dans les progiciels de gestion et dans le décisionnel

L’Open source dans les filières de formation

En 2011, ce sont près de 40 000 nouveaux diplômés disposant de compétences informatiques qui sont arrivés sur le marché du travail. Peu d’établissements en France sont aujourd’hui présentés comme spécialisés autour du logiciel libre (5 aujourd’hui sur la totalité des établissements d’enseignements supérieurs en France, 6 en 2014)

Le logiciel libre souffre encore auprès des étudiants d’une image d’environnement réservé aux « bidouilleurs ». La désaffection générale en France pour les matières très techniques ainsi que la crainte des étudiants d’être catalogué, poussent les établissements à ne pas promouvoir les approches trop techniques, de crainte de ne pas recruter suffisamment de candidats. Pour autant, s’il n’y a que 5 diplômes « étiquetés » logiciel libre, les établissements sont beaucoup plus nombreux que cela à en assurer la formation et dans certains cas la promotion active.

La majorité des établissements n’a pas de stratégie ou de dogme quant aux logiciels propriétaires ou libres car les établissements ont souvent en tête de former à des approches, des méthodologies de conception et de développement informatiques valables le plus longtemps possible et non à des technologies moins durables. Pour autant, les technologies libres sont plus présentes en termes d’infrastructures d’enseignement pour les raisons suivantes:

– La maturité de certaines offres (Linux, Eclipse par exemple) donne des garanties très fortes en termes de pérennité, de sécurité, pour un coût total très compétitif

– il faut noter que le coût reste un critère discriminant mais surtout en termes d’administration car les éditeurs ont des tarifs de licence « éducation » très peu onéreux

– Les environnements libres correspondent à des standards du marché

Parmi les enseignements, seuls certains domaines très spécifiques (électronique, temps réel, etc.) ne sont pas abordés via les technologies libres. La plupart des établissements estime que propriétaire et libre ne s’opposent mais loue les bénéfices pédagogiques des logiciels libres. Une grande partie des environnements des établissements permettent des dual boot Windows / Linux.

Dans la majeure partie des cas, la technologie pour réaliser les projets étudiants est laissée au libre choix de ces derniers. Les établissements demandent néanmoins que les projets développés fonctionnent dans l’environnement de l’université ou de l’école, comme dans un environnement professionnel.

Certains établissements poussent également les étudiants à poursuivre leur formation et leur projet via des travaux externes. Le fonctionnement des communautés du libre est en ce sens bien plus simple à gérer pour les formations.

Des situations très différenciées

Il n’existe pas de formation type en informatique en France. Le positionnement des différents établissements analysés fait en effet apparaitre des programmes très variés, tant sur la forme que sur le fond :

– Les écoles d’ingénieurs, en particulier, ont vocation à former des étudiants disposant certes d’une spécialisation mais aussi d’une large culture générale scientifique. A ce titre, le poids des enseignements technique est faible dans certaines formations quand les enseignements théoriques ou transverses sont renforcés (Polytechnique par exemple)
– Les universités n’hésitent pas pour leur part à développer des formations parfois bien plus spécialisées

L’ensemble des établissements interrogés s’accordent quant à la progression continue qu’a connue l’open source depuis plusieurs années. A ce titre, elles estiment :

– Que l’open source a de plus en plus sa place sur le marché et pour les entreprises, en particulier dans le domaine des infrastructures mais aussi pour tout ce qui concerne les nouveaux projets, les nouveaux usages liés à la mobilité et l’innovation ;
– Que les approches hybrides (propriétaires/open source) sont amenées à se renforcer ;
– Que des modèles économiques se sont développés autour de l’open source mais que l’écosystème doit continuer à se structurer ;
– Que dans certains domaines, les offres d’open source ne sont pas encore suffisamment mures (systèmes critiques, embarqué par exemple.

 

 

Les 7 préconisations l’OPIIEC
1. Développer un module de formation à destination des entreprises sur les stratégies d’innovation et le développement de nouveaux usages via le logiciel libre ;
2. Développer des modules de formation et de perfectionnement à destination des acteurs du secteur IT sur les technologies associées aux segments en forte croissance (e-commerce, mobilité, data center, cloud, big data …) : Linux, Apache, Java, Tomcat, NoSQL, Hadoop, OpenStack… ;
3. Mettre en place un groupe de réflexion sur une stratégie de certification des compétences autour de technologies clés de l’Open Source ;
4. Développer un module de formation / perfectionnement à destination des fournisseurs du secteur IT sur les méthodes spécifiques aux problématiques d’intégration ;
5. Identifier les communautés Open Source les plus actives et inciter les étudiants à travailler au sein de ces communautés, en étant accompagnés par des professionnels ;
6. Développer des modules de formation sur des technologies de volume (infrastructures, développement web…) et des mécanismes de reconversion aux informaticiens spécialisés sur des technologies obsolètes ;
7. Renforcer les programmes de communication existants et développer de nouvelles approches permettant d’attirer les étudiants vers des formations techniques.