L’économie numérique se voit partout, même dans les statistiques…

L’US Bureau of Analysis (BEA)[1] va publier pour la première fois des statistiques de PIB dans lesquelles la R&D sera considérée comme un investissement et non comme une dépense et le logiciel sera pris en compte dans une nouvelle catégorie baptisée « produits de propriété intellectuelle ».

Ces changements qui peuvent paraître anecdotiques permettent en fait de « faire mieux correspondre les statistiques du PIB à la réalité économique » explique le cabinet McKinsey dans un récent article intitulé Measuring the full impact of digital capital.

Le capital numérique regroupe deux types de ressources. D’abord les actifs matériels tels que serveurs, routeurs, plates-formes d’e-commerce, logiciels d’infrastructure… Ceux-ci sont considérés comme investissement en capital dans les livres de comptes. Ensuite, les actifs immatériels qui revêtent plusieurs dimensions : toutes les interactions rendues possibles grâce aux outils collaboratifs et aux réseaux sociaux, l’intelligence qui enrichit les plates-formes de e-commerce, les ressources liées au big data, les business models adaptés à l’économie numérique, les marques… Et les seconds prennent de plus en plus d’importance note le cabinet McKinsey. Aux Etats-Unis, ils représenteraient désormais les deux-tiers du capital numérique.

Et les principes comptables les considèrent comme des dépenses et non comme des investissements ce qui signifie que leur financement n’est pas reconnue comme du capital. Alors que le cabinet McKinsey rappelle qu’il avait remarqué depuis longtemps l’existence d’une relation entre l’importance des actifs immatériels, la productivité des entreprises et la croissance de l’économie des pays.

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Le Cigref qui regroupe les DSI des grandes entreprises françaises a lancé un programme de réflexion sur ces différents sujets. Il vient notamment de publier un rapport sur La contribution de l’IT à l’innovation : facteurs constitutifs des démarches d’innovation.

Dès les débuts de l’ère du Web, les analystes et les économistes n’ont pas manqué de faire la comparaison avec les grandes innovations intervenues au cours de l’histoire et dans certains cas de les revisiter à l’aune de cette dernière évolution. Il a fallu du temps pour que ces innovations aient un impact visible sur la productivité. Il a également fallu beaucoup de temps aux entreprises pour comprendre comment le moteur pouvait améliorer les processus, augmenter la productivité et stimuler l’innovation.

On ne sait que trop que l’électricité n’a pas été découverte en cherchant à améliorer la bougie. Mais on sait aussi que la première a eu un impact bien plus important sur la vie quotidienne et l’économie que la seconde. Au fur et à mesure des innovations, le délai entre la découverte de l’innovation et sa pleine application dans l’économie s’est singulièrement réduit.

Il n’aura fallu qu’une quinzaine d’année à l’économie numérique là où il aura fallu 80 ans à la machine à vapeur pour augmenter la productivité dans les mêmes proportions, 40 ans pour l’électricité et 20 ans pour les technologies de l’information et de la communication conventionnelles (en gros l’informatique pré-internet).

Ce qui peut être considéré comme une évidence ne peut que donner raison aux responsables politiques de favoriser les investissements dans le très haut débit et les infrastructures Internet. Ceux-ci présentent une forte corrélation avec le capital numérique dans sa globalité. Evidemment, comme l’identification et la mesure des actifs immatériels est un exercice difficile, les entreprises peuvent être tentées de ne pas s’y intéresser et rater ainsi de grandes opportunités. Par exemple, nombre d’entre elles n’ont réalisé que très récemment qu’elles pouvaient capitaliser sur les interactions avec leurs meilleurs clients pour favoriser l’innovation et la recherche de nouveaux produits et services ou utiliser les données inutilisées et dormantes dans les systèmes de stockage pour affiner leur stratégie business.

L’idée fausse selon laquelle les résultats liés essentiellement aux investissements en capital pourrait compromettre leur croissance en les poussant à ne pas investir suffisamment dans leurs compétences numériques.



[1] Le BEA est l’agence fédérale qui produit l’ensemble des statistiques économiques nationales, y  compris le PIB. C’est un peu l’équivalent de l’INSEE en France.