L’écosystème infrastructure, particulièrement  bousculé, doit faire face à un risque violent. Existe-t-il des recettes pour faire face au tsunami ?

Après 20 années d’expérience dans l’infrastructure, le Cloud est la troisième rupture que j’observe : elle bouleverse notre industrie et son écosystème. Les deux premières ruptures, le client-serveur et le web n’avaient pas, à mon avis, la même intensité transformationnelle.

Ici, elle va toucher tous les agents de la chaine de valeur en même temps: nous y sommes, tout bouge au même moment. Commençons tout d’abord par un bref rappel des quatre forces qui sont à l’œuvre:

#1 > Pour la nouvelle génération et les «startup » l’infrastructure n’existe plus

La génération startup consomme avec gourmandise les services clouds et par conséquent l’infrastructure sous-jacente – avec leurs cartes bleues.

Cela est inscrit dans leur ADN,  une véritable génération « consommation d’usage » donc. C’est aussi un état d’esprit : la simplicité, la rapidité, le meilleur prix sont les déterminants de cette génération spontanée.

Inutile de leur parler de serveurs et de stockage : ils vivent avec des services et des applis comme Google, Evernote, Dropbox, Prezi etc.

Parlez-leur de sécurité : c’est toujours inutile – ce n’est pas un sujet de préoccupation. Pour l’instant, ils font leurs courses dans le grand supermarché de l’IT pour créer – au plus vite – le prochain Netflix.

#2 > En matière de hardware, la valeur disparaît derrière les standards

Les infrastructures se standardisent et disparaissent derrière des couches d’abstraction. Pour n’en nommer que quelques-unes : OpenStack, Software Defined network (SDN), Software Defined Storage ,Open Compute etc.

C’est tellement prégnant que CISCO  vient de mener une étude sur l’impact du SDN, pouvant potentiellement faire diminuer son business, passant ainsi de 43B$ à 22B$…

Amazon de son côté, vient d’opter pour une solution standard, faisant ainsi plier les plus grands acteurs du réseau sur un deal de 1B$, en choisissant une solution SDN / Hardware standard.

Google et Facebook font leurs propres  serveurs. En termes de stockage, ce qui fait la différence sur le marché du cloud, c’est bien le stockage DAS avec des solutions logicielles type Scality, Cleversafe ou Swift…

#3 > Le PaaS et l’ultra low cost font la tenaille

Les fournisseurs de service se multiplient. Les opérateurs de télécommunications historiques contrôlant les tuyaux et détenant des datacenters sont les premiers à être entrés dans le jeu, en répliquant le modèle Amazon dans une stricte perspective IaaS.

SFR notamment,  a créé son Cloud en 2009 – j’y ai un peu participé ! Orange a suivi…

Pourtant, les seuls à vraiment tirer leur épingle du jeu sont, d’un côté Amazon, Google, Azure et  de l’autre OVH, Free avec leur modèle « full internet carte de crédit». Dans tous les cas, cela respecte les critères numériques.

C’est très simple et très rapide – donc très automatisé – mais avec deux positionnements différents. Très « valeur » avec un fort positionnement PaaS pour Amazon, Google, Azure et tout l’outillage nécessaire pour fabriquer les applications en automatisant de bout en bout leur cycle de vie, du développement à la production.

Très « prix » pour OVH qui, en construisant ses serveurs, offre une alternative low cost efficace et sans concession.

#4 > Pour les éditeurs, çà SaaS ou ça casse

Comme le note l’ADFEL dans son rapport « Etudes des spécificités du marché du SaaS en France», le passage vers le Cloud pousse les éditeurs à se transformer en opérateur de services.Cette transformation est lourde car elle change complètement leur modèle opérationnel. L’éditeur ne se contente plus de vendre sa solution mais doit assurer son déploiement et son exploitation continue pour ses clients. Ce nouveau modèle suppose :

  • La mise en œuvre d’une infrastructure performante et sécurisée, capable de desservir tous les clients quelle que soit leur localisation ;
  • La mise en place d’une cellule d’exploitation, assurant la supervision de la solution et garantissant sa disponibilité en continu ;
  • La mise en place d’une cellule de support pour les utilisateurs de ladite solution.

Dans cette perspective, quel sera le partenaire préféré de l’éditeur qui évolue vers le SaaS : un distributeur traditionnel ou un fournisseur d’énergie numérique respectant les canons de beauté du Cloud ?

Alors comment faire pour le réseau traditionnel des intégrateurs d’infrastructure ?

Face à ces quatre forces, dire que le réseau de partenaires, distributeurs, VARs et acteurs de proximité doit se réinventer, tient de l’évidence.

Après être passé de la stricte distribution à un modèle d’intégrateur de la technologie dans les années 2000, les partenaires traditionnels devront muter de nouveau pour être à la fois intégrateur des technologies et fournisseurs de services Cloud pour les 10 prochaines années.

Mais comment faire pour trouver sa place dans un nouveau monde si loin de leurs bases ?

La bonne nouvelle c’est que les entreprises cherchent des partenaires Cloud. Si le terme, trop largement utilisé pour désigner des objets de nature très différente  – d’Amazon EC² à salesforce.com en passant par dropbox ou instagram –  ne nous donne pas vraiment de trajectoire, il nous offre pourtant quelques indices :

  • le cloud est avant tout un accès à un service de ressources informatiques de toutes natures.
  • il s’expose au travers d’un portail  de type « self-service » et d’un catalogue de services.
  • les services proposés doivent être entièrement automatisés, leur usage mesuré donnant éventuellement lieu à une facturation.

Contrairement à une idée largement répandue, le cloud n’est pas seulement la consolidation et/ou la virtualisation de serveurs voir uniquement la mise à disposition d’infrastructure « IaaS ».

Dans un contexte de Cloud Privé, hybride ou communautaire il est impératif que les services soient entièrement intégrés à un SI avec l’automatisation de l’ensemble des tâches nécessaires à leur mise en œuvre, à leur opération, pour atteindre simplicité, agilité et juste coût.

Vous l’aurez compris, pour les acteurs de l’infrastructure, le challenge va bien au-delà de la technologie : transformer les ressources, changer les attitudes et trouver de nouveaux leaders pour mener le changement.

Penser  « nuage d’à côté »

A mon avis, trois aspects sont au cœur de ce changement : organisation/ ressources, processus/ systèmes et choix de la technologie :

  • Organisation et ressource : il faut privilégier la création d’un modèle type « commando », autonome, voir filialisé – dans certain cas. Cette équipe devra inclure le Management, la Vente, l’Avant-Vente, les Technologues, le marketing et autres fonctions essentielles pour faire fonctionner une « Business Unit » ou équivalent.                                                                                                                                                                                                                                      Il est important d’avoir des équipes ouvertes, capables de créer, de« pitcher »,  d’impacter – de travailler ensemble, de s’adapter à un marché dynamique et mouvant, mais surtout capables de prendre des risques et résistantes aux échecs.
  • Processus et système : ici il faut repenser les systèmes de facturation, de recouvrement, de litige, qui sont inhérents aux services du Cloud, à l’instar des opérateurs télécom qui connaissent très bien et opèrent dans le monde de l’OPEX, la facturation Carte Bleue, la facturation de petits montants en très grand volume, la facturation à la consommation…
  • Technologie : il faut privilégier les systèmes ouverts et interopérables, des technologies qui permettent une expérience client avec la promesse de baisser les coûts, devenir plus agile et de rajouter des nouvelles fonctionnalités.

Plusieurs fournisseurs de service l’ont bien compris. Ils développent ce que j’appelle le « nuage d’à côté » en jouant la proximité et en s’équipant des meilleures technologies pour avoir tout des grands : du self-service, de l’automatisation de bout en bout, du IaaS, du PaaS de l’hybride.

Tout cela avec la connaissance de leurs clients et une aptitude à embrasser les problématiques legacy et cloud en même temps.

Probablement un modèle à suivre…

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Olivier Hemmer est Directeur Inside Sales d’HP France

Cet avis d’expert est issu d’un article publié initialement sur le blog Cloud-experience.fr le 16 janvier 2014.