L’année 2015 a définitivement sonné le glas du Cloud à la français, le projet de Cloud souverain lancé par le Gouvernement en 2009. Après la reprise de Cloudwatt par Orange en début d’année, c’est donc le deuxième projet Numergy, qui était placé sous procédure de sauvegarde déjà depuis le mois d’octobre, qui a finalement été racheté par Numericable-SFR au mois de décembre.

De l’avis des professionnels de l’IT en France, le projet de Cloud souverain de l’Etat était un échec prévisible car il ne s’est pas fait sur la base d’une réflexion pragmatique incluant par exemple des consultations auprès des vrais experts qui font le marché, les entrepreneurs, etc. Ce projet a vu le jour grâce à des financements importants de l’Etat et sur la base de grandes annonces politiques, mais sans véritable réflexion, ni cap clairement défini.

Techniquement, l’une des raisons des échecs des Cloud Souverain est la maturité du marché des revendeurs de Cloud. Les offres Cloud sans services complémentaires sont généralement rares, les clients s’orientent naturellement vers des intégrateurs ou des hébergeurs proposant des services infogérés. De même beaucoup de clients adoptent un modèle de Cloud hybride pour plusieurs raisons (conservation d’anciennes applications, contraintes liées aux licences des éditeurs, performances, sécurité etc… ). Les modèles de Cloud hybrides comportent des serveurs ou environnements physiques dédiés et des ressources Cloud sur des environnements mutualités (VM, stockage etc…). Les Cloud souverains ne pouvaient pas répondre à cette demande du marché avec un modèle basé exclusivement sur un réseau de revendeurs et sur des machines virtuelles. De même qu’ils n’ont pas toute la richesse de ce que peuvent proposer certains gros offreurs de Cloud (Amazon, Google, Microsoft, etc.). Nous pouvons donc expliquer cet échec par une inadéquation entre l’offre et la demande.

Néanmoins, on remarque que les demandes des clients sur des environnements mutualisés augmentent progressivement chaque année avec cette notion d’un paiement à l’usage de la ressource informatique. Les entreprises ne veulent plus payer de la ressource informatique qui n’est pas utilisée. Elles ont aussi besoin d’être réactives et d’aller vite, avec un besoin de ressources informatiques immédiat pour déployer des nouveaux projets. C’est généralement avec ces nouveaux projets, que les entreprises font le choix de prendre du Cloud avec un paiement à l’usage pour être réactives et agiles, avec cette possibilité de tout arrêter si le nouveau projet ne prend pas.

Avec l’augmentation de ce besoin, toutes les entreprises de services ou hébergeurs historiques ne peuvent pas proposer, ou s’adapter à ce modèle économique. Récemment, Claranet ou encore le français Linkbynet ont annoncé vouloir se recentrer sur leur coeur de métier, le service, et devenir revendeurs d’offres Cloud Amazon pour être capables de répondre à la demande de leurs clients pour continuer d’opérer leurs services. Nous pouvons imaginer que beaucoup d’entreprises feront ce choix avec l’abandon progressif du marché de serveurs physiques tels qu’on le connait aujourd’hui. Des alternatives à Amazon deviendront donc une nécessité avec un marché des revendeurs de Cloud beaucoup plus matures et cela d’ici 5 à 10 ans.

Le Cloud souverain vs la réalité de l’entreprenariat en France

A l’inverse de ce projet, la réalité du terrain est que les entrepreneurs se lancent généralement avec peu d’argent et font leurs preuves avant de communiquer. Des entreprises comme OVH ou Free sont de très bons exemples de réussite. En tant qu’entrepreneurs aujourd’hui, nous avons le sentiment que les politiques ne connaissent pas assez nos problématiques, notre travail, et nous attendons qu’ils nous accordent une vraie confiance plutôt que de tenter de se substituer aux entrepreneurs, comme pour ce projet de Cloud souverain. Nous attendons du Gouvernement très simplement qu’il favorise l’émergence des technologies « clés » pour la souveraineté française ou européenne en simplifiant la vie des entreprises, par des incitations fiscales claires et très simples, en favorisant le choix de technologies Françaises là où elles sont clairement compétitives face aux offres étrangères et cela notamment dans toutes les administrations, ou encore en favorisant l’existence d’une culture entrepreneuriale et économique dès l’école…

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Georges Lotigier est président du groupe Scalair