L’Europe est-elle en train de décrocher face à ses grands concurrents américains et asiatiques. C’est ce que pense un dirigeant européen sur deux.
Dans la 14e édition de son Digiworld, l’Idate met en évidence le décrochage du Vieux Continent dans le mobile (L’Europe décroche dans le mobile). Une situation dommageable et d’autant plus regrettable que l’Europe a été le berceau des technologies mobiles et que, faute de politiques adaptées à l’échelle du Continent, les opérateurs locaux ont perdu du terrain face à leurs grands concurrents américains et asiatiques.
Cette fois, il ne s’agit plus seulement du mobile mais de l’ensemble des technologies numériques pour lesquelles plus personne n’a de doute sur le rôle stratégique dans la croissance et la transformation des modèles économiques dans leur secteur d’activité dans un futur proche.
Les dirigeants d’entreprises reconnaissent le rôle stratégique du numérique dans la croissance européenne, mais estiment que l’Europe sera devancée par les États-Unis et la Chine dans le développement de ces technologies, révèle une étude d’Accenture.
Les décideurs interrogés se montrent relativement optimistes sur les perspectives de croissance en Europe. Cela malgré les prévisions du FMI qui fixent un taux deux fois inférieur à celui de l’ensemble des pays développés. Le résultat des élections de dimanche apporte d’ailleurs un réel correctif révélant une nouvelle fois une certaine inquiétude dans l’ensemble des citoyens européens.
Compétitivité et numérique constitue désormais un attelage de plus en plus serré avec des interactions de plus en plus fortes. Et sur ce point, les responsables d’entreprises sont assez pessimistes sur la position de l’Europe en matière de numérique face aux Etats-Unis et à la Chine, les deux grandes zones concurrentes du Vieux Continent.
Face aux Etats-Unis, le retard qu’accuse l’Europe devrait diminuer dans les trois ans à venir : ils sont 61 % aujourd’hui, ils ne seraient plus que 53 % en 2017. Face à la Chine, on observe le mouvement inverse à savoir que 30 % seulement des responsables d’entreprises considère que la Chine devance l’Europe dans le développement et l’utilisation du numérique, ils seront 51 % dans trois ans. Evolution assez paradoxale et surprenante lorsqu’on observe la domination américaine en matière de numérique que ce soit en édition de logiciels, sur l’Internet ou dans le domaine des services IT. Christian Nibourel, président d’Accenture France Benelux commente : « La Chine perfectionne actuellement ses capacités numériques, mais les entreprises européennes ne doivent pas sous-estimer le dynamisme et la capacité d’innovation des États-Unis, qui pourraient leur permettre de conserver leur avantage sur l’Europe en matière de compétitivité numérique ».
Les forces des Etats-Unis sont connues : présence internationale des sociétés américaines incluant les entreprises du numériques, la capacité d’innovation, le système d’enseignement supérieur, la capacité d’entreprendre et le dynamisme du marché intérieur.
Technologies numériques : pour faire quoi ?
Mais au-delà de l’avance globale en matière de numérique se pose la question de l’utilisation des technologies. L’étude d’Accenture souligne les répercussions immédiates et profondes attendues par les responsables d’entreprises européennes sur leurs secteurs d’activité. 62 % des répondants estiment que le numérique modifiera considérablement ou transformera complètement les modèles économiques dans leur secteur au cours des 12 prochains mois, et près des deux tiers (63 %) craignent que leur clientèle ne se tourne vers la concurrence s’ils n’opèrent pas leur transition technologique dans l’intervalle. Pourtant, leurs investissements numériques ont davantage pour objectif de dégager des gains d’efficacité (60 %) que de se servir des technologies numériques pour transformer les produits et les services (40 %).
Pierre-François Kaltenbach, directeur de l’activité conseil en Stratégie d’Accenture France, met en garde : « Le numérique contribue certes à dégager des gains d’efficacité et à réduire les coûts, mais se polariser exclusivement sur ces résultats, c’est minimiser la capacité de ces technologies à stimuler la croissance. Le numérique permet d’actionner deux des principaux leviers de la compétitivité : la productivité et l’innovation. Les entreprises devraient donc orienter une part plus conséquente de leurs dépenses actuellement réalisées dans le numérique vers des initiatives sources de croissance et inscrire ces technologies au cœur de leurs stratégies commerciales. »