Chacun sait à quel point le cloud a révolutionné l’activité des entreprises. A l’heure où des applications sont développées à une vitesse record, très peu de budgets sont aujourd’hui alloués aux systèmes informatiques traditionnels. Les directeurs informatiques, directeurs financiers et autres directeurs de divisions assouvissent leurs besoins d’architecture de nouvelle génération, à base de services cloud notamment, en optant pour le principe de l’abonnement. L’agilité est le mot d’ordre, sachant que presque chaque semaine de nouveaux modèles économiques apparaissent.
Cette révolution ne concerne pas seulement les activités des organisations qui en sont les utilisatrices finales. La croissance et l’adoption du cloud a conduit à une évolution structurelle systématique du canal de distribution, doublée du besoin de diversifier et d’augmenter les capacités de sorte à inclure les services administrés, les services professionnels et les solutions de cloud. De fait, le canal de distribution a beaucoup changé en cinq ans, et sera d’autant plus méconnaissable dans les cinq prochaines années.
Sa configuration était auparavant simple : les revendeurs revendaient du matériel, les prestataires extérieurs offraient leurs services d’externalisation, les intégrateurs de systèmes synthétisaient du matériel avec des processus, et ainsi de suite. Avec l’arrivée du cloud dans les années 2000, il est toutefois apparu clair que ce modèle ne pourrait perdurer éternellement.
Aujourd’hui, les ressources informatiques, tant matérielles que logicielles, se sont émancipées du carcan du « sur site ». Les interfaces utilisateurs simplifiées et les offres de service sur abonnement permettent à tout un chacun, en entreprise, d’utiliser facilement des ressources de cloud . Mais parce que les entreprises stockent leurs données dans des clouds publics, le modèle économique du revendeur s’en voit érodé.
Cependant, il y aura toujours un marché pour les infrastructures informatiques locales privées, même si ces dernières se voient combinées à des infrastructures et à des services de cloud publics au sein d’architectures hybrides. Or pour conserver la partie publique de cette configuration, les revendeurs doivent évoluer afin de se muer en fournisseurs de services. Environ deux tiers d’entre eux se préparent activement à opérer cette conversion. Près de la moitié prévoient de se doter de l’infrastructure de services ad hoc, tandis que l’autre moitié compte revendre celle d’un autre fournisseur.
Ces bouleversements n’affectent pas uniquement les revendeurs puisqu’ils concernent chaque maillon du canal. Les distributeurs, par exemple, se muent de plus en plus en agrégateurs de services cloud, créant des catalogues de services qu’ils vendent aux revendeurs et à d’autres fournisseurs de services. Mais dans les faits, ils pénètrent sur le nouveau marché créé par les revendeurs puisque leur but est de revendre des services plutôt que du matériel.
Les fournisseurs de services se classent généralement dans deux catégories : la première, qui doit son existence au cloud, vend uniquement des services. Ces fournisseurs constatent que le modèle de vente directe qu’ils utilisaient jusque-là limite leur rayon d’action. Résultat, ils le transforment en modèle de vente indirecte qui les met sur un pied d’égalité avec un vendeur. Ce modèle indirect leur permet aussi de bâtir des infrastructures rapidement, ce qui représente un avantage pour rester compétitif au sein d’un écosystème informatique dont l’évolution est rapide.
Les fournisseurs de services appartenant à la seconde catégorie ont évolué de la même manière suite à des changements au sein de leur industrie. L’exemple le plus frappant se situe dans les télécoms mobiles : contraints de se muer en fournisseurs de services en raison du déclin du marché de la voix, ils ont réussi à générer des revenus en fournissant des prestations informatiques de type « Infrastructure-as-a-Service » et « IT-as-a-Service » à leurs clients professionnels.
Les intégrateurs de système et les fournisseurs de services externalisés ont dans le même temps compris la nécessité d’évoluer avec l’avènement des offres cloud. Sachant que les services sont proposés pour des plates-formes sur site ou hors site – dans des proportions qui varient souvent –, ces professionnels doivent gérer ces services avec la responsabilité de fournisseurs de services complets. Si cette évolution semble aller de soi, on constate par ailleurs qu’un grand nombre d’intégrateurs systèmes et de fournisseurs de services externalisés se transforment en revendeurs, ce qui est moins évident.
Le canal de distribution a amorcé une transformation totale : les frontières sont moins marquées et chacun doit faire preuve de polyvalence en proposant un peu de revente, un peu de provisionnement de services et un peu de distribution. Je suis prêt à parier que d’ici 5 ans, les cartes seront encore rebattues pour ces professionnels. Les vendeurs travailleront simplement avec ceux qui seront leurs « partenaires », la seule différence étant que leurs modèles de vente auront été légèrement repensés. Ces partenaires tendront de plus en plus à unir leurs forces autour de projets, dans la mesure où aucune entreprise ne sera capable de satisfaire la totalité des demandes d’équipement dont la liste s’allongera en permanence.
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Philippe Fossé est VP Channel EMEA, EMC