Si l’on connaissait déjà le CTO pour Chief Technology Officer, c’est aujourd’hui un nouveau poste de CTO (pour Chief Talent Officer) qui mobilise l’attention des entreprises. Ce responsable des Ressources Humaines dans un sens élargi gagne en visibilité, plaçant de ce fait la notion d’expérience collaborateur au centre des stratégies de transformation des organisations.

Le Chief Talent Officer semble être, certes, une version remodelée de la fonction DRH ; toutefois, les missions qui sont les siennes soulignent à quel point les organisations prennent progressivement conscience que leur ressource la plus importante demeure… leur capital humain. Ce capital réclame aussi de nouvelles attentions, plus en phase avec la transformation de l’entreprise et les défis qui se présentent à elle.

Optimiser l’expérience collaborateur grâce au CTO

Dans ce contexte, pourquoi ne pas s’inspirer des efforts menés par les entreprises pour optimiser le « parcours client » (tracking, analyse, optimisation) et développer, cette fois, la notion d’expérience collaborateur ? Pourquoi ne pas observer et mettre en perspective le parcours d’un collaborateur dans l’organisation et ce, depuis son entrée, voire dès son premier contact pris en tant que candidat ? En suivant attentivement son évolution, en enquêtant sur ses motivations, ses besoins, (lesquels peuvent, en partie, être anticipés), il devient alors possible de fluidifier son parcours au sein de l’entreprise. L’enjeu est particulièrement crucial en ce qui concerne les jeunes recrues, soucieuses de « vivre une expérience » et non plus seulement d’« avoir un job ». Il en va de même pour les cadres digitaux en poste, dont on attend qu’ils évoluent avec l’entreprise et ce, tout en les fidélisant.

Favoriser le partage pour casser les silos

De fait, donner à la RH une plus grande visibilité est devenu un enjeu stratégique. Les technologies se sont banalisées et le paysage des organisations a changé : des équipes éclatées, le recours au télétravail ainsi que de nouvelles méthodes de management ont fait exploser les approches traditionnelles de la gestion des talents et du déroulement de carrière. Privilégier l’expérience collaborateur s’impose. L’avènement du CTO va de pair avec cette dynamique qui vise, in fine, à favoriser le partage et l’innovation dans l’entreprise ; c’est à dire : faire en sorte que les projets puissent être appropriés de manière volontaire (et non plus de façon descendante dans une organisation figée en silos). Puisqu’on leur demande d’être dans une démarche d’apprentissage permanent, les collaborateurs doivent pouvoir s’attendre à une forme d’attention et un accompagnement qui soient adaptés à leur besoin d’évolution.

Comment devenir une entreprise apprenante ?

En effet, ce sont toutes les entreprises qui sont aujourd’hui mises au défi de devenir « apprenantes » ; elles ont compris que pour cela, il était nécessaire d’attirer les jeunes talents, mais aussi, urgent de ne plus laisser leurs cadres seniors sans formation ni contact avec les jeunes recrues. Car celles ci, détentrices des compétences digitales, les emportent avec elles lorsqu’elles quittent l’entreprise et le plus souvent… sans les avoir transmises. Dans ce contexte, le rôle d’un CTO est aussi de créer un climat de confiance qui mette fin aux réticences, (notamment en faisant accepter aux managers que leurs N-1 puissent être « plus sachants » qu’eux).

Une nouvelle visibilité pour la fonction RH

Encore peu de DRH figurent au Comité de direction aussi trop de décisions essentielles sont-elles prises en son absence : faut-il recruter un bataillon de CDI pour renforcer ses compétences data ? Ou bien faut-il faire appel à quelques experts au profil hybride et à la personnalité magnétique  – on parle de profils « aimants » – qui soutiendront la curiosité et la motivation des équipes et sauront attirer d’autres talents ? Etc. Rappelons que la fonction du DRH est historiquement peu valorisée en France ; dans un pays où les PME l’emportent en nombre (139 500 PME recensées par l’INSEE en 2017), son image est trop souvent associée à celle d’un responsable-paie monté en grade. Or, une étude de l’APEC[1] menée sur 10 ans d’offres d’emploi, montre que sa fonction a considérablement évolué, portée par la transformation digitale des entreprises et de nouveaux outils collaboratifs. Si l’on rapproche cette évolution de l’apparition du rôle de CTO, on est en droit d’espérer une prise de conscience : il est temps de revaloriser la fonction RH et lui donner la visibilité qu’elle mérite !

 

[1] Évolution de la fonction RH à travers les offres d’emploi de l’APEC – Octobre 2017

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Emmanuel Stanislas est fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement spécialiste du Digital et de l’IT.