Même si certains le considère comme une forme de divertissement destinée aux enfants ou aux adolescents, le jeu vidéo s’impose comme un marché large et sophistiqué. La France compte à elle seule plus 35 millions de joueurs réguliers*. Les concepteurs de jeux y sont d’ailleurs considérés non seulement « parmi les esprits les plus innovants du secteur des technologies » mais aussi comme « des artistes et des créateurs qui continuent à repousser les limites du divertissement ».
Le secteur du jeu vidéo n’est pas si facile. Les entreprises de tous les secteurs d’activité peuvent apprendre de cette industrie innovante qui s’appuie sur les données. Toute personne étrangère au monde du divertissement peut tirer des leçons de ce que font les développeurs et les entreprises spécialisés dans le jeu vidéo pour rester en avance sur la concurrence, attirer davantage d’utilisateurs et améliorer la rentabilité.
Une harmonie entre innovation et objectivité
Une des façons pour les développeurs de repousser les limites du jeu consiste à exploiter davantage les données. Traditionnellement, le développement d’un jeu ou d’une mise à jour relevait plus de l’artistique que du scientifique, dans la mesure où les concepts sont le fruit du travail de créatifs, qui prennent des décisions clés selon leur expérience et leur instinct. Aujourd’hui, les équipes créatives sont aidées par des données stratégiques recueillies auprès des joueurs et d’autres sources.
Prenons comme exemple le développeur allemand Aeria Games. L’entreprise publie des jeux en ligne gratuits appréciés par 70 millions de joueurs. Cela représente beaucoup de données, parmi lesquelles le temps passé en ligne par les joueurs, l’implication des joueurs à divers moments du jeu ou les achats intégrés.
Prenons le jeu S4 League. L’équipe pensait que les gains majeurs tels que de nouvelles armes ou de l’argent utilisable en jeu plaisaient davantage aux joueurs. Mais en visualisant la grande quantité de données à leur disposition, ils ont rapidement appris que les joueurs étaient plus intéressés par les vêtements, la couleur des cheveux, etc. ; des éléments qui permettent de personnaliser l’expérience de jeu. La société a réagi en conséquence en créant davantage d’options d’accessoires.
Avec cela en tête, les entreprises peuvent exploiter des données afin de repousser les limites créatives (en essayant des approches différentes et en concevant de nouvelles campagnes), tout en s’assurant que les résultats seront mesurés.
Un terrain vaste de coopération
Les experts du secteur prônent la collaboration et l’élimination des cloisonnements depuis un certain temps, mais cette philosophie ne doit pas se restreindre aux quatre murs de votre entreprise. Prenez par exemple LightBox Interactive, une petite entreprise de jeux vidéo. Elle a créé un jeu de science-fiction de style western intitulé Starhawk et publié par Sony. Le directeur exécutif Dylan Jobe a déclaré à VentureBeat que la société avait « observé l’évolution du secteur du jeu vidéo et la montée de Zynga, qui s’attachait à étudier les analyses de ses jeux sociaux pour les améliorer immédiatement en fonction de ses découvertes ».
Lors des tests bêta de Starhawk, LightBox a entre autres examiné ses données utilisateur et les données du forum, et a utilisé ces informations pour ajuster les armes et corriger les problèmes plus rapidement qu’elle ne l’avait fait pour les versions précédentes. Tout cela repose sur l’approche guidée par les données. LightBox a utilisé les données pour étendre le champ de la collaboration et travailler de concert avec ses propres joueurs.
D’autres entreprises peuvent suivre le même chemin et faire tomber le « quatrième mur » du monde commercial en étant à l’écoute de leurs propres clients et en apprenant de ces derniers.
Une écoute automatique du client
Il est important de se rappeler que cette collaboration doit être permanente. Il ne s’agit pas, par exemple, d’un sondage ponctuel. L’entreprise Aeria Games, mentionnée ci-dessus, utilise un logiciel d’analyses visuelles pour passer au crible des centaines de gigaoctets de données provenant directement des joueurs. Et elle le fait en temps réel.
Dans le même ordre d’idée, la nouvelle norme pour les entreprises de jeu consiste à développer un prototype sans chercher à atteindre la perfection, puis de le mettre à disposition du public pour recueillir des commentaires en temps réel et apporter des améliorations au fur et à mesure.
Blizzard, qui est à l’origine de jeux populaires comme World of Warcraft et Starcraft, a récemment publié la version bêta d’un nouveau jeu appelé Overwatch. Bien que la version bêta elle-même soit intéressante, il est fort à parier que Blizzard l’utilise également pour améliorer le jeu et encourager encore davantage les ventes.
Les sociétés évoluant dans d’autres secteurs doivent adopter une approche similaire, en utilisant des informations en temps réel pour offrir des réponses et des améliorations rapides.
La limitation des dommages
Imaginons qu’une société de jeux vidéo ait eu une nouvelle idée de génie. Ses employés sont ravis, développent une version bêta et commencent à tester le jeu : l’engagement, les commentaires des utilisateurs et la monétisation.
Bien qu’il s’agisse là des meilleures pratiques, elles ne constituent pas une recette miracle. Parfois, bien qu’ayant fait tout ce qu’il fallait en ce qui concerne la collaboration, la créativité ou encore les données, le portrait que ces dernières dressent n’est malheureusement pas attrayant. Le jeu n’est pas populaire. Il n’est pas rentable. L’implication des joueurs ne s’améliore pas. Vos efforts ne changent rien.
Dans ce cas, il est temps de limiter les pertes et de passer à quelque chose de nouveau. Écouter vraiment signifie répondre à ce que l’on entend. Et entendre ce qu’on n’a pas envie d’entendre est souvent le plus difficile.
Le secteur du jeu vidéo est un modèle, car il réussit à prendre des décisions basées sur les données qui influencent l’expérience du joueur et les résultats financiers. Au sein d’un marché de plus en plus concurrentiel et confrontées à des quantités de données de plus en plus importantes, les entreprises ont beaucoup à apprendre de ce secteur qui ne relève plus du simple amusement.
*Etude S.E.L.L. (Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs), Octobre 2015
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Edouard Beaucourt est Directeur France & Europe du Sud, Tableau Software