Face au danger permanent d’une compétition mondiale exacerbée, l’important, pour paraphraser un proverbe asiatique, n’est pas de courir plus vite que le tigre de la concurrence globale, mais juste plus vite que son voisin. Dans un monde où le digital facilite plus que jamais l’accès à l’information, c’est essentiellement sur le terrain du savoir et donc des compétences que se joue cette compétition. En d’autres termes, plus la transition digitale se concrétise dans la vie des entreprises, plus elle exige d’elles et de leurs collaborateurs une capacité à s’adapter constamment. Dans cette économie de la connaissance, la valeur ajoutée d’une entreprise ne repose plus tant sur ce qu’elle possède, ou sur ce qu’elle sait déjà. Elle dépend de sa capacité à en apprendre toujours plus sur son environnement, et à transformer ces nouveaux savoirs en produits ou en services innovants pour ses clients. Et il est à noter que cette valeur ajoutée d’innovation de l’entreprise rejaillit instantanément sur chacun de ses collaborateurs, celui-ci se trouvant crédité de la même capacité d’innovation que l’entreprise à laquelle il appartient.

L’apprentissage plutôt que le savoir

Plus que les connaissances, ces entreprises apprenantes renouvellent leur manière d’aborder les problèmes. Et parce qu’il n’y a pas d’entreprise apprenante sans collaborateurs apprenants, c’est à ce niveau qu’il convient d’entamer la réflexion. La première étape consiste en un changement d’état d’esprit qui doit se refléter à la fois dans l’organisation et dans les moyens qu’elle se donne. L’entreprise apprenante est celle qui accepte de sortir de sa zone de confort, et surtout celle qui sait encourager ses collaborateurs à faire de même, qui leur donne confiance dans leurs capacités d’apprentissage et souhaite leur développement personnel sans aucune arrière-pensée. Dans une entreprise apprenante, les collaborateurs sont autorisés à prendre des risques, quitte à se tromper, à condition de partager ce qu’ils ont appris au passage. Ils sont également autorisés à sortir de leur domaine initial de compétences pour former, avec d’autres, des groupes d’expertise transverses qui reflètent les défis auxquels l’entreprise est confrontée. Ces prises de responsabilités et de risques peuvent aussi être récompensées dans une organisation flexible qui aura su faciliter et même encourager la mobilité interne.

Le collaborateur plutôt que la fonction

L’entreprise apprenante est celle qui place l’enrichissement des compétences de ses collaborateurs au centre de sa stratégie de développement. Elle a su se libérer de la crainte de voir ces collaborateurs partir à la concurrence avec les connaissances qu’ils ont accumulées. Au contraire, elle s’inscrit dans un partenariat gagnant-gagnant avec ses collaborateurs. Elle mise sur l’envie de chacun de continuer une aventure où il se retrouve parce que chaque nouvelle connaissance apporte autant de valeur ajoutée à l’entreprise qu’au collaborateur lui-même. Longtemps tabou, le développement de l’employabilité devient un pilier stratégique pour une entreprise apprenante. Outil de fidélisation des collaborateurs, il est aussi ce qui lui permet de s’adapter plus rapidement à des métiers nouveaux, ou de combiner avec agilité des compétences existantes pour en former une nouvelle. Dans ce nouveau mode d’organisation, les frontières traditionnelles entre métiers et services tendent à disparaître pour former un tout cohérent au service des valeurs portées par l’entreprise.

Le mouvement plutôt que les structures

Ce qui caractérise simultanément les entreprises apprenantes est qu’elles sont en reconfiguration permanente au service de leurs clients et des attentes du marché. Dans un contexte de compétition globale, rien ne doit venir freiner cette agilité d’évolution, et surtout pas les rigidités organisationnelles héritées du passé. Il s’agit de faire circuler plus rapidement l’information, d’en faciliter le partage de façon flexible et au moment voulu. Les entreprises agiles et apprenantes sont aussi celles qui ont su réinventer leurs espaces de travail. Elles s’appuient sur les technologies digitales pour permettre aux collaboratrices et aux collaborateurs de se concentrer sur l’information qui est partagée et non pas sur les moyens de ce partage. Elles peuvent concrétiser en quelques clics une idée de réorganisation sans devoir, par exemple, organiser le déménagement d’équipes trop éloignées les unes des autres.

Libérer les énergies

Les entreprises apprenantes sont en définitive celles où tout est réuni pour que les énergies soient enfin libérées. Les collaborateurs sont libres de prendre des risques et de sortir de leur domaine de compétence. Ils sont même encouragés à le faire par une politique volontariste de formation et de mobilité interne qui sait s’affranchir des frontières traditionnelles entre les métiers ou les cursus de formation initiale. Ils évoluent enfin dans un environnement de travail qui favorise la créativité en éliminant les contraintes logistiques de la collaboration et du partage d’information. Ces trois leviers activés, l’organisation est en pleine capacité de se concentrer sur ce qui importe, la manière de servir au mieux ses clients. Elle peut porter haut des valeurs d’entreprises d’autant plus fortes et vivantes qu’elles sont mises en actes au quotidien et partagées par tous.

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Elie Choukroun est Président de Ricoh France