Contexte géopolitique oblige, la souveraineté est plus que jamais à l’agenda de tous les DSI. Notre « Invité de la Semaine » nous permet de mettre un coup de projecteur sur l’un des grands défenseurs européens de la souveraineté numérique et du cloud européen, NextCloud. Son fondateur et CEO, Frank Karlitschek, est l’invité exceptionnel de Guy Hervier.
Nextcloud propose une suite complète de partage de fichiers, messagerie, visioconférence et édition de documents… mais en version 100 % auto-hébergée, pour les organisations qui veulent garder la main sur leurs données et limiter leur dépendance aux clouds américains.
Son CEO et fondateur, Frank Karlitschek, est notre invité alors que l’actualité de Nextcloud en France est particulièrement dense : la Région Île-de-France vient de généraliser, avec Leviia (et Worldline), une suite collaborative souveraine basée sur Nextcloud pour plus de 550 000 élèves, enseignants et personnels, intégrée à la plateforme monlycée.net. Un projet très emblématique de la montée en puissance des exigences de souveraineté numérique, de protection des données des mineurs et de sortie progressive des solutions Microsoft dans l’éducation.
Dans le même mouvement, Nextcloud a réuni cette semaine à Paris plusieurs dizaines de DSI, RSSI et responsables du secteur public pour la troisième édition du Nextcloud Enterprise Day Paris, organisé à la veille de l’Open Source Experience. L’événement met au centre les enjeux de collaboration souveraine, de conformité réglementaire et de résilience face aux géants du cloud.
La visite de Frank Karlitschek sur le plateau d’InformatiqueNews est l’occasion de présenter la stratégie et le positionnement de Nextcloud, de revenir en détail sur le projet Île-de-France et le rôle de Leviia et de Worldline, de tirer les enseignements du Nextcloud Enterprise Day parisien et du nouveau partenariat stratégique signé avec l’intégrateur open source Smile, qui vient renforcer encore l’écosystème français de l’éditeur.
La souveraineté est désormais un sujet d’architecture, pas un débat d’idées souligne d’emblée notre invité de la semaine. « Comment l’Europe peut devenir plus indépendante ? Comment pouvons-nous contrôler notre futur numérique, notre destin numérique ? Qui a les données, qui détient l’accès aux applications ? » interroge-t-il, en faisant explicitement le lien avec les tensions autour des dépendances technologiques et la montée du sujet au plus haut niveau politique européen.
Nextcloud, fondée en 2016, se positionne comme une plateforme de collaboration « comparable à Microsoft 365 ou Google Workspace », mais avec un parti pris radical : « la solution est complètement open source… et vous pouvez vraiment l’héberger vous-même où vous voulez ».
Partage de fichiers, messagerie, visioconférence, contacts, calendrier, édition de documents… l’ambition est de couvrir les usages collaboratifs modernes sans renoncer au contrôle de la donnée, un point que Frank Karlitschek juge particulièrement décisif en Europe : « avec Nextcloud, vous pouvez garder vos données en local ».
Derrière l’image d’un éditeur « allemand », Nextcloud revendique une réalité plus distribuée : « l’organisation est vraiment internationale… et la France est aujourd’hui notre second plus grand marché ». Le modèle open source joue ici à plein, avec une communauté qui pèse autant que l’entreprise elle-même : « il y a aussi une communauté de volontaires de partout dans le monde ». Au total, des milliers de personnes contribuent à l’évolution de la solution, dans un fonctionnement décrit comme « très démocratique », où l’écosystème et les usages orientent l’évolution des fonctionnalités.
Au-delà du projet emblématique en Île-de-France, notre invité constate une dynamique plus large avec le secteur public : il confirme des déploiements en cours avec le ministère de l’Éducation nationale, déjà « quelques centaines de milliers d’utilisateurs » et un objectif qui pourrait monter « jusqu’à 1,2 million » – côté enseignants et administration -, avec une ambition de bascule « en un an ou deux » selon le rythme du ministère.
L’occasion de rebondir sur l’un des sujets les plus concrets pour les DSI : la sortie des suites américaines. Sur ce point, Frank Karlitschek rappelle qu’aujourd’hui, la migration est un savoir-faire déjà éprouvé sur de grands comptes et des administrations. « La migration des fichiers est assez simple », explique-t-il, et « la migration du SharePoint au Nextcloud est presque triviale ».
En revanche, « la migration des équipes vers Nextcloud Talk peut s’avérer un peu plus délicate à orchestrer » et nécessite une conduite du changement et un accompagnement souvent assuré par les intégrateurs et ESN partenaires de NextCloud.
Impossible en 2025 d’éviter la question IA. Nextcloud revendique une approche cohérente avec son ADN : « tout est open source, tout est local ». Résumé d’e-mails, génération de réponses, transcription et comptes rendus d’appels, traduction, génération de documents… les fonctions existent, mais l’architecture compte davantage que la démo : « dans le backend, vous pouvez choisir où fonctionne l’IA », y compris « complètement localement » dans le SI (avec les GPU nécessaires) ou via des offres européennes. Nextcloud mentionne des partenariats IA en Europe avec OVHcloud notamment et confirme l’intégration possible de Mistral via un connecteur.
Enfin, le CEO assume une ligne politique pro-open source : « la régulation peut faire partie de la solution, mais ne suffit pas. L’enjeu est de construire une industrie de l’open source en Europe ». Et il conclut sur une idée simple : la souveraineté numérique ne se gagnera pas pays par pays, mais « en tant qu’Europe ».





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