D’une manière générale, le nombre d’accès en fibre optique ou en terminaison en câble coaxial était en 2015 en proportion plus faible dans les entreprises (7% des accès) que chez les clients résidentiels (13%) constate l’Arcep dans une étude consacrée aux télécommunications dans les entreprises. Un résultat qui masque des réalités bien différentes selon la taille de l’entreprise. Ainsi, les grandes entreprises sont majoritairement équipées d’au moins un accès en fibre optique, tandis que les petites entreprises se contentent d’accès ADSL ou SDSL. Des offres qui ne sont pas très différentes de celles proposées aux particuliers. Les TPE/PME n’ont d’ailleurs généralement pas envie de changer pour une offre plus chère. Ainsi, en 2015 à peine un accès sur onze était vendu en fibre optique (+1 point par rapport à 2014). « D’une manière générale, les entreprises dépensent de moins en moins pour les services de télécommunications », constate l’Arcep qui rappelle que les entreprises ont dépensé 4,2 milliards d’euros pour la téléphonie et les accès internet fixes, un chiffre en recul de 4,6%.
Toutefois, les choses pourraient changer assez rapidement. Tout d’abord, le gouvernement et l’Arcep souhaitent mutualiser la téléphonie des entreprises avec le réseau fibre grand public afin de réduire fortement les coûts et rendre ces offres plus abordables.
Un autre facteur poussant au changement pourrait être la qualité de plus en plus médiocre de certaines lignes ADSL, particulièrement dans les zones rurales ou semi-rurales.
Dans ces zones, les patrons comptent sur la fibre pour leur permettre d’exercer leur activité dans de bonnes conditions (voir ci-dessous). Ils ne sont toutefois pas prêt à dépenser beaucoup plus.
Des petites entreprises paralysées
« Nous avons identifié un incident réseau dans votre quartier. Vos services sont perturbés ou interrompus suite à un incident sur le réseau Orange. Nous prévoyons un rétablissement complet au plus tard le XX/XX/XXX à XX:XX. Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée », voilà le message que découvrent régulièrement une bonne partie des abonnés de l’ex-canton de Saint-Sever dans le Calvados (désormais canton de Vire) sur la page « Suivi Panne » de l’opérateur. Depuis le mois de novembre, le réseau a été indisponible une douzaine de jours. Ce fut notamment le cas pendant les fêtes de Noël et de Nouvel An. « On nous oblige à faire nos formalités en ligne mais nous n’avions pas de connexion internet le 31 décembre pour faire nos déclarations de fin d’année », se plaint cette responsable d’une exploitation agricole du canton. « Aujourd’hui tout passe par internet, par la dématérialisation. Mais on ne nous donne pas les moyens de travailler correctement », estime le maire de Saint-Aubin des Bois, Jean-Claude Trochon. « Nous sommes même privés de téléphone », ajoute cet ancien chef d’entreprise. Pendant la période des fêtes il était ainsi quasiment impossible de contacter une administration, de joindre sa famille ou, ce qui est plus grave, d’appeler le médecin. Bien sûr il y le téléphone portable. Malheureusement dans cette zone au relief accidenté, certaines zones sont mal couvertes. Et les choses s’aggravent quand tout le monde se précipite sur son smartphone pour communiquer avec l’extérieur, saturant ainsi la faible bande passante disponible.
Ce n’est pas le moindre des paradoxes : seuls quelques irréductibles qui n’ont pas basculé leur téléphonie vers Internet ne sont pas coupés du monde. Et servent à l’occasion de cabine téléphonique pour leurs voisins.
Inutile de dire que dans le canton, la fibre est attendue comme le messie. Mais elle se fait désirer, et ne devrait pas arriver avant quelques années. En attendant, outre les pannes, un autre problème empoisonne la vie des abonnés : le débit dégradé qui plafonne rarement à plus de 400 Kbit/s en débit ascendant et descend même quelquefois aux environs des 50 Kbits/s. Difficile dans ces conditions de travailler en ligne. « Lorsque des candidats à l’installation viennent me voir, ils me demandent généralement s’il y a du haut débit », explique Jean-Claude Trochon. « Avec le débit que nous avons il est difficile de convaincre une famille avec des adolescents ou un jeune qui veut démarrer son entreprise de s’installer chez nous. Et dire que nos gouvernants parlent de combler la fracture numérique. En ce moment elle s’aggrave. »
La dégradation de la bande passante est un problème qui touche également d’autres régions que le Calvados. Ainsi à Trélivan dans les Côtes d’Armor, les habitants de certains hameaux ont constaté que le débit s’est réduit au fil du temps. Plusieurs centaines d’abonnés se plaignent ainsi d’un débit sinusoïdal de 0,5 à 1,33 Mbps et ont remis une pétition à leur maire pour qu’il remédie à cette carence.
Malheureusement, les maires ont peu de pouvoir, sinon celui de faire remonter l’information vers les collectivités locales et les opérateurs. Il ne faut pas trop compter sur ces derniers pour déployer de la fibre dans les zones non urbaines.
Désormais entreprise privée, Orange est mû par une logique purement comptable et souhaite rentabiliser ses investissements, ce qui est impossible dans les zones peu denses. Propriétaire du réseau cuivre, l’opérateur historique ne souhaite pas investir dans un réseau appelé à s’éteindre rapidement. Mais comme il le commercialise auprès d’autres opérateurs, il y s’y accroche.
Seule possibilité : les réseaux d’initiative publique. Mais leur déploiement est lent pour des raisons économiques notamment. Une fois déployés se pose ensuite le problème de leur commercialisation. « Tous les opérateurs ne souhaitent pas utiliser les réseaux publics », raconte Jean-Yves Guérin, DGA en charge de l’aménagement numérique du Calvados. « Nous travaillons donc avec des opérateurs plus petits. Une fois le réseau déployé, tout le monde ne souhaite pas changer d’opérateur. Les gens demandent aujourd’hui des offres triple play avec en plus de la téléphonie mobile. Les petits opérateurs n’ont pas des tarifs très compétitifs. Il faut qu’ils fassent des offres intéressantes. »
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