La transformation digitale de l’économie a beau être dans tous les esprits, elle peine encore à se traduire dans les faits. Selon le dernier baromètre digital de l’ACSEL, si 85% des PME et ETI affirment avoir déjà amorcé leur transformation digitale, plus de la moitié d’entre elles avouent que cette stratégie est encore en devenir, et plus important encore, elles sont presque autant à reconnaître qu’elles ont besoin de conseil et d’accompagnement du changement pour y parvenir. Pourtant, le contexte n’a sans doute jamais été si favorable. La plupart des technologies de digitalisation des processus métiers ou de relation client sont désormais stables et mâtures. Et dans leur grande majorité, elles sont désormais disponibles sur le cloud au travers d’une multitude de solutions conçues pour quasiment toutes les tailles d’entreprise.
Pour autant, cette étude, comme d’autres, s’inquiète du risque de fracture entre des entreprises ayant à la fois les moyens et la volonté de se transformer et d’autres qui ne parviendraient pas à lever les freins à cette transformation, qu’il s’agisse des résistances au changement en interne, de la réticence des clients, des enjeux de sécurité des données ou encore du manque de compétence en interne. La différence se lirait déjà dans les chiffres. Selon le même baromètre, les entreprises digitalisées afficheraient une croissance 4 fois plus durable que celles qui n’y sont pas encore parvenu.
Un sentiment de grande complexité
Qui interrogerait les entreprises en difficulté de Transformation Numérique, et cela serait aussi valable pour nombre de grands groupes employant plusieurs dizaines de milliers de personnes, serait surpris de voir prédominer un sentiment de grande complexité, même sur des sujets relativement simples, comme la dématérialisation du courrier. Très fréquemment, les services ou les fonctions métiers pour lesquelles cette dématérialisation constituerait un levier évident de productivité ignorent qu’il est possible d’adapter cette technologie à leur besoin.
Tout aussi souvent, ces mêmes équipes expriment une grande incertitude, sinon une angoisse, quant au devenir de l’information digitalisée, comme si elles devaient en perdre plus surement le contrôle sous sa forme digitale que lorsque le document papier est envoyé au troisième sous-sol pour archivage après avoir navigué quelques semaines de dossier en dossier et de bureau en bureau. Face à ces questions, répétons-le, toutes les réponses technologiques existent. Mais dans la pratique, il faut bien se rendre compte qu’elles sont invisibles, ou quasiment invisibles, pour la majorité des dirigeants et des décideurs métiers dans les entreprises.
Dans la plupart des cas, les entreprises face à une multitude de solutions et de fournisseurs ont en effet tendance à sauter une étape majeure, celle qui consiste à chercher à comprendre l’importance de l’information, sa valeur ajoutée, pour aller directement à la recherche de solutions susceptibles de faire gagner en productivité. D’où des démarches en silos, aux résultats parfois contradictoires du point de vue de la fluidité informationnelle.
Partenaires de l’agilité informationnelle
A leur décharge, les entreprises, et elles le réclament d’ailleurs fortement, manquent singulièrement d’accompagnement et de conseil sur la manière d’aborder et de poursuivre leur transformation numérique. Mais encore faut-il s’entendre sur ce que l’accompagnement et le conseil signifient dans ce cadre. Bien sûr, il existe des situations complexes où un audit approfondi de la structure informationnelle de l’entreprise est indispensable. Mais il y a un bien d’autres cas où une information claire, synthétique, sur ce que chaque technologie permet et sur la manière dont elle s’articule avec les autres, suffirait largement à permettre aux dirigeants des entreprises de faire un choix informé.
Cet enjeu de synthèse de l’information, ou plus exactement de pédagogie des technologies et des solutions, échoit directement aux fournisseurs et éditeurs de solutions. Ils ont à s’investir au-delà de leur expertise technologique pour mieux comprendre les besoins spécifiques de chaque secteur d’industrie et accompagner plus efficacement les entreprises dans leur stratégie de digitalisation. L’expertise qui leur est demandée ici n’est plus tant informatique qu’informationnelle. Ils ont à devenir des partenaires de l’agilité informationnelle des entreprises, la technologie n’étant plus que l’un des éléments de cette agilité. Il y a aujourd’hui un véritable enjeu, pour les fournisseurs, à sortir d’un modèle économique fondé sur la vente de solutions pour aller vers la co-construction d’applications répondant précisément aux besoins des métiers, en fonction de la taille de l’entreprise et de son activité.
A ce sujet, l’association Xplor lors de l’édition 2017 de Documation, animera quatre sessions de débat sur les rapports technologies vs métiers pour éclairer les entreprises. En effet, le risque, si l’industrie ne relève pas ce défi, est de voir se concrétiser une fracture qui n’est pour l’instant que potentielle, entre des entreprises qui auront su s’orienter et se préparer à la révolution qui s’annonce et ceux qui n’auront pas eu les moyens d’en mesurer toute l’ampleur. Un seul chiffre donne la mesure du défi à venir : dans les cinq années à venir, selon IDC, le volume d’information, et avec lui la rapidité et la simplicité des échanges, va croitre plus vite en cinq ans qu’il ne l’a fait depuis les débuts de l’humanité.
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François Gouverneur est membre du Conseil d’Administration d’XPLOR et Président de Valeurs Stratégiques