Les acteurs de la chaîne logistique peuvent-ils faire émerger une nouvelle intelligence urbaine ? La logistique urbaine constitue un écosystème complexe dont les intérêts de chaque partie prenante sont souvent difficiles à concilier. Pour beaucoup, le respect de l’environnement et la rentabilité sont considérés comme antinomiques, les livraisons multiples et la fluidité du trafic en ville ne font pas bon ménage et enfin, la rapidité et le coût de transport sont, malheureusement pour le destinataire final, intimement liés l’un à l’autre. Alors, existe-t-il des solutions pour que plus aucun grain de sable ne vienne perturber la mécanique de précision qu’est la logistique urbaine ? Les villes et les communautés de communes se penchent désormais très sérieusement sur le problème avec les difficultés administratives – voire même politiques – inhérentes à ce genre de projets. En parallèle, de plus en plus de prestataires logistiques prennent des initiatives et cherchent à intégrer la logistique des derniers kilomètres le plus harmonieusement possible à la qualité de vie urbaine.

Réinventer les livraisons en ville

Vu globalement, le problème est compliqué mais, la solution est à notre portée ! Il convient de s’organiser, de communiquer les uns avec les autres et de déployer de meilleurs systèmes d’information. Les exemples novateurs ne manquent pas… Ils sont en passe de devenir les standards de demain.

Pour répondre aux enjeux environnementaux du développement durable des villes, les transports multimodaux se multiplient »
Depuis plusieurs années l’approvisionnement des magasins Monoprix de Paris intra-muros se fait d’abord par voie ferroviaire (depuis les entrepôts de la marque jusqu’à une vaste plate-forme logistique dédiée à Bercy) puis par véhicules roulant au gaz naturel et équipés d’un dispositif anti-bruit. Pour prolonger la démarche, les clients de l’enseigne sont livrés par de petits véhicules électriques.

Pour sa part, Franprix (Groupe Casino) livre ses magasins du centre de Paris par la Seine : une innovation majeure issue d’une coopération avec Norbert Dentressangle, Ports de Paris et Voies Navigables de France.

Pour limiter les entrées de véhicules en ville et améliorer la fluidité, les hubs urbains jouent la carte de la mutualisation des moyens »

Avec la mise en place de son Centre Multimodal de Distribution Urbaine, le Grand Lille disposera, à terme, d’une zone de 8 hectares (au Port de Lille) dédiée aux multiples activités logistiques. Ouvert à toutes les parties prenantes, cet espace permet d’organiser et de massifier les transports de différents produits et différentes marques vers le centre-ville. Dans cet esprit de mutualisation, Sephora et son partenaire logistique Deret ont déployé une importante flotte de véhicules électriques : l’objectif est de mutualiser les livraisons depuis des centres de distribution communs et de faire circuler ainsi des camions pleins.

« À cause du e-commerce, les livraisons de colis se multiplient. Grâce à lui, les systèmes évoluent et s’améliorent »

La rapidité, la qualité et la simplicité de la livraison est un facteur essentiel de la décision d’achat et de fidélité des internautes. C’est pourquoi Fabien Esnoult a créé Colizen, aujourd’hui appartenant à Géopost, un système de livraison à la carte qui permet de choisir un créneau horaire resserré pour éviter attente et déplacements supplémentaires. Les marques (Nespresso, Aquarelle.com, Mister Good Deal, Smart Box…), comme les clients, plébiscitent la formule. Une grande partie de la réussite du service repose sur son système d’information qui lui permet de gérer de manière fine des tournées urbaines extrêmement contraintes. La multiplication des livraisons en ville pousse à repenser les schémas transport en boucle complète, pour dynamiser la revalorisation des aliments invendus et autres gravats de chantiers, cartons ou palettes.

Vers une logistique urbaine vertueuse

L’organisation des tournées, le choix de transports adaptés, la mutualisation des moyens, le développement d’Espaces Logistiques Urbains, l’exploitation de l’Open Data constituent de véritables leviers pour améliorer la fluidité du trafic urbain, le confort pour les destinataires (professionnels et particuliers) et diminuer les nuisances sonores et polluantes.

Certains acteurs de l’immobilier entrent désormais dans ce cercle vertueux en intégrant dans leurs projets tertiaires ou résidentiels de centre ville des espaces dédiés à la logistique. Les villes du futur disposeront ainsi de city hubs ou d’hôtels et plates-formes logistiques se fondant totalement dans le paysage urbain, comme il en existe déjà à Paris (Beaugrenelle, 18ème) ou à Marseille.

La logistique urbaine est en pleine évolution. Les nouvelles technologies web et de mobilité proposent quotidiennement des solutions innovantes. La ville devient intelligente et connectée à ses acteurs, nous entrons dans l’ère de la « smart-city ». Dans ce re-engineering urbain, chaque partie prenante doit pouvoir s’exprimer afin que la communauté puisse concevoir les solutions qui bénéficieront à tous et où chacun trouvera son équilibre économique. C’est la clé de ce changement indispensable.

 

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Isabelle Badoc est responsable de la gamme GCS de Generix Group