Le gouvernement français par l’intermédiaire des ministères de l’économie et des finances, a mis en place depuis avril 2015 une mesure d’incitation fiscale appelée dispositif de suramortissement. Destiné à favoriser les investissements productifs des entreprises (plus globalement achat et modernisation des outils de production, machines et équipements industriels, etc.), le suramortissement permet aux entreprises de bénéficier d’un avantage fiscal exceptionnel permettant de déduire de leur résultat imposable 40 % du prix de revient des biens acquis.
Initialement mise en place pour un an, du 15 avril 2015 au 14 avril 2016, la mesure a été prolongée d’une année supplémentaire, jusqu’au 14 avril 2017.
La mesure a été étendue aux réseaux de fibre optique et aux matériels informatiques
L’annonce faite par le ministère des finances s’est concentrée sur cette extension de la mesure pour une année supplémentaire, mais très peu sur son élargissement aux industries numériques et à l’acquisition de nouveaux équipements, notamment dans le cadre du Plan France Très Haut Débit et plus particulièrement pour les réseaux de communication par fibre optique et les serveurs informatiques. Cette nouveauté ouvre pourtant des opportunités très intéressantes à un grand nombre d’entreprises souhaitant accélérer leur transformation numérique puisqu’elle leur permet d’investir dans leur infrastructure informatique, outil industriel majeur dans l’économie numérique actuelle.
Cet aménagement du dispositif est une initiative très pertinente pour favoriser la croissance et est en phase avec les besoins réels des entreprises. Mais encore faut-il que le dispositif soit connu des entreprises qu’il est censé cibler… Deux mois après l’élargissement du dispositif, force est de constater que peu d’entreprises et de Directeurs Administratifs et Financiers – les préconisateurs de telles mesures fiscales au sein de l’entreprise – en ont entendu parler. Une communication plus visible sur le dispositif permettrait réellement à plus d’entreprises d’en bénéficier.
Le dispositif apparaît donc comme une opportunité pour les entreprises qui souhaitent franchir le cap du numérique, et pour la croissance liée aux nouveaux usages digitaux.
Dans une étude récente (menée dans 10 pays dont la France), Cisco révélait d’ailleurs que pour 69 % des cadres, la transformation numérique est « très importante » pour la stratégie de croissance actuelle de leur entreprise.
Mais dans les faits, la transformation numérique des entreprises françaises se fait lentement, et cela malgré les avantages et les opportunités indéniables offerts par le numérique : nouvelles sources de revenus via des services web innovants, optimisation de la relation client, de la gestion des stocks, etc. La raison de cette transition lente vers le numérique se trouve souvent dans la peur des menaces de sécurité, souvent synonyme de méconnaissance des risques. Mais avec une incitation financière forte soutenant l’investissement dans du matériel adapté et performant, de sécurité entre autres, permettant la mise en place progressive de nouveaux outils digitaux, un grand pas peut être fait.
Cet élargissement de la mesure aux équipements informatiques et aux réseaux de fibre optique doit permettre aux entreprises d’investir plus facilement dans des équipements pour développer de nouveaux services, et au final favoriser la croissance liée au numérique en France.
L’aménagement de la mesure concerne les biens suivants :
- Les appareils informatiques prévus pour une utilisation au sein d’une baie informatique, quelles que soient leurs modalités d’amortissement :
– Serveurs informatiques rackables
– Serveurs de stockage et autres équipements de sauvegarde rackables
- Matériels de réseau rackables (notamment les commutateurs, switches, pare-feu, routeurs)
- Matériels d’alimentation électrique et de secours d’alimentation électriques rackables (notamment les centrales d’alimentation, les onduleurs)
- Les machines destinées au calcul intensif (« super calculateurs ») et acquises de façon intégrée.
– Les logiciels lorsqu’ils sont indissociables d’un matériel lui-même éligible
Un gain financier conséquent pour les entreprises
Le suramortissement est une mesure exceptionnelle d’amortissement supplémentaire sur les investissements industriels, permettant aux entreprises d’amortir les biens acquis à 140 % de leur valeur. L’avantage fiscal porte donc sur la possibilité pour la société de déduire de son résultat imposable 40 % du prix de revient de ce bien. Ce gain se matérialise par une économie d’impôt – c’est à dire une économie théorique d’environ 13,33 % (40 %* taux IS 33,1/3%)
Autre point intéressant pour les entreprises qui échelonnent leurs investissements dans le temps, l’aménagement de la mesure s’applique aux biens acquis, fabriqués, aussi bien qu’aux biens pris en crédit-bail ou en location avec option d’achat.
Pour illustrer la mesure, prenons un cas pratique :
Une PME numérique soumise à l’impôt sur les sociétés (33,1/3 %) achète au 1er janvier 2017, des serveurs prévus pour une utilisation au sein d’une baie informatique, d’un prix de revient total de 300 000 euros. Cet équipement est amortissable sur 8 ans. L’économie engendré par la mesure de suramortissement est de 40 000 euros étalés sur 8 ans.
Le détail du calcul est le suivant : 300 000 euros (prix de revient) * 40 % (taux suramortissement) * 33,1/3 % (IS) est égal à 40 000 euros soit 5 000 euros par an.
Les entreprises ont une année pour profiter de cette mesure, rétroactive pour les investissements réalisés depuis le 14 avril 2016. Faute d’une vraie communication sur le sujet, les sollicitations vont se faire progressivement, alors que les vendeurs de matériels tiennent un argument commercial fort, qui ne devrait plus leur échapper très longtemps. En d’autres termes, le suramortissement est une mesure financièrement intéressante pour tout le monde. Profitons-en.
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Arnaud Meyer-Poujol est Directeur Administratif et Financier Newlode Group et Vice-Président DFCG Avenir IdF