Le gouvernement souhaite restreindre les effets nocifs du web mais au même moment, des groupes de hackers étrangers, à priori djihadistes, s’en prennent, pour l’instant, à des centaines de petits sites mal protégés. Les attentats terroristes de la semaine passée en région parisienne qui ont fait 17 morts ont engendré une suite de réactions en chaine qui transforment désormais une petite partie du Web en un vrai champs de bataille.
Bernard Cazeneuve, le ministre de l’intérieur, (photo dans une réunion avec des représentants du culte musulman) précisait dimanche 11 janvier à la suite d’une réunion de 11 ministres de l’intérieur européen : » S’agissant d’internet, nous sommes là aussi déterminés à faire en sorte qu’il demeure un espace de libre expression, mais dans le respect rigoureux des lois. Nous devons lutter en effet contre l’usage dévoyé que font d’Internet toutes les organisations terroristes pour diffuser leurs messages de haine, de racisme, d’antisémitisme, tenter de séduire par leur propagande les esprits vulnérables, assurer le recrutement de nouveaux terroristes et leur donner les moyens de passer à l’acte. Nous avons donc marqué avec force le besoin d’une plus grande coopération avec les entreprises de l’internet, pour garantir le signalement et le retrait, quand il est possible, des contenus illicites, notamment des contenus faisant l’apologie du terrorisme, ou appelant à la violence ou à la haine. » La loi antiterrorisme, votée en novembre, permet de punir le fait de «consulter habituellement des sites provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie». A la suite des événements de la semaine passée, désormais, dans les 24 heures, les sites notifiés par le ministère de l’Intérieur devront voir leurs contenus modifiés. Le projet de décret a été transmis en urgence par les services du ministère de l’intérieur, «compte tenu de l’accélération des phénomènes de radicalisation par l’usage d’Internet .» Il pourrait être adopté rapidement à l’assemblée.
La « guerre » des sites ne fait que commencer
Dés la semaine passée, les sites du Mémorial de Caen et de la mairie de Sainte-Marie-aux-Chênes (Moselle) avaient étés attaqués par des hackers se réclamant d’une mouvance djihadiste pour dénoncer l’acharnement de la France « contre l’Islam». Depuis vendredi, ce sont plusieurs centaines de sites d’organisations publiques et privées qui ont été visées. L’Université Paris Sud, la Fondation Jacques Chirac, les sites des communes de Goussainville, d’Ézanville, de Jouy-le-Moutier, dans les Yvelines, ont par exemple, été piratés ou effacés par un groupe de hackers djihadistes. Dans l’ouest de la France, de nombreuses associations catholiques ont été visées. En région parisienne, ce sont les sites web de certains lycées du Val de Marne qui ont étés modifiés.
Le site d’informations spécialisé en sécurité, Zataz, parle aussi des sites de Centres Hospitaliers comme ceux de Château Thierry, du Pays d’Apt, de Bischwiller, de Dreux, Lisieux, Murat, Provins. Selon Zataz , plus de 1900 sites seraient déjà victimes d’attaques sur leurs pages de garde : « Les attaques proviendraient des quatre coins du globe. Ce sont dorénavant 27 groupes de pirates informatiques [Tunisiens, Marocains, Algériens, Indonésiens, Malaisiens, Mexicains (sic!) à s’attaquer aux web francophones. » Lire l’article de notre confrère http://www.zataz.com/cyberattaque-contre-le-web-francais/#ixzz3OhhFwDZJ
La loi très restrictive lancée depuis fin Novembre
L’application directe de l’évolution de la loi a été tout de suite mise en oeuvre. Un strasbourgeois a comparu au tribunal lundi matin pour avoir écrit dés jeudi dernier sur sa page Facebook, un texte « anti Charlie », apellé « bons baisers de Syrie ». A Nice, c’est un adolescent de 14 ans qui a été convoqué par le parquet de Nice pour la publication d’un commentaire hostile à la mobilisation en faveur des victimes. Dans les deux cas, c’est l’apologie par voie électronique d’un crime en relation avec une action terroriste qui a entrainé la mise en examen. Le strasbourgeois risque jusqu’à sept ans de prison et 100.000 euros d’amende. C’est le même sort qui attendrait depuis hier soir l’artiste Dieudonné qui aprés avoir défilé à Paris en mémoire de ses anciens amis de Charlie Hebdo a laissé une provocation morbide sur sa page Facebook pendant quelques minutes: « Actuellement je me sens Charlie,…Coulibaly », du nom du terroriste qui a tué une jeune policière antillaise à Montrouge et quatre clients d’une épicerie kasher à Vincennes vendredi 9 janvier. Une dérive insupportable qui ne manquera pas de relancer le débat sur la liberté d’expression et de sa durée, car apparemment, le nom de Coulibaly a été très rapidement effacé du compte Twitter du « comique ». Des années de prison pour 15 minutes de Facebook ? Mais peut-on rire de tout, partout ? Les défilés du dimanches 11 prônant la tolérance paraissent pour certains déjà loin.
Twitter visé en premier lieu
Depuis la loi du 13 novembre 2014, toutes les incitations à la haine deviennent donc des sujets de condamnation. Les réseaux sociaux sont les plus visés car plus facilement identifiables. Twitter, depuis ce week end, a supprimé de la liste des discussions les plus populaires les hashtags (les mots-clés) favorables aux tueurs de la semaine passé #JeSuisKouachi et #JeSuisCoulibaly.
Pourtant, les acteurs du Web s’était opposés à mise en place de la loi du 14 novembre, souvent citée par les internautes comme « un Patriot Act à la française » qui permettrait à la police de visiter des sites et faire des perquisitions « numériques » sans mandat judiciaire. «C’est une nouvelle loi faite par des techniciens qui ne prennent pas en compte la réalité du terrain, on peut contourner ces blocages ou créer des miroirs des pages », expliquaient les membres de L’Asic.
L’Asic, l ‘association qui regroupe Google, eBay, Yahoo!, Dailymotion, Deezer, Spotify, Airbnb, AOL, Skyrock, Microsoft,PriceMinister ou encore Skype dénonçait « une atteinte sans précédent aux libertés « en France. “L’extension grandissante des pouvoirs offerts aux services de police et aux services de renseignements en matière de contrôle des contenus et des comportements sur Internet sans supervision de l’autorité judiciaire ». A l’époque, on y voyait un contre -feu face aux mises en demeure du gouvernement d’afficher clairement les traitements effectués sur les fichiers de clients de ces multinationales . «Seul un juge peut ordonner une mesure de blocage d’un site Internet, tant cette mesure est susceptible de porter atteinte à la liberté d’expression», réclamait l’Asic. Mais depuis, début décembre, l’association a été très discrête. Depuis les attaques de dimanche, c’est tout le web français qui se sent menacé et finalement ce qui paraissait liberticide ressemble désormais à une forme de protection.