En 2012 était lancé le programme « Hôpital numérique ». Ce plan quinquennal définit la politique nationale relative aux systèmes d’information hospitaliers (SIH). Il vise l’ensemble des établissements de santé et centres hospitaliers et a notamment pour ambition de les « amener à un palier de maturité de leurs systèmes d’information liés aux processus de soins ». Alors qu’il entre dans sa dernière phase, il est d’ores et déjà possible d’observer si la greffe du numérique a pris dans nos hôpitaux.

L’hôpital n’est pas un lieu clôt évoluant dans une autarcie technologique. Le personnel hospitalier, à l’instar de nombreuses professions a surfé à la vague des applications et des terminaux mobiles en les intégrant au quotidien pour devenir plus efficace et améliorer leurs procédures.

Face à cette prolifération de technologies, une infrastructure informatique sécurisée et flexible est nécessaire pour assurer la productivité du personnel de l’hôpital et réduire au maximum les risques de sécurité associés à l’usage d’appareils mobiles et au partage de données sensibles.

La vision initiale du programme Hôpital Numérique était-elle suffisamment pertinente pour accompagner ces bouleversements technologiques qui n’ont cessé d’intervenir depuis son lancement en 2012 ? La réponse est, pour bien des aspects, positive ; grâce notamment à l’utilisation de la virtualisation de postes et d’applications par bon nombre de centres hospitaliers.

Répondre à la demande de l’utilisateur, dans et en dehors de l’hôpital

Les personnels de santé et administratif des hôpitaux veulent de plus en plus choisir l’appareil qui selon eux convient le mieux à leur travail et leur mode de vie. Une aspiration qui ne s’accommode pas toujours des contraintes réglementaires et de sécurité qui s’imposent avec raison à l’ensemble du secteur hospitalier.

Toutefois, la volonté de rationalisation des systèmes d’information impulsée par les ARS a conduit les centres hospitaliers à faire le bon choix pour aujourd’hui permettre et contrôler la mobilité des praticiens.  Beaucoup ont mis en place une infrastructure de bureau et d’applications virtualisées dont l’un des objectifs initiaux était de réduire le temps et le coût des mises à jour logicielles. Le tout s’est accompagné d’un usage quasi systématique de postes légers, éléments indispensables de l’équation technologique et économique à résoudre.

Le résultat ? Des utilisateurs qui peuvent aujourd’hui non seulement accéder à leurs postes de travail sur des appareils mobiles, mais aussi travailler de façon transparente sur les terminaux fixes partout dans l’hôpital, et ce sans nécessairement avoir à mémoriser de multiples mots de passe puisque l’accès à chaque terminal peut être activé par l’utilisation d’un badge, dans le respect des règles de gestion d’identité imposées par la réglementation.

Protéger les données du patient

Les données du patient sont une priorité depuis le lancement du plan Hôpital Numérique. Une obsession dont les autorités européennes se font l’écho, elles qui envisagent des sanctions lourdes envers ceux qui ne protègent pas suffisamment les dossiers des patients.

Encore une fois le déploiement d’un espace de travail indépendant du terminal sur lequel il s’affiche permet aux centres hospitaliers de garder le contrôle des flux de données. Celles-ci sont modifiées, stockées et gérées dans le centre de données de l’hôpital pour n’être qu’affichées et consultées par les médecins et les infirmières. De plus, ceux-ci ne sont plus tenus de transporter plusieurs appareils ou dossier papier dans et en dehors de l’hôpital, minimisant ainsi le risque que des informations sensibles tombent entre de mauvaises mains.

Simplifier la gestion informatique

La mise en place et la maintenance d’un système d’information centralisé change de facto les missions des équipes informatiques des centres hospitaliers. La nature du support informatique apporté aux utilisateurs est transformée, le temps et les coûts nécessaires au déploiement et à la mise à jour d’applications s’en trouvent sensiblement diminués.

Cela permet en théorie de mobiliser les équipes pour accomplir des missions plus critiques ou plus innovantes, même si la réalité tend à démontrer que les gains de la rationalisation des postes et applications en milieu hospitalier ne sont pas systématiquement investis dans le redéploiement des compétences informatiques dans l’hôpital. Un écueil qui n’est pas le seul à mettre au débit du plan de transformation engagé il y a quelques années.

Le patient au cœur du dispositif… sans qu’il le perçoive

Récemment interrogés par Ipsos, les Français ont évalué l’échange d’informations avec et entre les médecins et la cohérence des parcours de soin. Il en ressort qu’une majorité de français estime que la communication – ou plutôt le manque de communication – sur le dossier médical entre la médecine de ville et l’hôpital est préoccupante (55%). Ils sont même 42 % à affirmer qu’il est fréquent que les médecins qui les suivent en ville et à l’hôpital ne communiquent pas entre eux, et 38% en ce qui concerne les personnels de santé hospitaliers entre eux.

L’hôpital a-t-il manqué une occasion de communiquer avec les patients ? L’expérience du patient a-t-elle été négligée alors que nombre des innovations mises en place doivent permettre au corps médical d’accélérer la prise en charge et la prise de décisions ? Nul doute que la question pour l’instant irrésolue du Dossier Médical Personnalisé (DMP) pèse sur la perception des patients.

Les défis de l’ouverture et de la disruption

La validité des choix technologiques et organisationnels qui découlent des orientations prises ces dernières années va bientôt avoir l’occasion d’être confirmée… ou non. Une première échéance approche avec la concrétisation des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) pour tester la capacité des SIH à étendre leurs frontières en faisant fi des distances. Dernier exemple en date : depuis le 1e juillet 2016, plus de 1000 établissements publics de santé en France doivent adhérer à l’un des 150 Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) présentés dans le cadre de la loi portée par Marisol Touraine, Ministre des Affaires Sociales et de la Santé. Rendue obligatoire, cette affiliation a pour but de favoriser les synergies et la collaboration des établissements entre eux en vue d’améliorer le parcours de soins des patients. Néanmoins, une autre conséquence de cette initiative est le besoin désormais indéniable de partager un environnement de travail sécurisé, tout en assurant aux praticiens une mobilité et un accès aux données patient en tous lieux au sein du GHT auquel ils sont rattachés.

Dans le même temps d’autres vagues d’innovation se profilent déjà à l’horizon ; le volume exponentiel de données à gérer et à traiter au fur et à mesure que des disciplines comme la génétique sont de plus en plus prégnantes, l’introduction de la médecine prédictive ou encore l’évolution des techniques de visualisation médicale dont on pressent qu’elles peuvent introduire la réalité virtuelle dans les centres hospitaliers. L’évolution de l’hôpital vers le numérique vient à peine de commencer.

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Emmanuel Schupp est Directeur Général chez Citrix France