La donnée est partout, le vocabulaire partagé beaucoup moins. En posant une semantic layer (métriques, règles, contexte), humains et machines parlent enfin la même langue. Car sans langage commun, la donnée devient difficile à gouverner et l’IA industrialise alors l’incohérence. 

L’adoption rapide de l’intelligence artificielle offre des progrès fulgurants pour les organisations mais elle met aussi en lumière une crise sous-estimée. Si 80 % des professionnels de la donnée utilisent déjà l’IA dans leurs flux de travail quotidiens, derrière cet essor se cache une réalité plus complexe : la donnée ne parle pas toujours le même langage à travers l’entreprise et reste souvent fragmentée, incohérente et difficile à interpréter pour les systèmes comme pour les humains.

La fragmentation sémantique, talon d’Achille de l’IA

Depuis une décennie, les organisations se sont dotées d’outils puissants pour collecter, transformer et visualiser leurs données. Pourtant, les définitions métiers divergent d’une équipe à l’autre. Une même métrique, comme le chiffre d’affaires ou la marge opérationnelle, peut prendre plusieurs sens selon le département ou l’outil qui la calcule. Ce phénomène, souvent invisible, crée un écart croissant entre la donnée disponible et celle réellement comprise.

À l’ère de l’intelligence artificielle, cette fragmentation sémantique devient un risque majeur. Un modèle de langage n’a pas d’intuition métier : il apprend à partir de ce qu’on lui fournit. Si les données manquent de cohérence ou de contexte, les résultats produits par l’IA seront forcément biaisés ou incohérents. L’IA ne corrige en effet pas la confusion des données, elle la reproduit à grande vitesse.

La sémantique comme nouvelle infrastructure de la donnée

Pour surmonter cette difficulté, un nouveau paradigme émerge : la semantic layer. Cette approche consiste à définir un langage commun pour l’ensemble des données au sein de l’entreprise. Elle établit un modèle unique où chaque métrique, chaque règle métier et chaque transformation est décrite une fois, testée, documentée et partagée entre tous les outils. Grâce à cette couche sémantique, une même notion garde le même sens dans un tableau de bord, une application ou un modèle d’IA. L’IA peut alors exploiter des données cohérentes et traçables, et les utilisateurs humains peuvent comprendre et justifier les résultats qu’elle produit.

Cette approche ne se limite pas à un gain technique : elle redéfinit la confiance dans les données. Là où la multiplication des outils a souvent créé une dette sémantique, la semantic layer réintroduit la clarté et la transparence nécessaires pour bâtir une IA responsable.

Bâtir la confiance avant la vitesse

Trop souvent, l’adoption de l’IA est guidée par la rapidité d’expérimentation. Mais la performance durable ne vient pas de la vitesse, elle vient de la confiance. Mettre en place une semantic layer, c’est accepter de ralentir pour mieux construire : documenter, tester, versionner et partager les définitions de données avant de les industrialiser.

Les entreprises qui parviennent à structurer ce langage commun entre humains et machines créent un avantage compétitif durable. Elles ne se contentent pas d’automatiser leurs analyses ; elles en maîtrisent le sens. Dans un contexte où les données se multiplient sans toujours se comprendre, la prochaine révolution analytique ne dépendra pas d’un modèle d’IA plus grand, mais d’une donnée capable de parler d’une seule voix.
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Par Martial Coiffe, vice-président pour l’Europe continentale, dbt Labs

 

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