Les ESN vivent depuis plusieurs années de profondes mutations qui impactent à la fois leur business model et leur métier. Au-delà du développement de logiciels spécifiques, de la TMA et de l’infogérance qui constituaient leur cœur de métier, les sociétés de services informatiques cherchent de nouveaux leviers de croissance et se transforment petit à petit en opérateurs de services numériques. La frontière entre des éditeurs de logiciels qui ajoutent du service à leurs offres et des ESN qui développent des plateformes SaaS pour leurs clients devient de plus en plus floue.

Le marché des ESN est actuellement en mouvement, marqué par des annonces régulières de repositionnement, de consolidation entre acteurs et le lancement de nouvelles offres. A l’origine de ce mouvement : les plateformes, le cloud et la transformation digitale de l’économie.

Le cloud est aujourd’hui un incontournable du paysage IT. La récente enquête du cabinet Markess, « Tendances 2020 du marché du Cloud en France » évalue le marché des solutions de cloud et des services associés pour l’année 2017 à 8,5 milliards de dollars, en croissance de 27 % et tirant avec lui le secteur des logiciels et services IT français. L’avènement du cloud a vu s’imposer des acteurs comme AWS, Google Cloud Platform et autres Microsoft Azure en tant que partenaires de choix des entreprises. Leurs offres sont venues bousculer les offres d’infogérance des ESN, obligeant ces dernières à repenser l’équilibre de leur modèle économique jusqu’alors basés sur les investissements de leurs clients en matière d’infrastructure. En parallèle, les éditeurs de logiciels ont été de plus en plus nombreux à proposer des offres SaaS, la part du SaaS étant évaluée sur 2017 à 57% du marché français du cloud. En conséquence, avec ces offres, les entreprises n’ont plus besoin de souscrire à des prestations de TMA auprès des ESN, la maintenance et les montées de versions étant gérées par l’éditeur.

Au même moment, les DSI font évoluer les SI pour mettre en place de véritables « catalogues de services numériques ». Loin d’être juste le gestionnaire du parc informatique et applicatif, la DSI est devenue un maillon essentiel du fonctionnement opérationnel de l’entreprise. Un seul objectif : aider les équipes métiers de l’entreprise à imaginer et à construire les nouvelles offres de produits et de services dans un monde de plus en plus digital et de plus en plus ouvert vers les clients et les partenaires de l’entreprise. Les équipes de la DSI travaillent notamment au développement d’API qui facilitent l’intégration des applications métier avec des solutions Saas du marché, tout en veillant au respect des exigences internes, en particulier en termes de droits d’accès, de protection des données et de sécurité du SI. Sans doute l’une de leurs meilleures parades face au shadow IT…

Face à ces nouvelles « concurrences », les ESN doivent repenser leur proposition de valeur. Sur ce point, plusieurs pistes sont à suivre simultanément :

– Il est important que les ESN développent leurs capacités de conseil, en misant sur ce qui a toujours fait leur force, leur maîtrise des technologies et des offres du marché. Il s’agit non seulement de recommander l’offre qui répondra le mieux au besoin de l’entreprise, mais aussi et surtout de s’engager, en étroite synergie avec la DSI, dans son intégration efficace au sein du SI existant.

– Les ESN peuvent aussi proposer des offres verticalisées ou thématiques, en misant sur leur savoir-faire en matière d’adaptation des SI aux processus et enjeux spécifiques à un secteur donné ou à un profil d’entreprise. Les mouvements de rachats observés servent directement cette démarche : ils leur permettent d’acquérir et d’étoffer leurs compétences sur les technologies SMAC (Social, Mobilité, analytics et Cloud) et/ou sur les expertises sectorielles (automobile, industrie pharmaceutique…).

– Autre changement de paradigme : Les ESN se lancent dans le développement de plateformes de services IT complexes à partir desquelles les DSI des entreprises vont pouvoir nourrir leurs projets métier. En cela, elles se rapprochent fortement du métier des éditeurs. Par exemple, chez Neoxia, nous avons développé en collaboration avec nos clients des plateformes SaaS dans le domaine du elearning, du management des talents ou de la gestion de réseaux hydrographiques.

– Enfin, de plus en plus de structures, souvent de taille petite ou moyenne comme des start-up ou des PME, décident d’externaliser entièrement la partie développement technologique et gestion de leurs services numériques auprès d’ESN afin de se concentrer sur leur spécificités métier et accélérer leur « go to market ». L’idée est de s’appuyer sur une équipe de professionnels disposant d’expertises multiples (design, développement, cloud, devops, etc.) directement opérationnelle et ainsi d’accélérer leur processus d’innovation. Certaines ESN choisissent parfois de prendre des participations dans ce type d’entreprises pour s’inscrire dans un partenariat de long terme et diversifier leur sources de revenus futurs.

Comme dans les autres secteurs économiques, la transformation des acteurs de l’informatique et du numérique est bel et bien lancée, avec des défis que chaque ESN devra relever à son échelle, au regard de son historique et de son ambition pour l’avenir. Reste à imaginer les modèles d’organisation et de business qui demain assureront la pérennité des acteurs des services IT dans un paysage où clients, fournisseurs et partenaires sont à la fois alliés et concurrents pour attirer les talents et capter une partie de la chaîne de valeur.

 

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Gilles Mergoil est Fondateur de Neoxia