Tous les citoyens doivent recevoir une éducation numérique et informatique, tout au long de leurs scolarité, du primaire au secondaire : cette idée fait aujourd’hui largement consensus, comme en témoignent plusieurs rapports produits récemment. Mais que doit-on enseigner et de quelle manière doit se faire cet enseignement ?
Suite aux réflexions menées au sein de sa commission Technologies de l’information et de la communication, l’Académie des technologies, dans une communication : « Le rôle de la technologie et de la pratique dans l’enseignement de l’informatique », bat en brèche quelques idées reçues et prend position pour des contenus et une pédagogie adaptés aux besoins de la société du 21ème siècle.
L’enseignement de l’informatique et du numérique doit avant tout permettre à l’élève l’apprentissage de la modélisation et intégrer l’étude des systèmes, un besoin fondamental du 21ème siècle. L’informatique est un outil formidable pour créer et manipuler des systèmes. C’est une école pour développer et comprendre l’abstraction, et elle le fait à sa manière, concrète, et qui se prête bien à l’apprentissage par l’action, chère à Jean Piaget.
Enseigner la modélisation et les concepts de la systémique, c’est préparer les élèves à comprendre les grands systèmes complexes (énergie, transports, communications…) qui sous-tendent le fonctionnement de la société. C’est aussi les préparer aux emplois d’avenir et faciliter en particulier leur intégration dans les organisations industrielles, où l’amélioration continue des procédés repose sur la modélisation. Notre préconisation est donc double : renforcer l’attention donnée à la modélisation dans l’enseignement informatique et ne pas réduire sa finalité à la science informatique elle-même.
L’enseignement de l’informatique doit passer par un décloisonnement des disciplines. Une partie des critiques que la communauté des acteurs du numérique porte sur l’enseignement numérique a trait à la trop grande segmentation et spécialisation des domaines de connaissance. Donner un socle pratique fondé sur les projets et l’apprentissage collaboratif est une façon de répondre à ces objections. Mais avant tout, l’enseignement de l’informatique doit passer par un décloisonnement des disciplines en introduisant, par exemple des cours de physique sur la technologie informatique, où en s’intéressant aux données, à leur sémantique et aux nombreuses questions relatives à leurs usages : volume, pérennité, respect de la vie privée et de la propriété, distribution, copie… L’informatique joue un rôle transverse d’intégration. Cette contribution fondamentale à l’activité humaine du 21ème siècle exige que la science informatique ne soit pas restreinte à une vision logicielle et matérielle, mais embrasse une ambition systémique et une approche pluridisciplinaire, dans la pratique comme dans l’enseignement. Ce décloisonnement nécessaire a également un impact sur les critères de recrutement des professeurs.
Un bon enseignement informatique est fondé sur l’expérimentation, la pratique et la maîtrise des outils. Le rôle de l’outil devient le plus important, les innovations dans ce domaine naissent d’un niveau élevé de maîtrise des outils qui n’est rendu possible que par une pratique assidue. Il faut développer à l’école un apprentissage actif, collectif et pratique. L’Académie des technologies recommande de généraliser dès l’école primaire puis dans l’ensemble du cursus: collège, lycée, supérieur, un enseignement plus concret et plus engageant, une nouvelle pédagogie active apte à former des élèves qui seront des citoyens éclairés et des acteurs de l’innovation.
De ce point de vue, les cours en ligne ouverte et massifs (MOOC’s), qui ne sont pas de simples cours filmés en ligne, mais construisent un réseau social d’étudiants qui s’apprennent les uns les autres, constituent une formidable méthode alternative, qu’il faut développer, à l’instar de la Khan Academy, cours de mathématiques qui font partie de la culture pédagogique aux Etats-Unis.
Pratiquer l’informatique est une école de pensée et une école de vie. Il y a beaucoup à apprendre de la mise au point incrémentale, du cycle d’essais et de détection des erreurs. La pratique de ces notions est, pour les enfants comme pour les adultes, fondamentale pour assimiler des réalités et des concepts complexes, comprendre et raisonner, mesurer les risques et opportunités, toutes choses qui forment le socle de la responsabilité sociale, indispensable au progrès.
Ce type d’apprentissage a également un impact sur les méthodes d’évaluation des élèves.
La commission conclue que « la proposition d’introduire un enseignement d’informatique à tous les niveaux de l’enseignement général semble la meilleure que l’on puisse faire pour lutter contre la désaffection des jeunes pour la science et la technologie, leur donner le goût de faire et leur ouvrir le chemin de l’innovation ».
A lire
· Le rôle de la technologie et de la pratique dans l’enseignement de l’informatique. Note de la commission TIC de l’Académie des technologies, février 2014 [URL]
· La technologie, école d’intelligence innovante. communication de l’Académie des technologies. Communication, octobre 2012 . [URL]
· « Informatics Europe & ACM ». Report of the joint Informatics Europe & ACM Europe Working Group on Informatics Education, April 2013
· « L’enseignement de l’informatique en France – Il est urgent de ne plus attendre ». Rapport de l’académie des sciences, mai 2013