Ses derniers résultats s’inscrivent dans la lignée des précédents : un CA en berne avec des bénéfices toujours copieux. Mais jusqu’à quand Big Blue réussira-t-il ce tour de force consistant à faire plus avec moins ?

Atteindre 20 dollars de bénéfice par actions tel est l’alpha et l’oméga de la stratégie d’IBM formulée dans sa 2105 road map par Sam Palmisano et qu’a repris à son compte Gini Rometty. Certes les derniers résultats feraient pâlir de jalousie nombre d’entreprises mais ils sont pourtant préoccupants. IBM n’arrive plus à générer de croissance. C’est le 6e trimestre de baisse de son chiffre d’affaires consécutif. Pour ce troisième trimestre 2013, IBM enregistre un CA en baisse de 4 % par rapport à l’exercice précédent ($23,7mds) pour un bénéfice de $4mds en hausse de 11 %. Un désormais grand classique mais qui aura un jour ou l’autre ses limites. D’autant qu’IBM continue à procéder à des acquisitions en masse, il est à mi-chemin de ses 20 milliards de dollars de rachats d’entreprise d’ici à 2015.

La plus grande déception concerne les zones à forte croissance, là où IBM met l’accent depuis des années, les fameux BRICS et la zone Asie-Pacifique. Cette mauvaise performance a d’ailleurs couté son poste à James Bramante, le dirigeant des marchés émergents. L’autre point de préoccupation concerne évidemment la baisse inexorable de la division matériels qui n’a représenté que 13,5 % du CA, un niveau historiquement bas. Certes, IBM n’est plus classé depuis longtemps comme constructeurs de matériel mais il a toujours mis en avant la synergie entre les trois activités : matériels, logiciels et services.  Face à de tels résultats, on comprend la volonté de Big Blue de se départir de ses serveurs X86 (les négociations seraient toujours en cours, notamment avec Lenovo).  Les ventes des Systems Power sont catastrophiques avec une dégringolade de 38% tandis que celles des Systems X s’effondrent de 18%. Seuls les mainframes Systems Z tirent leur épingle du jeu et voient leurs ventes progresser de 6%.

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Dans sa stratégie labellisée Smarter X (dès qu’IBM pose son regard sur X, X devient intelligent), IBM sait mettre en valeur ses réalisations qui sont parfois impressionnantes. C’est par exemple le cas du calcul haute performance où Big Blue possède 160 supercalculateurs dans le Top500 qui regroupe les 500 ordinateurs les plus puissants de la planète. Ses travaux de recherche qui ont permis de développer le système Watson est remarquable avec des applications à venir très performance. IBM vient d’annoncer deux déclinaisons de Watson dans le domaine médical en partenariat avec la Cleveland Clinic, une des plus réputées des Etats-Unis, pour l’aide au diagnostic (voir la vidéo ci-dessous).

Mais un autre événement retient l’attention et pose la question de savoir s’il s’agit un accident ou d’une tendance de fond. Alors qu’il se présente comme un des acteurs majeurs du cloud, il vient de perdre un contrat avec la CIA face à Amazon Web Services pour la construction d’un cloud privé. Certes, il ne s’agit que de 600 M$ de perdu, une goutte par rapport à son activité globale. Mais cette perte à une conséquence en termes d’image considérable, en particulier aux Etats-Unis. AWS était 50 % plus cher mais l’offre était jugée « supérieure sur le plan technique » par la CIA qui doit être un des clients les plus exigeants de la planète avec la NSA et l’Armée des Etats-Unis.  On le sait, AWS est loin devant tous ses concurrents en matière  cloud public. Son chiffre d’affaires est environ 5 fois plus important que celui combiné de ses concurrents immédiats.

Mais, ici il s’agit de cloud privé, une prestation qui inclut toute l’expertise d’IBM, en particulier celle en sécurité. Piqué au vif, IBM a engagé une poursuite judiciaire arguant de la différence de prix, du fait qu’il est un fournisseur de l’administration américaine depuis bien longtemps. Mais rien n’y fit. Lundi dernier, le juge Thomas Wheeler d’une Cour de justice fédéral a maintenu la décision. IBM a indiqué qu’il ferait sans doute appel. Cette manière de traiter les affaires par la voix juridique qui est relativement habituelle aux Etats-Unis et fait presque partie du paysage n’en marque pas moins une évolution importante du marché. Le cloud qui représente encore une part modeste du marché mais correspond à une nouvelle ère de l’informatique qui, comme les précédentes, va redistribuer les cartes avec ses perdants et ses gagnants.

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(Pour lire la transcription de la séance de Q&R avec les investisseurs à l’occasion de la publication des résultats du 3e trimestre).