Le vrai « AWS re:Invent » se joue souvent loin des keynotes “agents partout”. Plusieurs annonces « invisibles » reconfigurent déjà l’architecture et l’exploitation au quotidien.. Un second regard sur l’un des évènements IT majeurs de l’année 2025…
Chaque année, AWS re:Invent s’impose comme la grand-messe du cloud. Et comme depuis quelques années le même scénario se répète : l’IA, les agents et les modèles accaparent l’essentiel de l’attention médiatique. À juste titre, sans doute. Mais à force de regarder dans cette direction unique, on en oublie des annonces tout aussi structurantes pour le quotidien des équipes, l’architecture des plateformes et surtout… la facture en fin de mois.
Un décryptage à contre-courant, consacré à ces nouveautés 2025 dont on ne parle pas assez, mais qui pourraient bien transformer en profondeur la manière dont nous concevons, exploitons et optimisons nos environnements AWS.
Analyse en sept nouveautés :
1 – Lambda Managed Instances : la fin du dilemme serverless vs EC2 ?
AWS introduit Lambda Managed Instances, une évolution majeure qui brouille enfin la frontière historique entre Lambda et EC2. L’idée est simple, mais puissante : exécuter des fonctions Lambda sur des instances EC2… sans avoir à gérer ces instances.
Plus de patching OS, plus de gestion réseau ou de scaling manuel. AWS s’en charge. En contrepartie, on accède à l’intégralité du catalogue EC2, ce qui ouvre la porte aux workloads nécessitant du matériel spécifique ou des ratios CPU/RAM différents.
Cerise sur le gâteau : ces Lambdas peuvent désormais bénéficier des EC2 Savings Plans et Instances Réservées
La mise en œuvre est volontairement minimale :
– création d’un capacity provider pour définir les types d’instances,
– sélection de ce provider et du ratio mémoire/CPU lors de la création de la fonction.
Aucun changement de code n’est requis, et l’intégration reste identique à celle des Lambdas traditionnelles. Une annonce discrète, mais potentiellement révolutionnaire.
Disponible dès maintenant en us-east-1, us-east-2, us-west-1, eu-west-1 et ap-northeast-1.
2 – Lambda Durable Functions : l’orchestration sans Step Functions
Avec Lambda Durable Functions, AWS propose une approche radicalement différente de l’orchestration serverless. Pourquoi externaliser la gestion des états, des erreurs et des workflows dans Step Functions quand tout peut être géré… directement dans le code ?
Cette nouvelle option permet de développer des Lambdas capables de piloter des workflows complexes, avec des primitives natives :
- Steps pour le checkpointing et les retries automatiques,
- Wait pour suspendre l’exécution,
- Callbacks pour attendre des événements externes,
- Parallel / Map pour la concurrence.
Le modèle est séduisant : une durée d’exécution pouvant aller jusqu’à un an, et surtout aucune facturation lorsque la Lambda est en pause. EventBridge s’enrichit également de nouveaux événements pour suivre les changements d’état.
Pour l’instant, la fonctionnalité est limitée à us-east-2 et aux runtimes Python (3.13/3.14) et Node.js (22/24), mais le signal envoyé est clair : AWS souhaite simplifier drastiquement l’orchestration serverless.
3 – Database Savings Plans : enfin une vraie stratégie de réduction des coûts data
C’est peut-être l’annonce la plus sous-estimée de cette édition. Avec les Database Savings Plans, AWS applique enfin une logique unifiée d’optimisation des coûts à l’ensemble de son écosystème bases de données.
Le principe est familier : un engagement en $/heure, flexible vis-à-vis des types d’instances, des régions et même des moteurs. Mais la portée est inédite : Aurora, RDS, DynamoDB, ElastiCache, DocumentDB, Neptune, Keyspaces, Timestream, DMS… tout est concerné.
Quelques ordres de grandeur (engagement 1 an, sans upfront) :
* Aurora Serverless : jusqu’à 35 %,
* Aurora Standard / RDS : ~20 %,
* ElastiCache serverless (Valkey) : ~30 %.
Avec des recommandations d’achat intégrées et le Savings Plans Purchase Analyzer pour simuler différents scénarios, difficile de ne pas y voir une opportunité immédiate d’optimisation. Clairement, une nouveauté à activer sans attendre.
4 – AWS Interconnect Multicloud : un multicloud enfin natif
AWS surprend avec AWS Interconnect – Multicloud, actuellement en preview dans cinq régions. L’objectif : simplifier l’interconnexion privée et sécurisée entre AWS et d’autres fournisseurs cloud.
Là où il fallait jusqu’ici jongler avec des architectures complexes ou des solutions tierces, AWS propose un service natif, compatible avec Transit Gateway et Cloud WAN, offrant bande passante dédiée et résilience intégrée.
Aujourd’hui, l’interconnexion est possible avec GCP. Azure suivra en 2026. L’API est publiée en open source sur GitHub, un signal fort en faveur d’un multicloud plus ouvert et standardisé.
5 – Réseau : des Load Balancers plus intelligents que jamais
Côté Network Load Balancer :
* support du QUIC passthrough, permettant de conserver les sessions même lors d’un changement d’IP source (un atout majeur pour le roaming),
* arrivée des Weighted Target Groups, facilitant blue/green, canary et migrations progressives.
Côté Application Load Balancer :
* Target Optimizer, qui améliore la répartition de charge via un agent remontant les requêtes concurrentes,
* réécriture native des URL et headers, sans reverse proxy additionnel, et sans recréer l’ALB.
Des évolutions incrémentales, certes, mais qui simplifient considérablement des architectures parfois inutilement complexes.
6 – CloudWatch : vers une observabilité réellement unifiée
AWS fait un pas décisif avec un data store unique dans CloudWatch pour agréger logs, données de sécurité et de conformité y compris depuis des solutions tierces comme Okta, Wiz ou Entra ID.
Les pipelines d’ingestion permettent d’ajouter des transformations (notamment vers le format OCSF) et les données peuvent être analysées directement dans CloudWatch ou via des outils compatibles Iceberg comme Athena ou QuickSight.
Une brique clé pour rapprocher observabilité, sécurité et conformité, sans multiplier les silos.
Disponible dans la majorité des régions, notamment US, eu-west-1, eu-central-1 et eu-west-3.
7 – S3 Tables : la réplication automatique pour l’analytics global
Enfin, Amazon S3 Tables gagne la réplication automatique des tables Apache Iceberg : structure, métadonnées et snapshots sont synchronisés entre régions.
Pour les workloads analytiques globaux, c’est un levier puissant pour réduire la latence et améliorer la disponibilité des données, sans complexifier les pipelines.
Toutes ces annonces n’ont peut-être pas le glamour de l’IA générative. Pourtant, elles répondent à des enjeux bien réels : performance, simplicité opérationnelle, maîtrise des coûts et ouverture vers le multicloud.
Re:Invent 2025 nous rappelle une chose essentielle : l’innovation la plus utile n’est pas toujours la plus bruyante. Parfois, elle se cache dans ces annonces « secondaires »… qui finissent par changer durablement la façon dont on construit le cloud.
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Par Tristan Miche, Architecte Cloud Devops chez Ippon Technologies





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