La bataille du cloud se joue aussi sur le CPU. Pour les hyperscalers et pour AWS en particulier, précurseur avant tout le monde, les processeurs ne sont pas que des composants essentiels à toute infrastructure informatique. Ils sont un levier direct pour vendre moins cher et consommer moins à l’échelle planétaire. Avec son nouveau Graviton5, l’hyperscaler muscle sa riposte face à Azure et Google mais aussi face aux derniers Xeon d’Intel et Epyc d’AMD. Oui, les hyperscalers sont bien une menace pour l’avenir de ces deux acteurs historiques…
Quand AWS a racheté Annapurna Labs en 2015, le projet n’était pas seulement de fabriquer quelques cartes réseau supplémentaires, mais de reprendre la main sur le silicium au cœur de ses datacenters. Premier jalon visible : Nitro, cette brique matériel/logiciel lancée en 2017 qui déporte la virtualisation, le réseau et le stockage sur des cartes dédiées et prépare le terrain à des CPU maison étroitement intégrés à l’infrastructure EC2.
En 2018, la première puce « Graviton1 » apparaît dans les instances A1 de l’hyperscaler. La puce dotée de 16 cœurs Arm Cortex-A72 est conçue pour des workloads Linux « scale-out » peu critiques, histoire de tester le modèle prix/performances et de mesurer l’appétence des clients pour de l’ARM en production. Un an plus tard, Graviton2 change d’échelle avec 64 cœurs Neoverse N1 gravés en 7 nm et offre jusqu’à 7 fois les performances de la première génération et environ 40 % de meilleur ratio prix/performance que les instances x86 de même génération, propulsant les familles M6g, C6g et R6g au rang de « nouveaux choix par défaut » pour de nombreux workloads généraux.
Dévoilé fin 2021, Graviton3 pousse plus loin l’optimisation pour le cloud : 64 cœurs à 2,6 GHz, 25 % de performances en plus que Graviton2, 2x en flottant et un chiffrement bien plus rapide, pour cibler le calcul intensif, l’encodage média, l’analytics distribué et l’inférence IA dans les C7g, M7g et R7g.
Avec Graviton4, annoncé en 2023, AWS passe à 96 cœurs Neoverse V2, une mémoire DDR5-5600 et des gains jusqu’à 30 % sur les applis web, 40 % sur les bases et 45 % sur les grandes applis Java, tout en réduisant encore la consommation par unité de performance dans les instances R8g, M8g, C8g et X8g.
Au fil de ces générations, AWS a fait de Graviton le socle énergétique et économique de son IaaS, avec des dizaines de milliers de clients et des gains de consommation pouvant atteindre 60 % par rapport à l’équivalent x86 à performances égales.
Le Graviton5 est déjà là… Et c’est du lourd !
Annoncé lors de la dernière journée de AWS re:Invent 2025 et cinquième génération de CPU Arm maison, le Graviton5 marque un nouveau bond spectaculaire et la volonté d’Amazon de réellement concurrencer ce qui se fait de mieux sur le marché en matière de CPU. Sur le papier, Graviton5 s’inscrit dans la trajectoire précédente. C’est une nouvelle itération de CPU Arm étroitement couplée à Nitro, pensée pour maximiser le nombre de cœurs, la bande passante et le cache par instance, et pousser encore le curseur prix/performance sur EC2.
En pratique, Graviton5 est une arme bien plus ambitieuse que les précédentes générations. Elle aligne 192 cœurs gravés en 3 nm et un cache L3 cinq fois plus large que la précédente génération. Ces processeurs équipent déjà les nouvelles instances EC2 M9g. AWS annoncent jusqu’à 25 % de performance en plus que les M8g, pour un coût par vCPU et par watt en baisse.

Certains partenaires ont pu l’implémenter en avance de phase. SAP annonce +35 à +60 % sur des requêtes OLTP HANA Cloud, Atlassian +30 % sur Jira et Airbnb +25 % sur ses recherches en production.
Graviton5 arrive avec Nitro 6 et le nouveau Nitro Isolation Engine. Les cartes Nitro déportent virtualisation, réseau et stockage sur du matériel dédié, libérant les cœurs pour les workloads clients et imposant un modèle « zero operator access ». L’Isolation Engine ajoute une isolation formellement vérifiée, avec un code minimal prouvé mathématiquement, censé garantir que ni d’autres instances ni les opérateurs AWS ne peuvent accéder aux données en mémoire.
Stratégiquement, AWS durcit donc son pari sur le silicium propriétaire face à Intel et AMD. Pour la troisième année, plus de la moitié de la nouvelle capacité CPU ajoutée à AWS est en Graviton et 98 % des 1 000 plus gros clients EC2 utilisent déjà les puces maison de l’hyperscaler !
Dans une bataille des CPU ARM maison qui oppose aussi Azure (avec son Cobalt-200 annoncé en Novembre) et Google (avec son CPU Axion=, Graviton5 donne à AWS un levier prix-performance, densité et sobriété. Pour les DSI, cela se traduit par moins d’instances pour un même SLA, des coûts de calcul en baisse sur Linux et la nécessité de planifier rapidement des migrations ciblées de workloads x86 vers ARM pour réaliser de substantielles économies et soigner la facture énergétique.






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