A Barcelone pour le Mobile World Congress 2019, tout le monde se félicite des avancées de la 5G à travers des trains d’annonces à tous les niveaux, toutes convergeant vers la constitution d’un nouvel écosystème surmultiplié qui devrait ouvrir une nouvelle ère du tout numérique mobile.

« En 2017, puis l’année dernière, je disais que la 5G arrivait vite, puis très très vite… aujourd’hui la 5G n’arrive plus, elle est là…» C’est dans cette atmosphère de superlatifs et de compétition intense avec les équipementiers chinois (Huawei annonçait son téléphone pliable en même temps) que Rajeev Suri, CEO de Nokia présentait ses vues sur la position qu’occupe Nokia dans ce que tout le monde appelle aujourd’hui une « révolution du numérique mobile ».

De son point de vue, Nokia a choisi la bonne stratégie au bon moment pour profiter des déploiements de cette technologie qui ont débuté d’abord aux Etats Unis, puis en Corée, en Chine, au Japon et peut être cette année en Europe après le Moyen Orient et l’Australie. Pour lui, tout va bien, le nombre d’opérateurs 5G va augmenter rapidement, de nouvelles fréquences vont être libérées, les infrastructures vont être déployées, de nouveau appareils mobiles 5G vont apparaitre et l’écosystème complet de la 5G va se stabiliser…

« Tout le monde au départ attendait l’arrivée de cette technologie en 2020, suivie par des ventes en volumes…précise-t-il, mais nous pensons que 2019 se terminera avec un momentum considérable pour le marché ainsi que pour Nokia. » La croissance sera donc pour 2020. Nokia a créé un index de maturité de la 5G pour mieux connaitre l’état d’esprit des opérateurs. Il estime qu’il faudra 5 ans pour que la 5G soit déployée pour 75% des clients de ces opérateurs. Pour Nokia qui continue de s’appuyer sur son cœur de métier auprès des opérateurs, la 5G est une opportunité pour s’étendre vers certaines entreprises, entrer plus profondément dans le monde du logiciel et étendre ses activités vers le grand public et l’entreprise en offrant des possibilités de licences.

Le sans fil fixe, plus économique que la fibre pour les opérateurs

Il donnait ensuite une idée du bilan des premiers déploiements de la 5G avec une centaine de pilotes 5 G en cours dans le monde et il annonçait avoir signé 20 contrats dont un nouveau contrat à venir avec un operateur américain. Passant en revue les différentes activités de la compagnie, il s’attardait sur les opportunités de larges déploiements offertes par la connectivité du dernier kilomètre permise par l’utilisation des fréquences millimétriques (20 GHz et au-delà).

C’est un secteur où les mises à jour du réseau devront être réalisées pour mettre en place le « sans fil fixe » (fixed wireless), conduisant à une multiplication des stations de base. Le sans fil fixe est pour Rajeev Suri une opportunité pour Nokia de développer ses activités auprès des entreprises « parce qu’il permettra à des entreprises de bénéficier des avantages et de la sécurité d’un réseau mobile privé. Ce marché se développe rapidement, poursuit-il, et nous pensons que dans les 10 ans à venir, plus de 15 millions de sites industriels pourront disposer de leur réseau privé, ce qui doublera le nombre de base stations que les opérateurs ont aujourd’hui. »

Il mentionnait aussi les villes et différentes communautés comme cible privilégiées pour les réseaux mobiles privés… A noter que le sans fil fixe présente pour les opérateurs, une solution beaucoup plus économique que le FTTX parce qu’il permet de couvrir en très haut débit un assez grand nombre de clients avec une seule station de base. Il estime que d’ici 2025, le marché du sans fil fixe pour les entreprises atteindra 15 milliards de dollars et continuera de croitre à un rythme de 20% par an.

Le logiciel, séparé des matériels, devient un marché en soi

Nokia développe aussi ses activités logicielle « standalone » sachant que la 5G apporte de nombreuses opportunités grâce à la virtualisation, conduisant les opérateurs à créer des réseaux indépendants. « Il se développe un véritable marché du Edge Cloud indique-t-il qui permettra aux opérateurs d’intégrer et de gérer ces réseaux privés avec les réseaux mobiles existants. »

Il voit le Edge Cloud au cœur d’un grand nombre d’applications critiques, voire sensibles parce qu’il va, notamment grâce au network slicing, crée la mise en œuvre d’un grand nombre de systèmes logiciels pour gérer, organiser et sécuriser cette multitude, générant des données de façon spécifiques qu’il faut stocker, transférer, analyser de façon automatique en utilisant des techniques logicielles, statistiques et d’intelligence artificielle comme le machine learning. « La 5G ouvre de nombreuses portes pour le logiciel explique-t-il, comme la gestion des actifs, de la satisfaction des clients, de la maintenance prédictive, tous adaptés aux capacités des nouveaux réseaux sans fil de la 5G, sans oublier les applications de l’Internet des objets Industriels. »

Il annonçait que le business logiciel de Nokia avait augmenté de 4% en 2018, et que l’unité logicielle de Nokia dépassait le chiffre d’affaire de 2,5 milliards d’Euros. Il mentionnait aussi les revenus générées par les activités de licence de brevets et technologies développées par Nokia dans les téléphones cellulaires, sachant qu’aujourd’hui, il y a 7 milliards de téléphones et appareils connecté et ce chiffre atteindra 100 milliards d’ici 2025 avec le remplacement du parc pour la 5G et tous les appareils et objets connectés, robots, téléphones, tablettes, etc…Il estime que les opportunités de croissance de ce portefeuille de patentes restent importantes sachant que la moitié des téléphone chinois relèvent de patentes détenues par Nokia.

5 prévisions d’un avenir radieux

Pour conclure, il se lançait dans le jeu favori des prévisions. En premier, la sécurité sera une priorité essentielle, non négociable, parce que les opérateurs vont permettre aux entreprises de développer de nombreuses applications et utilisations critiques. Deuxièmement, les opérateurs vont commencer (continuer…) à gagner de l’argent avec les entreprises. Il espère que le chiffre d’affaire global des opérateurs passera de 500 milliards de dollars à 1000 milliards de dollars d’ici 2028. Troisièmement, la 5G va provoquer des gains de productivité de l’ordre de ceux qu’on a connu dans les années 50-70. IL estime que le taux d’augmentation de la productivité provoqué par la 5G sera de 20 à 35% vers 2028-2030. « C’est révolutionnaire… !! ». Quatrièmement, 5G va grandir et grandir pendant au moins une décade et au-delà parce que nous n’avons pas encore vu tous les cas d’utilisation du très haut débit sans fil qu’elle apporte. Enfin, il ne viendra pas à Barcelone l’année prochaine pour parler de la 6G, même si les ingénieurs des Bell Labs, récupérés lors du rachat de Alcatel-Lucent, ont déjà commencé à travailler sur les évolutions de la 5G.